mercredi 31 décembre 2008

Lettre à Monsieur Mohamed El Hacen Ould El Haj dit Mohcen, Sénateur, Vice président du Sénat, sur le fonctionnement de nos institutions.

Monsieur le Sénateur,

J’ai lu votre correspondance parue dans le journal Le Calame en date du mardi 23 décembre 08 en réaction à celle du Président de la République Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi.
Mon propos n’est pas de m’interposer entre Feyty et la Police, la sagesse soninké m’ayant appris à ne pas mettre mon doigt entre l’arbre et son écorce. Tout juste vais-je réagir sur le fond et au sujet de ce que je pense de bonne foi être l’intérêt de l’Etat. Sans vouloir heurter votre sensibilité, j’avoue que j’ai été troublé par certains passages de votre correspondance que je me serais abstenu bien volontiers d’écrire si j’étais vous (Allah Seul sait ce qu’Il fait ; Lui Seul sait pourquoi vous êtes vous et je suis moi comme Lui Seul sait pourquoi le lion rugit et le chat miaule). Vous vous dites soucieux de l’encrage du pays dans la sphère de la démocratie et je n’ai pas de raison de ne pas vous croire. Vous êtes donc peut-être sincère. Mais permettez-moi de n’en point juger que sur pièce. Vous reprenez dans votre sortie ce que beaucoup de concitoyens subodoraient et que le Président Sidi Ould Cheikh Abdallahi a lui-même reconnu : certains officiers supérieurs du haut commandement militaire avaient apporté leur soutien au candidat comme d’autres avaient jeté leur dévolu sur un autre candidat majeur (qui n’a jamais eu de cesse de chercher jusqu’à ce jour le parrainage des militaires). Le fait que des militaires aient choisi de s’immiscer dans le jeu politique est inquiétant mais aurait pu se limiter à cela s’il ne leur était venue l’idée de vouloir tout contrôler et piloter de leur état-major en demandant aux politiques de se mettre au rapport. Leur soutien à un candidat est de mon point de vue anodin. Sauf à nous dire, Monsieur le sénateur, que les militaires ne se sont pas contentés de « faire du lobbying » par votre entremise mais qu’ils sont allés plus loin en mettant à contribution leur position et leurs avantages pour modifier le sens du scrutin. Tant que l’électeur mauritanien aura le pouvoir en son âme et conscience de voter pour le candidat de son choix dans le secret de son isoloir, peu importera que les militaires, les marabouts, les chefs de tribus, le syndicat des porteurs de flingue, le club des fatigués de naissance, l’association des porteurs de valise ou tout autre groupe du même acabit appelle à voter pour un candidat ou pour un autre. Ce que vous révélez, Monsieur le sénateur, c’est que vous vous êtes fait le porteur de la valise des Généraux dans laquelle se trouvait Sidi Mohamed ould Cheikh Abdallahi. Que Feyty et la police se connaissent n’a donc pas de signification singulière. Nous observons juste que malgré la réputation de Feyty, la police ne s’est pas fait prier pour mettre en branle positions, avantages, moyens à l’origine inconnue pour s’attirer les faveurs de la jolie jeune fille. Mais comme on dit en soninké, an gana an ma xase nwari an tini an paaba da i naburu sedi ya (Celui qui n’a vu sa maman qu’à un âge avancé peut penser que son père a dilapidé sa fortune pour pas grand-chose : en un mot c’est brûler ce qu’on adorait naguère). Vous laissez entendre (sur le ton de « moi j’ai comploté mais je ne suis pas le seul », en wolof lekko si ndap kheupeu si souf nguir khagn kenene : cracher dans la soupe.) que vous vous êtes mis d’accord avec le candidat Sidi qui vous aurait trahi. Si le candidat Sidi ould Cheikh Abdallahi et vous même vous êtes entendus sur le dos du peuple cela ne grandit pas la démocratie et à votre place je me serais abstenu de m’en vanter (mais encore une fois je ne suis que moi). On reconnaitra à Sidi, si vous dites vrai, le mérite d’avoir voulu s’affranchir de certaines pesanteurs pour remplir le mandat que lui a confié in fine le peuple mauritanien. Vous ajoutez que Sidi a donc bénéficié du soutien des généraux, devenus populaires pour avoir fait partir Ould Taya et ce, au détriment du candidat le mieux assis. Mais si les généraux sont aussi populaires et aussi surs de leur fait pourquoi mettre en péril l’avenir de tout un pays et compromettre son développement juste parce qu’ils ont été limogés par un Président, tout pantin qu’il soit, qui jouit de la prérogative de nommer et de limoger les chefs de l’armée, exactement comme quand il limogeait Ould Boubacar et d’autres colonels ou quand il élevait au rang de généraux ses tombeurs (à moins que vous ne m’expliquiez qu’il est légitime quand il les nomme généraux mais plus quand il les limoge)? S’ils sont donc si populaires (mais ne l’oublions pas, Ould Taya était aussi « très populaire » jusqu’au matin même du jour où les mêmes qui l’encensaient au petit déjeuner ont marché et fait klaxonner leurs véhicules au déjeuner pour exprimer leur joie à l’annonce de son renversement) pourquoi ne pouvaient-ils se libérer de l’armée et surfer sur la vague de « leur très grande popularité » pour se faire élire Président comme dans toute démocratie qui se respecte ou dans toute République digne de ce nom ? Leurs positions à eux valaient-elles la mise en péril de l’option démocratique de notre pays et la mise entre parenthèses de notre Constitution ? Pourquoi quand Abdoulaye WADE, Oumarou YARADOUA du Nigeria, TOURE du Mali réaménagent la haute hiérarchie militaire il n’y pas de coup d’Etat ? Vous et moi ne sommes assurément pas de la même génération et ne sommes sans doute pas de la même école même si je partage avec vous la référence à Montesquieu (qui, soit dit en passant est plus reconnu pour son interprétation de l’esprit des lois que pour l’idée de contrat dans l’Etat que théorisent mieux Hobbes, Smith, Mill, Tocqueville ou Rousseau). Le Démocrate sincère et le Républicain convaincu qui sommeillent en moi ne m’autorisent pas à être porteur de valises ou de flingues, surtout quand il s’agit d’affaiblir des institutions qui doivent rester sacrées.
Dans un article paru au plus fort de la tempête (http://souslatente.blogspot.com/2008/08/sidi-et-les-quarantequand-naissent-le.html) je vous avais invité, pour montrer la cohérence de votre raisonnement, à vous démarquer des symboles de la gabegie qui écument les rangs de ceux qui reprochaient au Président Sidi de recycler les pontes de la dictature de ould Taya. Vous et moi savons que vous n’avez pas besoin de chercher très loin très longtemps pour en dresser une liste étoffée et respectable. Dans cet article, je vous reconnaissais beaucoup de mérite (ce qui m’a valu une volée de bois vert injustifiée de mon point de vue) même si je ne vous ai jamais vu, seulement sur la base de ce que vous disiez et écriviez ou de ce que j’entendais dire de vous. C’est pourquoi, si vous avez vraiment « créé » (Soubhanallah) SOCA, vous auriez du montrer que vous l’aviez fait dans l’intérêt de la démocratie en Mauritanie et non pour en retirer quelque gloire ou avantage quelconque. Ce qui vous a probablement révulsé c’est d’avoir vu Sidi se prendre vraiment pour le Président (qu’il était et demeure). C’est un sentiment répandu chez l’humain. Combien de pères pensent avoir droit de vie et de mort sur leur progéniture, au point de penser sincèrement devoir leur imposer femme, carrière…y compris contre leur volonté et de ne point accepter de les voir grandir et s’émanciper ?
Vous poursuivez par ailleurs le procès d’intentions en remettant en cause la part de la conjoncture internationale dans l’aggravation de la situation des mauritaniens et en faisant du Président Sidi un poisseux qui serait responsable des inondations comme des attaques terroristes et du vent de sable qui souffle sur Nouakchott ou du moustique qui a piqué Valha à La’youne. A vrai dire je ne lui connaissais pas autant de pouvoirs mais je sais qu’il vous faudra beaucoup de patience pour convaincre les mauritaniens que le Président Ould Cheikh Abdallahi est responsable de la montée du prix du baril à 150$ ou encore de l’explosion des prix des céréales, phénomènes qui ont tenu en haleine le monde entier il y a seulement quelques mois. Il vous sera tout aussi difficile de trouver une âme généreuse qui puisse croire que c’est grâce aux généraux que le même baril est aujourd’hui à moins de 45$ (il faut donc que les militaires fassent trois fois moins cher que quand le baril était trois fois plus cher) ou encore que l’attaque de Tourine est de la faute d’un Sidi aux arrêts et remplacé par son chef d’état-major particulier (c’est cela même la définition de l’anachronisme). Cher Sénateur, faire preuve de prudence aide à se mettre à l’abri de certaines déconvenues. Par exemple si vous avancez que Sidi porte la poisse pour avoir « laissé » tuer des touristes français, vous accordez le droit de dire que ceux qui sont aux commandes aujourd’hui par la volonté de…leurs baïonnettes, sont tout aussi poisseux pour avoir laissé faire Tourine. Leur responsabilité est plus facile à établir dans la pénurie de gaz, dans la dépréciation de l’Ouguiya ou encore dans les très difficiles épreuves auxquelles les mauritaniens vont être bientôt confrontés si nous ne faisions preuve de responsabilité et de sens du civisme et de l’Etat pour éviter l’isolement diplomatique et économique vers lequel nous marchons à pas de géant.
Vous dites enfin que tous les succès économiques enregistrés sous la présidence de Sidi Ould Cheikh Abdallahi ne sont que le fruit de ce qui a été semé sous la transition cmjdienne (je ne désespère pas de vous voir lui reconnaitre un jour quelques mérites malgré tout ce qu’on peut lui reprocher). Faudrait-il ajouter qu’on doit aussi mettre à leur (CMJD) actif (passif), le trou de 30 milliards d’ouguiyas enregistré à la fin de la transition ?
Quant à l’indépendance des médias je vous sais objectif au point de reconnaitre que l’Agence Mauritanienne d’Information, la Radio et la Télévision publiques pendant l’expérience que les militaires viennent d’interrompre brutalement n’ont rien à voir avec les voix de Moscou et autres Pravda qui débitent à longueur d’émissions les vérités officielles et les motions de soutien à la gloire du Général, notre étoile polaire, nos quatre points cardinaux dont dépendent notre vie, notre présent, notre néant et notre être. Vous feriez un immense présent aux Mauritaniens et à votre cause en mettant un terme à ce spectacle infamant et infantilisant digne d’un autre Général, le très fantasque et ubuesque Idi Amin Dadda. La comparaison, je le concède, serait très peu flatteuse.

Et maintenant…
Monsieur le Sénateur,
La faille est aujourd’hui béante. Le peuple est profondément divisé et il faudra s’atteler à recoller les morceaux sans tarder. Mais cette crise a révélé une race de mauritaniens disposés à mettre la Mauritanie, sa Démocratie, ses Institutions, ses Intérêts au dessus de tout le reste. Ce serait erreur fondamentale que de croire qu’ils courent pour réhabiliter un homme ou l’aider à faire carrière. Nombre de ceux qui comme moi se dressent contre ce coup d’Etat n’ont pas soutenu Sidi et ne se soucient pas de son destin. Ce qu’ils poursuivent c’est l’idéal républicain, une croyance profondément ancrée dans la conviction que sans le respect du contrat social il n’est point de salut (vous pouvez penser : « rêve toujours ! »). Les défis qui se dressent sur notre chemin sont immenses et le chantier n’est même pas lancé. Les mauritaniens les moins avertis se réjouissent de la baisse du prix de certains produits. Les autres font observer que cette rémission n’est que le signe d’une accalmie qui annonce de graves crises. Le pays important quasiment tout ce qu’il consomme, nous restons dépendants de l’étranger et de nos réserves de devises. Est-il responsable d’« accepter que le mensonge même mélodieusement construit voile la réalité » et de laisser croire que le pays se suffirait à lui-même et survivrait à l’isolement ? Ce qui a laissé exsangues Cuba, l’Irak et le Zimbabwé épargnerait miraculeusement la Mauritanie ? Et puis quoi encore ? Si vous êtes les patriotes que vous prétendez être, je ne puis me résoudre à admettre que vous laisseriez conduire le pays si joyeusement au suicide collectif.
Quant à l’idée de réforme constitutionnelle que vous évoquez, il y a lieu d’en discuter une fois le pays revenu à une situation constitutionnelle normale. Il nous faudra alors nous interroger sur la pertinence de maintenir le principe d’un parlement bicaméral ou plus explicitement s’il n’y a pas lieu de supprimer le Sénat (n’y voyez monsieur le Sénateur aucune attaque personnelle, je ne sais pas jouer à ça, même avec une pointe d’humour) et de le remplacer par une institution regroupant les collectivités territoriales pour jouer la carte de la démocratie de proximité et impliquer directement les élus locaux pour une plus grande représentativité (Un Haut Conseil par exemple). Il faudra aussi s’interroger sur l’opportunité d’inverser le calendrier électoral pour le rendre plus conforme à l’esprit de notre système présidentiel par essence : le Président de la République doit être élu avant les députés et non l’inverse, sauf à vouloir accorder la prééminence au parlement plutôt qu’à l’exécutif et ce serait-là un changement radical qui nous ramènerait dans une configuration type quatrième république française. Il faudra bien sûr rééquilibrer les pouvoirs entre les différentes institutions et, éventuellement, supprimer le poste de Premier Ministre. Il faudra par ailleurs revoir la disposition permettant au Président de la République de dissoudre l’Assemblée Nationale en lui donnant à la place le pouvoir d’opposer son véto à certaines décisions dans un cadre bien réglementé (cf. Constitution des USA). Il faudra surtout mettre fin à la honteuse transhumance des élus en retirant son mandat à tout élu qui quitterait le parti auquel il appartenait quand il obtenait ledit mandat. Quand j’ai fait cette proposition il y a quelques années certains responsables politiques et des « experts » de chez nous m’ont fait savoir que cette disposition était inopérante. J’ai découvert récemment que l’Afrique du Sud et (il me semble) le Sénégal ont des mécanismes qui en sont proches. Comment enfin occulter l’indispensable débat sur la place de l’Armée dans notre pays ? Pourquoi souffrir plus longtemps l’étouffante étreinte d’un si encombrant Léviathan ? Au regard de la situation politique dans notre pays, il n’est plus possible de reporter le problème et de faire comme si les choses s’arrangeraient d’elles mêmes. Il faudra que l’Armée se concentre sur sa mission de gardienne de l’intégrité de notre territoire dont les frontières sont ouvertes aux quatre vents : l’Internationale Jihadiste, la narcocriminalité, la contrebande de cigarettes, la migration non contrôlée. Je reprends ici une proposition que j’avais faite dans un article précédent (http://souslatente.blogspot.com/2008/07/allende-et-pinochetgorbatchev-et.html) et qui est à mon sens un bon compromis : conduire les chefs de notre Armée à s’inspirer de la Doctrine Schneider, du nom de ce Général Chilien qui avait fait une directive définissant la mission qui devait être celle de l’Armée chilienne dans le schéma démocratique : s’abstenir de s’immiscer dans le jeu politique pour entre autre dénaturer la volonté exprimée par le peuple au travers d’une élection libre et transparente mais se réserver le droit de ne point laisser les politiques fausser le jeu démocratique pour accéder ou se maintenir au pouvoir. Cet officier qui savait ce que signifiait « donner sa parole d’officier » considérait que renverser le choix du peuple pouvait être assimilé à un crime de haute trahison. C’est une mission noble et tout à fait à la portée de notre Armée si elle ne peut s’abstenir de se mêler de politique (vous pouvez dire : « cause toujours ! »).
Pour finir, je ne peux résister à la tentation d’évoquer deux événements de l’histoire contemporaine. D’abord les Etats-Unis d’Amérique. Le destin a voulu que le candidat Al Gore, en sa qualité de vice président sortant donc président du Sénat Américain, présidât la cérémonie qui devait proclamer les résultats de l’élection contestée qui l’avait opposé au candidat Georges W. BUSH. Certains des partisans du candidat démocrate crurent bon d’introduire des requêtes pour contester les résultats de l’élection en Floride. Ils durent faire face à l’intransigeance du Président de séance Al Gore himself, qui ne voulait absolument pas que les institutions fussent affaiblies ou que le citoyen commençât à douter de la transparence du système démocratique, même si cette position devait lui couter la Présidence de la première puissance mondiale.
Ensuite la France. Quand le Général De Gaule voulut amender la constitution pour faire élire le Président de la République au suffrage universel direct, son vieil ami et compagnon de route, le président MONERVILLE y perçut de bonne foi une dérive autocratique et un danger réel pour l’équilibre des institutions. Mais il ne mit pas en péril le fondement de l’Etat et dut se résoudre à se retirer pour que l’essentiel restât sauf. Ce fut aussi le cas de Jacques Chaban Delmas quand, à la faveur du changement de majorité intervenu en 1986 (première cohabitation sous la cinquième République), le Président Mitterrand voulut se livrer à des manœuvres dilatoires en lui proposant d’envisager l’hypothèse de sa désignation au poste de premier ministre. Chaban dut renoncer pour ne pas donner une image peu flatteuse de la démocratie française. Je ne connais d’utilité pratique à l’histoire que de servir de référence. Monsieur le Sénateur, comme vous le voyez, les grands événements révèlent les grands hommes qui savent identifier l’essentiel pour le faire passer avant tout le reste. C’est tout à fait à votre portée. Tout règlement de cette crise en dehors du cadre fixé par la Constitution souverainement votée par les électeurs mauritaniens révélera les graves lacunes de l’élite et de la classe politique mauritaniennes.

Cordiales salutations

Abdoulaye DIAGANA
www.souslatente.blogspot.com
abdouldiagana@yahoo.fr

lundi 29 décembre 2008

A lire dans Le Calame du mardi 30 décembre 2008Lettre de Abdoulaye DIAGANA au sénateur Mohamed EL Hacen ould El Haj.

Dans sa parution du mardi 23 décembre 2008 Le Calame publiait une réponse au courrier du Président de la République Sidi Mohamed ould Cheikh Abdallahi. Les faits qui y sont rapportés ont suscité beaucoup de commentaires. J’y ai réagi non pas pour défendre le Président Sidi (je pense qu’il sait le faire tout seul s’il le désirait) mais apporter ma contribution au débat sur le fonctionnement de nos institutions. Morceaux choisis.

« Le fait que des militaires aient choisi de s’immiscer dans le jeu politique est inquiétant mais aurait pu se limiter à cela s’il ne leur était venue l’idée de vouloir tout contrôler et piloter de leur état-major en demandant aux politiques de se mettre au rapport. Leur soutien à un candidat est de mon point de vue anodin. Sauf à nous dire, Monsieur le sénateur, que les militaires ne se sont pas contentés de « faire du lobbying » par votre entremise mais qu’ils sont allés plus loin en mettant à contribution leur position et leurs avantages pour modifier le sens du scrutin. Tant que l’électeur mauritanien aura le pouvoir en son âme et conscience de voter pour le candidat de son choix dans le secret de son isoloir, peu importera que les militaires, les marabouts, les chefs de tribus, le syndicat des porteurs de flingue, le club des fatigués de naissance, l’association des porteurs de valise ou tout autre groupe du même acabit appelle à voter pour un candidat ou pour un autre. Ce que vous révélez, Monsieur le sénateur, c’est que vous vous êtes fait le porteur de la valise des Généraux dans laquelle se trouvait Sidi Mohamed ould Cheikh Abdallahi. »
Ou encore plus loin :
« Pourquoi quand Abdoulaye WADE, Oumarou YARADOUA du Nigeria, TOURE du Mali réaménagent la haute hiérarchie militaire il n’y pas de coup d’Etat ? »
« Ce qui vous a probablement révulsé c’est d’avoir vu Sidi se prendre vraiment pour le Président (qu’il était et demeure). C’est un sentiment répandu chez l’humain. Combien de pères pensent avoir droit de vie et de mort sur leur progéniture, au point de penser sincèrement devoir leur imposer femme, carrière…y compris contre leur volonté et de ne point accepter de les voir grandir et s’émanciper ? »
« Quant à l’indépendance des médias je vous sais objectif au point de reconnaitre que l’Agence Mauritanienne d’Information, la Radio et la Télévision publiques pendant l’expérience que les militaires viennent d’interrompre brutalement n’ont rien à voir avec les voix de Moscou et autres Pravda qui débitent à longueur d’émissions les vérités officielles et les motions de soutien à la gloire du Général, notre étoile polaire, nos quatre points cardinaux dont dépendent notre vie, notre présent, notre néant et notre être. Vous feriez un immense présent aux Mauritaniens et à votre cause en mettant un terme à ce spectacle infamant et infantilisant digne d’un autre Général, le très fantasque et ubuesque Idi Amin Dadda».
Pour finir, je fais un certain nombre de propositions au sujet de la réforme constitutionnelle dont a parlé monsieur le sénateur. Dans son esprit le nouvel équilibre à créer devra se traduire par plus de pouvoirs au parlement. Mon opinion est que le réforme doit aller plus loin et que nous ne devons pas nous montrer frileux en évitant les questions qui nous taraudent mais que personne n’ose affronter courageusement et formellement.
Tout cela est à lire dans Le Calame du mardi 30 décembre 2008. Je publierai pour ma part l’intégralité de la lettre dans les jours à venir.

Abdoulaye DIAGANA

jeudi 25 décembre 2008

Une stèle pour une mémoire sélective

Monsieur Mohamed Lemine ould Dadde, Commissaire aux droits de l’homme du gouvernement militaire
Vous avez inauguré une stèle dressée à la mémoire des touristes français victimes de la barbarie il y a juste un an. Dans un passé récent vous et moi avons partagé les mêmes rangs au nom d’un idéal de justice et de démocratie, comme quand nous nous mobilisions pour la libération de Chbih Ould Cheikh Malainine, ou pour dénoncer les conditions dans lesquelles le dictateur Ould Taya avait organisé le scrutin électoral de 2003 en emprisonnant le candidat Ould Haidallah à la veille du vote, ou enfin quand nous nous démenions pour épargner à Salah Ould Hanena, à Abdarahmane Ould Minih et à leurs compagnons d’infortune la peine de mort qui leur pendait au nez. Vous et moi avons également en commun ce Manifeste des Justes dont l’assermenté que vous êtes ne peut ignorer la substance. Les aléas de la vie (et du combat politique) vous ont conduit vers d’autres rivages qui s’accommodent plus facilement des exercices de contorsionniste comme l’allégeance à un ordre qui use de la contrainte pour se substituer illégalement à l’ordre constitutionnel. J’ignore où vous étiez lors de la commémoration du 48ème anniversaire de l’accession de la Mauritanie à l’indépendance ; j’étais moi du côté des veuves et des orphelins qui commémoraient un autre anniversaire, bien triste celui-là : la pendaison le 28 novembre 1990 à Inal de 28 militaires négromauritaniens. 28 pour le 28 novembre. J’aurais aimé lire l’expression de votre visage quand Diary TOUMBO, courageuse veuve du lieutenant Sall Abdoulaye racontait les conditions dans lesquelles sont époux a quitté pour la dernière fois le domicile conjugal. J’aurais aimé également croiser votre regard après le témoignage des orphelins et des autres veuves qui n’ont a aucun moment exprimé de la haine ni réclamé vengeance malgré la cruauté de l’acte. Vous comprendrez dès lors, cher compagnon d’un temps, que ma joie ne soit que partielle quand je vois l’empressement avec lequel vous commémorez à juste raison la disparition de touristes occidentaux alors que vous ne faites aucun cas de la disparition tragique et criminelle de vos propres concitoyens. Comment le Juste que vous êtes censé être peut-il admettre et laisser perdurer un tel dualisme ? Il ne doit pourtant pas être difficile de retrouver leurs dépouilles pour les inhumer enfin selon le rite musulman avant d’ériger un monument contre l’oubli et pour faciliter le travail de réconciliation sans lequel il serait illusoire de vouloir conduire les mauritaniens à regarder ensemble dans la même direction ni même de partager le même destin. Il vous suffirait de demander à certains de vos compagnons d’aujourd’hui ‘du côté du bureau de l’Assemblée Nationale par exemple) qui doivent certainement avoir même vaguement une idée de ce qui s’est passé et de l’endroit où leurs frères d’armes ont pu être enterrés à la sauvette. Cela ne légitimera pas pour autant votre gouvernement mais vous permettra de faire quelque chose d’utile et de consensuel avant que vos patrons ne retournent bientôt dans les casernes qu’ils n’auraient jamais du quitter.

Avec mes cordiales salutations.

Abdoulaye DIAGANA
www.souslatente.blogspot.com
abdouldiagana@yahoo.fr

mercredi 8 octobre 2008

Ils ont échoué

Il fallait sans doute un brin de naïveté, un zeste d’insouciance, un soupçon d’inconscience pour penser que depuis l’élection démocratique, libre et transparente d’un Président de la République les mauritaniens allaient ne plus avoir à s’occuper que de l’amélioration de leurs massacrantes conditions de vie. Le piège était sous nos yeux, profond comme le forage pétrolier de Chinguitty. Nous fonçâmes droit dedans comme les forcenés que nous fûmes. Nous oubliâmes que tout projet valait avant tout par la légitimité de ses concepteurs, la pertinence de son objet et la foi de ses porteurs et de ses bénéficiaires/cibles. Pour la foi et la légitimité il faudra repasser.
Les militaires qui ont opéré le putsch d’août 2005 ont été élevés au rang de « vaillants héros » pour nous avoir « débarrassés » d’un dictateur sanguinaire. Ceux qui leur ont décerné cette distinction « au nom des mauritaniens » ont sans doute jugé qu’il importait peu que les militaires se fussent imposés à nous un certain 10 juillet 1978 au sortir d’une guerre dont le moins qu’on puisse dire est qu’ils ne l’avaient pas gagnée. Il importait également peu qu’on rappelât que le monstre « qui avait ses dents avant ses yeux pour déchirer les agneaux et sucer leur sang pur » était lui-même un cadeau fait au peuple mauritanien par l’armée dans un grand élan de générosité. L’armée avait enfanté Ould Taya, elle l’a repris, béni soit le nom de l’Armée !? Fallait-il en déduire qu’elle avait gagné le droit de s’incruster dans la vie politique et de n’en plus partir, nonobstant la volonté de tout un peuple ? Au Mali et au Sénégal où l’Armée paie un lourd tribut à la lutte contre les groupes armés les civils gèrent en toute indépendance le mandat que leur a confié l’électeur. Si le droit de s’immiscer dans la sphère politique devait être fonction du prix payé sur le champ de guerre les militaires de ces pays deviendraient au bas mot Présidents à vie. En Algérie où l’ALN a chassé le colonisateur puis occupé le pouvoir, Abdel Aziz Bouteflika mène la barque après s’être débarrassé de la tutelle encombrante de l’armée. Alors que sont ces réclamations des lendemains qui chantent ? Nous serions curieux de savoir comment chez nous, ceux qui ont décidé de s’asseoir sur la volonté du peuple (une baïonnette, rappelez-vous on peut tout en faire sauf s’asseoir dessus) ont gagné leurs galons ? Quelle guerre, quelle bataille ont-ils remportées ? Sur quel champ d’honneur se sont-ils illustrés ? Il y a vraiment des réussites qui cachent de retentissants et cuisants échecs. Le putsch d’août 2005 a été une curiosité saluée par des démocrates sincères et convaincus, tant le désir était grand de neutraliser le dictateur qui nous martyrisait. Celui d’août 2008 a réussi le tour de force de mobiliser contre lui une partie de l’opinion nationale : pour la première fois dans notre histoire, un coup d’Etat n’arrive pas à s’imposer deux mois après son exécution malgré la versatilité du mauritanien et sa propension à vénérer le détenteur du pouvoir. Ce n’est pas un hasard. D’abord parce que le président qu’il a renversé, malgré ses défauts, était arrivé au pouvoir par la volonté des urnes (que sa candidature ait été suscitée et appuyée par un groupe ou un autre ne change rien au fait que les électeurs ont vraiment voté pour lui sans bourrage d’urnes ni manipulations de scrutin). Ensuite parce qu’il nous détourne des préoccupations essentielles pour maintenir tout un pays sur une voie de garage, réduit à gérer une crise politique qui s’éternise, avec des agents de l’Etat qui vont au travail (quand ils y vont) pour voir passer le temps des incertitudes, des investisseurs et des opérateurs économiques qui perdent confiance et patience et le peuple qui voit sa situation se précariser davantage faute d’avoir des leaders qui se penchent sur son quotidien. Enfin parce que la Communauté Internationale le rejette sans ambiguïté avec à la clef le spectre de l’embargo et son lot de pénuries parce qu’elle joue sa crédibilité. Pour toutes ces raisons, et quelle que soit l’issue de ce bras de fer, ce putsch est un échec et un cauchemar qui doit prendre fin. C’est le sort d’un pays qui se joue contre la carrière de quelques gradés. Le jeu en vaut-il la chandelle ? Le Président Umaru Musa Yar'adua, malade, vient de réaménager la haute hiérarchie militaire du Nigeria tout comme Sidi Ould Cheikh Abdallah au début de son mandat quand il remerciait Ould Boubacar et d’autres hauts gradés de l’armée. Au Nigeria il n’y a pas eu coup d’Etat (une armée est républicaine ou pas) tout comme il n’y eut aucune voix pour crier à la décapitation de l’armée lorsque le remaniement ne gênait pas nos actuels putschistes. La motivation n’étant ni consistante ni altruiste « nos vaillants héros » sont en passe de se muer en pieds nickelés, en hypothéquant au passage l’avenir de tout un peuple alors que la seule question qui se pose c’est : quand et comment vont-ils quitter le pouvoir ? Ils gagneraient à négocier leur départ, pendant que certaines choses peuvent encore être sauvées. Par là est la sortie. Et le salut.
Salut

Abdoulaye DIAGANA
France
abdouldiagana@yahoo.fr
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mercredi 3 septembre 2008

ILS VONT NOUS AFFAMER !

Les mauvaises nouvelles se suivent en Mauritanie. Après l’U.A, les USA et l’UE les Nations Unies viennent de condamner vigoureusement le renversement du président démocratiquement élu de la Mauritanie et refusent de reconnaître tout autre gouvernement que celui désigné par Sidi Ould Cheikh Abdallahi et son premier ministre. Mais ce qui suscite les plus grandes inquiétudes c’est surtout la succession de mesures visant à réduire la rébellion d’une partie de l’Armée contre la démocratie mauritanienne : suspension de l’aide non humanitaire des USA, de la France, de l’UE et les menaces de sanctions du conseil de sécurité des nations, de durcissement de la position de la France et de l’UE. Cette batterie de mesures limite largement les putschistes dans leurs manœuvres. Ils peuvent jouer la montre et miser sur le temps pour adoucir la position des partenaires au développement. Mais c’est lier le sort de tout un peuple éprouvé par des conditions de vie insupportables à une très peu probable issue. Le pays peut vivre un temps sur ses maigres réserves mais bientôt la période de soudure pointera et nous devrons nous nourrir de… De quoi au juste ? Ce qui nous pend au nez, c’est une inflation exponentielle, la famine, le rationnement des produits de grande consommation, la pénurie, la dépréciation de la monnaie nationale…Il faut imaginer la ménagère mauritanienne tirer péniblement derrière elle une valise de billets pour aller acheter quelques grammes de thé dans les rares boutiques à en disposer encore. Le temps joue inexorablement contre ceux qui se sont assis sur le choix de tout un peuple. La question n’est pas de savoir s’ils finiront par capituler mais quand et après quels dégâts ? Il faut se demander si des hommes qui se disent patriotes et soucieux du bien-être de leur peuple (après tout pourquoi pas ? Mais on demande à croire) peuvent laisser celui-ci supporter d’inutiles souffrances. Le syndrome Irak, Zimbabwé et Zaïre frappe dangereusement à nos portes. Et comme toujours, les premières victimes de ce genre de situations ne seront pas nécessairement ceux qui en sont les responsables. Ils disposent d’assez de réserves pour être à l’abri de la pénurie… Mais combien de temps vont-ils tenir ? Quelques semaines ? Quelques mois tout au plus ? Le jeu en vaut-il vraiment la chandelle ? Nos chefs jouent avec le feu. Les efforts (déjà très en deçà de ce qu’il fallait) fournis depuis des décennies pour mettre en place un semblant d’économie fonctionnant avec les standards internationaux sont sur le point d’être réduits à néant. Les prêts, aides, subventions, dons en tous genres consentis par les partenaires au développement vont être redéployés et réaffectés et il faudra des trésors de patience, une force de persuasion à nulle autre pareille, des garanties qui iront désormais au-delà de la simple organisation d’élections libres et transparentes pour que la communauté internationale se laisse tenter par une nouvelle aventure avec un pays aussi instable. Les militaires et leurs soutiens civiles ont beau crier que la Mauritanie peut se débrouiller sans l’aide internationale ; ils savent bien qu’il n’en est rien et ne pensent pas un seul mot de ce qu’ils disent ou alors ce seraient de très grands naïfs doublés d’incompétents notoires qui n’ont rien compris au monde qui les entoure. Déjà avec cette aide nous ne parvenions pas à prévenir les menaces de famine et les difficultés de trésorerie et on nous fait croire qu’on ferait beaucoup mieux avec beaucoup moins !!! Ne sont-ils pas simplement entrain d’insulter l’intelligence de millions de mauritaniens ? Ce qui nous pend au nez c’est la déliquescence et la faillite de l’Etat et l’obligation de tout reprendre à zéro. Des années de retard à accuser sur le sinueux chemin du développement. Je me refuse à croire que tout ce mal soit imposé aux mauritaniens par patriotisme et par amour. Rarement inconséquence et irresponsabilité auront été poussées aussi loin.
Quant à ceux qui crient au scandale de l’ingérence, on se demanderait où ils étaient quand cette communauté internationale qu’ils chargent de tant de maux finançait le processus électoral en Mauritanie ou quand elle faisait de l’acharnement thérapeutique sur une patiente sous perfusion et en quasi mort clinique? S’il faut parler de souveraineté nationale il faut aller jusqu’au bout de la logique et se donner les moyens de sa politique. Des mauritaniens ont unilatéralement rompu le contrat qui les liait à la communauté internationale (et accessoirement au reste des mauritaniens) au terme duquel l’aide venait en contrepartie de l’observance des règles du jeu démocratique et de la bonne gouvernance. Ils ont violé le contrat en sachant plus ou moins (plutôt moins que plus) ce à quoi ils s’exposaient. Le peuple, lui, attend le sort qui frappera irrémédiablement : ils vont donc nous affamer et nous regardons faire. Jusqu’à mourir sans geindre.

dimanche 31 août 2008

« Le RDF est le seul parti Démocratique »

Le leader du Rassemblement des Forces Démocratiques a fait une affirmation des plus inattendues sur les ondes d’une radio internationale. Le RFD est un parti démocratique parce qu’il est le seul à porter le mot « démocratique » dans son nom. Si c’est là un argument fourni par ses conseillers, Ahmed Ould Daddah devrait se faire beaucoup de soucis et penser déjà à mieux s’entourer.
D’abord parce que l’argument lui-même ne prouve rien. Les pays du bloc de l’Est ou Démocraties populaires connus, n’est-ce pas, pour leur grand respect de la liberté et de la Démocratie portaient presque tous dans leur dénomination le mot Démocratie. Cette particularité ne les a pourtant pas empêchés de produire et multiplier goulags et camps d’éducation et de réprimer vigoureusement toute tentative d’émancipation et d’éclosion d’un printemps des libertés.
Ensuite parce que l’affirmation est erronée. En effet le RFD partage ce rare privilège avec le PRDS de Ould Taya reconverti en PRDR avec toujours le mot « Démocratique » dont la présence peut avoir beaucoup de vertus, y compris, avec un peu de chance, celle de consacrer l’exercice libre, transparente et démocratique des affaires du parti et du pays.
Enfin, l’argument reste quand même ténu. Il est sorti comme si l’on était à ce point si conscient de l’incongruité de la position soutenue que l’on se sent obligé de marteler l’attachement à la démocratie pour mieux s’en convaincre et emporter l’adhésion des millions de sceptiques qui voyaient en Ahmed Ould Daddah le leader historique qui incarnait et personnifiait l’opposition à la dictature, donc objectivement le défenseur invétéré des libertés et de la Démocratie.
Ahmed Ould daddah aurait tort de penser qu’il pourrait tirer profit de l’affaiblissement de la Démocratie et de l’institution présidentielle. Ce qu’il vient d’entériner en accordant son soutien au putsch c’est bien le droit aux militaires de s’immiscer dans la gestion politique. L’Histoire retiendra que le leader historique de l’opposition démocratique a contribué à l’émergence d’une démocratie sous la tutelle de l’Armée. Ce n’est pas le terrain sur lequel on s’attendrait à rencontrer un démocrate républicain ; et le passé du leader du RFD ne suffira à atténuer la portée d’un tel choix. Qu’a-t-on retenu du maréchal Pétain ? Le régime de Vichy, l’homme qui a accepté de collaborer avec l’ennemi. Ce seul choix a réécrit ses états de service et réduit le vainqueur de Verdun à un vulgaire traître à la patrie.
Ahmed Ould Daddah est un leader politique et à ce titre on ne peut lui faire le reproche d’aller à la conquête du pouvoir. Mais cet objectif peut-il justifier la caution à un putsch militaire ? Ahmed ould Daddah a rappelé qu’il fixait principalement trois préalables à toute participation à un gouvernement sous tutelle militaire : (i) la fixation d’une date de retour à l’ordre constitutionnel dans une fourchette de 6 à 12 mois (ii) l’engagement des militaires à ne pas se présenter à l’élection et (iii) à ne soutenir aucun candidat. Ce faisant, il établit les priorités : ce sont là les trois points « extrêmement importants » à ses yeux dont dépendra son élection à la magistrature suprême. Pour quoi faire ensuite ? Gouverner avec la hantise de se faire déposer par les militaires si d’aventure ils n’étaient pas satisfaits de la gestion d’un Ahmed ould Daddah démocratiquement élu par le peuple souverain (conformément à la jurisprudence validée par…Ahmed ould Daddah lui-même) ?

samedi 16 août 2008

DERIVE DE L’OPPOSITION : RFD, AJD/MR, HATEM

Par SY Abdoul ZAYE


Le passage en force des militaires survenu en Mauritanie le 6 Août dernier confirme encore une fois de plus l’incompétence et l’absence de conviction de bon nombre de nos leaders politiques à l’affût du pouvoir. Qu’il s’agisse de Ahmed ould Daddah, leader du RFD, de Hanane pour HATEM ou de Ibrahima Sarr pour l’AJD/MR, l’on ne peut que constater l’hypocrisie et la sournoiserie des discours rompant clairement avec les principes fondamentaux de la démocratie. Tous sans exception ne pensent qu’à leurs intérêts personnels qui devraient, à de pareilles circonstances, s’effriter au profit d’un bonheur collectif ou simplement d’une sauvegarde de la démocratie.
L’on était sensé comprendre que le gouvernement de transition de Ely ould Mohamed Vall succédant au règne désastreux de Ould Taya avait servi de sonnette d’alarme et permis d’installer le doute chez nos politicards par rapport aux militaires qui s’érigent en sauveurs ou justiciers alors que leurs desseins ne trompent même plus les profanes. Aussi anachronique que cela puisse paraître, l’on s’aperçoit aujourd’hui, malheureusement, que l’expérience n’a pas servi à affiner une lucidité et une conscience collective de notre élite politique.
Comment pouvons-nous admettre aujourd’hui que Ahmed ould Daddah soit favorable à la remise en cause de la légitimité du pouvoir de Sidi ould cheikh Abdallah et vociférer récemment, contre toute attente, qu’il avait reconnu une telle légitimité pour éviter au pays des dérives sécuritaires ?
La soif du pouvoir, sous quelque prétexte qu’elle soit, ne doit pas conduire à une remise en cause des principes essentiels qui président à l’ancrage démocratique d’une nation.
Comment peut-on être aussi borné et fataliste pour refuser de croire que l’intervention militaire serait désormais une intimidation morale à notre processus démocratique ?
La question que je me pose est : Ahmed Daddah a-t-il bien saisi le message de Descartes lorsque ce dernier affirme : « le bon sens est la chose du monde la mieux partagée mais il peut cesser de briller à cause des imperfections que déposent dans nos esprits les préjuges, les croyances… ». Autrement dit, il ne s’agit pas d’avoir une raison ; faudrait-il encore bien l’appliquer.
Comment peut-on être ennemi de soi au point de creuser sa propre tombe pour l’heure, sa propre mort politique ?

Qu’en est-il pour Ibrahima Sarr : au moment où le pays est entrain de suffoquer face à une léthargie politique douloureuse et chaotique, le chef de l’AJD/MR met une pression supplémentaire naïve et fataliste sur ses militants en les sommant d’établir leurs cartes d’identité afin de pouvoir voter car dit-il « 2012 pourrait être demain ».
Autrement dit, pour monsieur Sarr, le renversement de Sidi constitue une opportunité cruciale, susceptible d’aider son parti à obtenir des députes et sénateurs ; en conséquence, le renversement d’un pouvoir élu démocratiquement ne revêtirait aucun caractère étrange dans l’entendement politique d’un tel leader.
L’AJD/MR, devrait-elle sacrifier ou remettre en cause le peu de crédibilité acquis sans pour autant mesurer la gravité de ce tsunami et en évaluer les paramètres d’où tient, en effet, la survie de son parti.
Avec tout le respect qu’on doit à Ibrahima Sarr, on est en droit de questionner sa lucidité face à la pression qu’exerce Ahmed Ould Daddah sur ses décisions stratégiques. Descartes suggérerait d’ « user d’autant de circonspection en toute chose, que si je n’avançais que fort peu, je me garderais bien au moins de tomber ».
A l’heure où le paysage politique mauritanien gravite autour d’une conscience qui se cherche, la responsabilité incombe à la classe politique de faire preuve de perspicacité, ne serait-ce que pour refuser de se culpabiliser vis-à-vis d’un peuple qui semble ignorer l’injustice dont il souffre.
Je respecte l’éloquence et le pédantisme de nos analystes et de notre élite tout en déplorant à la fois leur éloignement des préoccupations du mauritanien ordinaire.
Encore une fois, libérons-nous de l’emprise aveugle des passions ! La complexité et la précarité du tissu politique de notre pays pourraient certes nous amener à être passifs et bousculés au point d’être étourdis et désorientés mais faudrait-il encore rappeler que les passions troublent t l’âme et aveuglent les décisions comme dirait Platon.
Il serait honorable que nos acteurs politiques acceptent de faire face à leurs responsabilités. Un parti politique qui aurait l’ambition de s’améliorer ne devrait point cesser de se remettre en cause. Il s’agit de procéder de façon permanente à un diagnostic interne permettant d’évaluer les forces et les faiblesses de l’organisation, et un diagnostic externe qui tenterait de déceler les opportunités et les menaces. Par exemple, si l’on jette un regard critique sur les partis politiques majeurs de notre pays, on pourrait constater une paralysie du leadership .Qu’il s’agisse du RFD, de l’APP ou de l’AJD, ce sont toujours les mêmes leaders qui s’accrochent désespérément ; ce qui contribue à l’asphyxie et a la délinquance politiques de nos structures politiques. Il devient urgent aujourd’hui qu’une nouvelle génération prenne la relevé : new Times, new ways.

Sy Abdoul Zaye.

dimanche 10 août 2008

MAURITANIE:RETOUR AU PIRE

Cette semaine, je vous soumet la chronique d'une belle plume de la presse du continent. Elle résume avec des mots que je ne saurais trouver la situation de la Mauritanie. Jugez-en vous mêmes.

Mauritanie : Retour au pire(rfi)

Jean-Baptiste Placca (


Nous serions-nous trop vite empressés de couvrir de compliments l’armée mauritanienne ? On la croyait devenue républicaine, la voilà qui nous revient, plus putschiste que jamais. On lui avait donné l’absolution pour le discrédit que lui valait son goût immodéré pour la torture, elle resurgit sous son profil le plus répressif, en bombardant de gaz lacrymogène ceux qui osent protester contre son putsch.

Le général Mohamed Ould Abdel Aziz a mis fin, ce mercredi 6 août, à l’expérience démocratique qui a réhabilité, depuis mars 2007, la Mauritanie et son armée aux yeux du monde, faisant la fierté d’une Afrique francophone plutôt sevrée d’élections réellement transparentes.
« Il se prenait pour un vrai président ! Il a oublié qu’il n’était qu’un homme de paille ! ». Voilà l’aveu que font, en privé, les putschistes mauritaniens et leurs amis, pour justifier leur coup d’Etat.
Certes, beaucoup soupçonnaient le candidat Sidi Ould Cheikh Abdallahi, mystérieusement sorti des bérets militaires durant la transition, d’être en mission commandée. Dans leur manipulation, les officiers supérieurs l’ont utilisé pour barrer la route aux opposants les plus en vue. Et, comble de la perversité, ils l’ont choisi à un âge suffisamment avancé, 70 ans, pour qu’il ne puisse pas prétendre à un second mandat. D’ici là, Abdallahi se devait d’être obéissant.
Mais, comme souvent dans ce genre de supercherie, le président prête-nom en a eu assez de se laisser dicter ses décisions. Il s’est mis à en faire à sa tête, à choisir des ministres sans l’autorisation préalable des officiers supérieures. Pour finir, il a décidé, suicidaire audace, de destituer ceux qui osaient lui demander des comptes. Bref, il s’est pris pour un vrai président.
Les généraux mauritaniens se sont donc trompés sur leur homme. Une telle erreur de jugement laisse perplexe, quant à leur propre capacité à faire des choix judicieux pour leur peuple. Sans compter le ridicule qui consiste à promettre des élections libres et démocratiques, quinze mois à peine après une présidentielle dont même le vaincu n’a pas contesté la transparence.
Le propre de la démocratie, lorsque l’on s’est trompé en faisant un mauvais choix, est d’assumer, jusqu’à la fin du mandat, s’il n’y a pas matière à destitution.
Le général Ould Abel Aziz ne manque manifestement pas d’humour. Il affirme être le défenseur de la démocratie. Et pour bien le prouver, il fait donner la charge sur les manifestants protestant contre son coup d’Etat, tandis que lui-même recevait officiellement ceux qui, sur commande, sont descendus dans la rue pour soutenir sa forfaiture.
C’est en voyant, à l’œuvre, des généraux comme ceux qui font la loi à Nouakchott, que l’on réalise la chance qu’ont eue, en d’autres temps, les Ghanéens, avec Jerry Rawlings, et les Maliens, avec Amadou Toumani Touré. De vrais hommes d’honneur !

par Jean-Baptiste Placca

vendredi 8 août 2008

L’HEURE DE AHMED OULD DADDAH

Chers bloggeurs,

Les aléas de la vie m'ont éloigné de l'actualité et de l'activité cybernétique.
Je reviens vers vous en ces temps troubles pour vous livrer ma dernière réflexion.

Bonne lecture.

Les grands événements révèlent les grands hommes. Le chef de file de l’opposition statutaire a incarné pendant de longues années l’opposition tout court, expérimentant vexations, humiliations et brimades. Plus que tout autre, il sait quel prix payer pour accéder au club fermé des pays jouissant du privilège de désigner librement et démocratiquement leurs représentants. C’est donc tout naturellement que les regards se tournent vers lui quand l’avenir de la nation est tout entier hypothéqué par la gravité des moments que vit notre chère Mauritanie. L’élégance, la hauteur, le sens de l’Histoire et de l’Etat se liguent pour lui commander de monter au rostre et de sauver ce qui est plus grand que lui et que tous : la pérennité des institutions de la Mauritanie éternelle. Cet idéal va au-delà de la personne de son adversaire de naguère, Sidi Ould Cheikh Abdallahi, président élu de la République Islamique de Mauritanie. Le combat n’est pas de défendre un homme, car le destin politique de Sidi Ould Cheikh Abdallahi compte si peu devant l’importance des enjeux. Il y a peu, j’évoquais l’attitude de Boris ELTSINE dans des circonstances quasi identiques (http://souslatente.blogspot.com/2008/07/allende-et-pinochetgorbatchev-et.html): une animosité profonde caractérisait les relations entre ELTSINE, président de la Fédération de Russie et GORBATCHEV Secrétaire Général du Comité Central du Parti Communiste, Président de l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques. Pourtant, lorsque le second fut renversé et exilé en Crimée lors du putsch de Moscou en 1991, c’est bien son ennemi juré qui volera au secours…de la démocratie en rétablissant l’ordre constitutionnel, sans pour autant oublier son combat et ses objectifs. Quand le destin de la Nation est engagé, il faut savoir taire les ambitions personnelles. Et le peuple saura s’en souvenir.
Sidi Ould Cheikh Abdallahi porte certes une responsabilité importante dans le sort qui a finalement été réservé à notre démocratie, mais son interpellation ne pouvait-elle vraiment pas se dérouler dans le cadre défini par la constitution ? Il est peut être coupable. Admettons. Le seul combat à mener était alors de le contraindre à répondre de ses fautes devant les mécanismes constitutionnels : une haute cour de justice à lui imposer au besoin. Et si sa culpabilité est mise en évidence, on eut pu le démettre et laisser le président du Sénat assurer l’intérim le temps d’organiser de nouvelles élections. La procédure en eut gagné en clarté et en propreté et c’est le combat qui aurait dû être celui du leader de l’opposition. S’il croit vraiment aux règles du jeu démocratique, il se doit de défendre l’ordre constitutionnel ; et qu’il ne se berce pas d’illusions. La vie est impitoyable avec les rêveurs et le réveil risque d’être douloureux. Pourquoi ceux qui ont renversé Sidi après l’avoir fait roi épargneront-ils un autre qu’ils auront placé sur le capot de leur Jeep jusqu’au palais présidentiel ? C’est l’heure des choix : ou notre démocratie devient et demeure l’expression et le respect du choix souverain du peuple, à défendre au besoin par tous et par tous les moyens (si l’armée doit jouer un rôle dans la politique, puisqu’il ne peut en être autrement, ce doit être celui-là et celui-là seul) ou elle se place définitivement sous la tutelle de la caserne. Au garde-à-vous et en rangs serrés.

Abdoulaye DIAGANA
France
www.souslatente.blogspot.com
abdouldiagana@yahoo.fr

vendredi 1 août 2008

Sidi et les quarante…Quand naissent le doute et la confusion…

En décidant d’opposer une fin de non recevoir à la requête des parlementaires en vue de convoquer une session extraordinaire de l’assemblée nationale, l’exécutif mauritanien commet une faute dont le prix risque d’être très élevé. Le doute et la plus grande confusion règnent dans l’esprit des mauritaniens qui commencent à se dire que si on met autant de cœur à retarder la manifestation de la vérité sur la gestion de la fondation KB c’est que finalement il y’aurait des choses pas très propres qu’on ne voudrait pas voir sur la place publique. Il y a donc loin de la promesse du président de la république se disant prêt et heureux de voir naître une commission d’enquête à l’énergie déployée à torpiller l’action de l’assemblée nationale. La confiance s’accommode très mal de l’opacité. Et le président aurait tort de lier son sort à celui d’une tierce personne, fut-ce la présidente de la fondation KB. Opinons. Quel homme politique fut plus grand que Nelson Madiba Mandela ? Quelle femme politique milita plus farouchement, plus activement et plus sincèrement que Winnie MANDELA ? Pourtant quand la justice interpella la pasionaria de la lutte antiapartheid et épouse de l’icône aucune obstruction ne fut tentée par Mandela. Lui à qui on devait presque tout acceptait que sa femme fut face à la justice comme tout autre justiciable ordinaire. Il la soutint tout le long du procès malgré les épreuves et leur cruauté. L’image et la stature du combattant furent renforcées par l’épreuve. Et l’épouse du président mauritanien serait intouchable ? Voyons ! Dans ce genre de situation, nous eussions pu attendre du président de la république dont la position est dejà si peu confortable, autre chose qu’un juridisme sourcilleux qui s’apparente à une manœuvre dilatoire. D’autant que l’opération est contreproductive. Dans l’histoire c’est bien le président qui passe pour celui qui ne veut pas de la manifestation de la vérité : c’est un désastre politique provoqué probablement par le jusqu’au-boutisme de ses conseillers. Mais les conseillers, on le sait, ne sont pas les payeurs. Qu’il aide à la manifestation de la vérité et le peuple lui en donnera acte. Au besoin, nous édifierons un bouclier sanitaire et une ceinture de sécurité autour de son statut, de sa personne et de l’institution qu’il incarne s’il s’est acquitté, sans trahir, de la mission que lui a confié le peuple. De toutes les façons, une éventuelle culpabilité de son épouse n’engagera pas nécessairement la responsabilité du président sauf s’il s’est fait complice d’actes répréhensibles. Le cas échéant, qu’il en réponde devant les juridictions compétentes dans le cadre fixé par la constitution et que sa succession soit organisée de même, sans que quiconque attente aux lois de la République à travers un putsch déguisé.
Quant aux frondeurs, ils gagneraient à rendre lisible leur action et clarifier leurs motivations. Si nous connaissons (de réputation) le Mohsen ould Elhadj opposant irréductible vivant à la lisière du dénuement pour rester en accord avec ses convictions sous la dictature de ould Taya et si nous connaissons (de réputation) le Me Ould Maham défenseur des persécutés sous le même dictateur (il a notamment défendu notre ami militant invétéré des droits de l’hommes, El Hacen ould Lebatt, le bon), nous avons plus de difficultés à les voir mener une fronde au nom de la transparence et du droit aux côtés de certains de leurs compagnons d’aujourd’hui. Nous aurions été plus rassurés et moins suspicieux si certains noms n’apparaissaient sur leur liste. En tout état de cause, nous attendons qu’ils nous montrent qu’ils ont de la suite dans les idées en auditant toutes les structures dont la gestion a été décriée ; y compris et surtout quand elles étaient confiées à leurs amis d’aujourd’hui. Le pauvre citoyen a besoin de savoir à quoi riment toutes ces gesticulations et s’il n’est pas sur le point de passer pour le dindon de la farce. Les routes de l’enfer sont pavées de bonnes intentions. Nous ne croirons que sur pièce.

Abdoulaye DIAGANA
France.
abdouldiagana@yahoo.fr
www.souslatente.blospot.com

lundi 28 juillet 2008

Allende et Pinochet/Gorbatchev et Eltsine/Sidi, Ahmed et les autres.

Nous nous sommes couchés ce 19 avril 2007 avec le sentiment d’avoir enfin accédé au club des pays pouvant se vanter de choisir librement des représentants assumant la lourde charge de veiller sur leurs intérêts. Disposer d’institutions républicaines fonctionnant en toute indépendance dans le cadre fixé par la constitution était un idéal largement à notre portée. Las. Nous assistons passivement à une entreprise de démantèlement des acquis démocratiques sans même que nous puissions esquisser la moindre résistance ni la moindre désapprobation. Jouir du pouvoir -consacré par la constitution- de choisir librement nos dirigeants n’aura pas suffit à faire de nous des citoyens libérés des contingences de la peur. Nous peinons à admettre que le temps où « l’élite » ou le prince dictait le candidat pour lequel il faut voter -parce que recueillant sa bénédiction- doit être révolu, mort et définitivement enterré. Les enjeux du bras de fer qui plonge le pays dans l’immobilisme et l’incertitude vont largement, très largement au-delà de la personne de Sidi Ould Cheikh Abdallahi. Ces étincelles sont le prélude d’un conflit autrement plus décisif, plus grave : de ces convulsions naîtront les contours de la démocratie mauritanienne avec deux variantes :
-Des institutions fonctionnant dans le cadre des règles établies par la constitution votée par la majorité des mauritaniens ;
-Une démocratie sous la tutelle de l’armée.
Les politiciens amateurs d’aventures, de sensations fortes ou simples alchimistes auraient tort de se féliciter de l’affaiblissement de la démocratie et de l’institution présidentielle en cherchant à en tirer quelque profit. Ils n’en jouiront pas longtemps. Car, en vérité, il s’agira d’un très grave précédent dont notre démocratie ne se relèvera pas. Si les institutions et la démocratie venaient à capituler cette fois, qu’est-ce éviterait plus tard de faire de l’événement une jurisprudence ? Au-delà de la personne et du sort de Sidi Ould Cheikh Abdallahi (qui ne comptent pas plus que leurs poids) c’est le sort de l’institution présidentielle qui est en jeu. Devant la reddition d’un président qui n’arrive pas à emporter l’adhésion populaire faute de se pencher sérieusement et efficacement sur l’amélioration des conditions de vie et de se rapprocher du peuple, celui-ci s’est aplati et compte les points. Ce qui reste des troupes, les républicains et les démocrates ont quitté le navire. De vedettes africaines nous sommes sur le point de passer pour la risée du continent parce que nous avons déserté notre idéal, incapables que nous avons été de préserver et de consolider une démocratie à transmettre aux générations futures. Nous suivons impavides les événements et attendons le dénouement comme si nous avions décidé de nous suicider joyeusement. Sidi Ould Cheikh Abdallahi n’a pas su parler au peuple pour lui rendre compte des difficultés qu’il éprouve à protéger la constitution et le mandat qui lui a été confié. Comment ne pas penser à Salvador Allende, impitoyablement acculé par l’armée chilienne, disant à la foule venue l’acclamer et lui témoigner soutien et fidélité : « Je tiendrai mes engagements comme un président qui connaît la dignité de la charge que lui a remise le peuple après des élections libres et démocratiques » ? Notre président a lui littéralement dilapidé le capital confiance et sympathie que le peuple avait placé en lui. Qu’il se pose juste une question : s’il venait à quitter le pouvoir, qui se sentirait orphelin ? Autrement dit, de qui le président est-il le protecteur au point de s’attendre à un retour sur investissement ? Allende n’a pas conservé son pouvoir on le sait car il s’est suicidé au moment où les chars lançaient l’assaut sur la Moneda, le siège de la présidence chilienne ; mais il est resté dans l’histoire pour avoir offert sa vie pour la démocratie, les pauvres, les travailleurs. «Je ne reculerai pas d’un pas… Je ne quitterai la Moneda que lorsque j’aurai accompli la tâche que le peuple m’a donnée. Je n’ai pas d’autre choix. C’est seulement en me criblant de balles que l’on pourra m’interdire de mettre en œuvre le programme du peuple » avait-il averti . Symbole d’une révolution socialiste réussissant le tour de force de s’imposer par la voie des urnes, l’homme était l’incarnation de l’utopie d’une vie plus libre et plus juste, en ce sens qu’il se préoccupait avant tout (i) de l’égalité et (ii) de la condition des travailleurs et des pauvres avec pour slogan du pain, un toit, un travail et plus d’égalité sociale. Mais comme tout héros, il avait devant lui des obstacles infranchissables parmi lesquels l’hostilité de la bourgeoisie militaro-industrielle, incarnée par Augusto Pinochet et agrippée à des privilèges dont elle n’entendait pas se laisser délester sans livrer combat. Même dans ce chaos propice où la trahison se faisait religion, des hommes ont gardé la tête haute en refusant d’entériner le complot. L’histoire se souviendra du Général Alfredo Bachelet (père de Michelle Bachelet actuelle présidente du Chili) et du Général René Schneider sacrifié par les félons pour avoir inspiré une doctrine qui voulait que l’armée s’assignat comme mission de veiller à ce que les institutions du pays fonctionnent régulièrement, avec un pouvoir politique respectueux de la légalité constitutionnelle, tout en s’interdisant strictement toute manipulation tendant à renverser le vote populaire, action qu’il assimilait à un acte de haute trahison (de quoi inspirer notre armée.) Le peuple qui se sentait en confiance et se savait représenté pouvait suivre son président. Parce que « quand un peuple est conscient des buts à atteindre, il fait des sacrifices » et le président avait d’incontestables atouts de son côté : la morale, la rectitude, la probité. A l’inverse, dans l’entourage du président mauritanien, il y a des hommes dont la rectitude souffre au moins de suspicions (faisons dans l’euphémisme) et il tarde à faire la lumière sur le fonctionnement de la fondation de son épouse. C’est assez pour que de nombreux compatriotes soucieux de préserver les acquis démocratiques s’abstiennent de lui prêter main forte dans ces conditions. Il ne viendra à l’esprit d’aucun humain de demander au président mauritanien une sortie à l’image du chilien, mais il pourrait au moins tenter de sauver ce que le peuple lui a confié : le pouvoir de protéger la République et ses institutions. Pinochet finira comme un fugitif cloué au pilori avec à ses trousses les juges du monde entier, l’ignominie et l’opprobre. Allende finira au panthéon des justes avec des monuments, des statues et des rues à sa gloire. On a le sens de l’Histoire ou on ne l’a pas. C’est ainsi.
En Mauritanie, dans le naufrage collectif, l’opposition ne s’en tire pas mieux. Son leader, Ahmed Ould Daddah, se berce d’illusions s’il croit pouvoir tirer profit de l’effondrement de l’édifice démocratique en recherchant en priorité le soutien des militaires. « La vie est impitoyable avec les rêveurs ». Ils le mettront aussi sous tutelle si jamais il parvenait au pouvoir juché sur le capot de leur jeep. Devant tant de menaces et d’incertitudes, il lui eut été plus honorable et élégant de défendre la démocratie et l’institution présidentielle au nom d’un idéal qui va au-delà de la personne de Sidi Ould Cheikh Abdallahi et des calculs politiciens ajustés aux agendas des uns des autres : l’intérêt inaliénable de la Mauritanie éternelle. Parce qu’il ne peut y avoir de compromis sur des principes. Des cités et des empires mieux structurés et plus puissants que notre Mauritanie se sont effondrés sans laisser de traces. Rome a commencé son déclin quand les romains se mirent à bafouer les règles qui régissaient la vie de la Cité. Qu’il médite donc l’exemple de Gorbatchev et de Eltsine, ennemis jurés s’il en était. Le premier s’accrochait avec l’énergie du désespoir à un empire décadent que le second s’employait à achever avec la dernière énergie. Pourtant, quand le 19 août 1991 des putschistes s’emparent du pouvoir c’est Boris Eltsine qui se hisse sur un char pour appeler à une résistance qui devait mettre un terme à la rébellion contre les institutions. Il entra alors dans l’Histoire par la grande porte comme le symbole qui se dressa devant les usurpateurs en treillis militaires, oubliant un instant ses divergences avec Gorbatchev. Il finira par se faire élire président de la Fédération de Russie. On a le sens de l’Etat ou on ne l’a pas. C’est ainsi.

mardi 22 juillet 2008

Fondation KB et autres dilapidations de biens publics : l’heure de vérité.

Puisque tant de voix se sont liguées contre l’espoir, le devoir intime à ceux qui détiennent une once d’influence sur le cours de l’histoire –le destin devrais-je dire- l’ordre de voler au secours de ce qui reste de la République et de la Démocratie.
Deux mois durant la vie de tout un pays s’est arrêtée, suspendue à une fronde redoutable menée par une coalition déterminée à laquelle aucune arme n’aura fait défaut, de la menace de dissolution du parlement au recours à l’armée en passant par une commission d’enquête sur le Sénat. Mais ce qui a surtout traîné l’honneur du président de république dans la boue et qui l’a incontestablement secoué c’est la grave suspicion jetée sur la Fondation de la première dame. La constitution d’un gouvernement de compromis entre les protagonistes ne suffit à dissiper le malaise et l’esprit bien constitué ne pourra comprendre que les poursuites s’éteignent comme elles sont nées car trop grands sont les enjeux.
D’abord le devoir d’informer les citoyens sur la façon dont leurs affaires sont administrées. La gouvernance s’accommode très mal de l’opacité. Le président de la république en a facilité la tâche en annonçant qu’il serait très heureux que la lumière se fasse sur les comptes d’une fondation qui n’aurait reçu aucun centime d’argent public.
Ensuite, le président lui-même en ce sens qu’il a besoin de se défaire de l’emprise d’une rumeur dont il sera l’otage tant que la vérité ne se sera pas manifestée. C’est sa souveraineté, son indépendance et sa liberté qu’il joue. Comment entend-il présider librement s’il reste à la merci d’un chantage qui risque fort bien de lui être resservi à la moindre tentative d’émancipation ? La meilleure façon de priver un maître chanteur de son argument c’est d’ouvrir vos comptes et rendre public le secret par lequel il pensait vous tenir. Sidi en a besoin pour pouvoir jouir des égards dus à son statut, à ses fonctions et à sa personne.
Enfin, les élus frondeurs. Ils se sont égosillés des semaines durant, essayant de nous vendre l’argument de la mise en péril des intérêts du pays. Ils ne peuvent s’arrêter en si bon chemin.
Toutefois, les comptes ne seront justes que si l’exercice était appliqué à tous les secteurs, toutes les entreprises, toutes les entités dont la gestion a suscité au moins quelques interrogations. Il serait injuste de n’incriminer qu’une Fondation née il y a à peine une année alors que des braqueurs notoires hantent nos rues, les couloirs et les bureaux de la haute administration. Des scandales ont émaillé la vie de notre pays et la lumière gagnerait à se faire. Et si c’est bien pour la Fondation KB, ça doit certainement l’être pour la SOMELEC, la BCM, le CSA, la SMCPP, l’armée nationale y compris quand certains de ses officiers supérieurs se livraient à des actes de barbarie à Inal, Jreida, Azlatt, Sori malé…avant d’aller se réfugier sous le toit de l’assemblée nationale pour y mener une fronde demandant justement plus de lumière (le comble !).
Il faudra également que nous connaissions enfin la vérité sur cette affaire de la drogue dont plus personne n’entend parler comme par miracle ; que nous fassions la lumière sur les connexions avec certains milieux hauts placés et les complicités sans lesquelles les trafiquants n’auraient certainement pas pu agir avec autant de facilité.
La Mauritanie est quand même un pays extraordinaire : on trouve des fautes mais jamais de fautifs, coupables, condamnés ; pas plus qu’on n’ouvre de procès. On prononce des discours où l’on reconnaît courageusement que des mauritaniens ont été victimes de la barbarie et injustement déportés, on va même les chercher mais on ne cherche pas à savoir qui sont les responsables de leur odyssée infernale ? Comment ils ont opéré ? Pourquoi ? On avance que les biens publics ont été dilapidés mais personne n’est sanctionné, fut-ce symboliquement.
Il n’est pas question de choisir un camp si ce n’est celui de la manifestation de la vérité. Nous sommes trop jaloux de notre indépendance pour nous soumettre aux automatismes de la logique partisane. Nous avons besoin de savoir si toute cette agitation est fondée ou s’il s’agit juste de poudre –cocaïne ou non- aux yeux. Un citoyen ça ne sert pas qu’à voter pour rendre crédible un scrutin à vendre à la consommation internationale. Il a besoin aussi de savoir où veulent le conduire ceux à qui il a confié le soin de représenter ses intérêts et ceux qui se sont proclamés, sans demander son avis, garants de ses droits. C’est donc l’heure de vérité, pour le président, son épouse mais aussi pour les frondeurs qui peuvent donner l’exemple à travers la responsabilité qui est celle de certains de leurs compagnons -et non des moindres- dans la gestion des affaires publiques pendant la dictature. Mehr licht, disait Goethe ; plus de lumière donc.

samedi 19 juillet 2008

LES FIGURES DE LA DICTATURE : QU’ON LES BLANCHISSE OU QU’ON LES BANISSE !

LES FIGURES DE LA DICTATURE : QU’ON LES BLANCHISSE OU QU’ON LES BANNISSE !

Est-il seulement raisonnable que des hommes politiques soient interdits de charges publiques alors même que leur culpabilité n’a jamais été formellement établie ? Autrement est-il acceptable de jeter l’anathème sur des acteurs politiques sur la seule base de la suspicion et de la rumeur ? Des esprits avides de vérités simples et qui ne souffrent pas les complexités de la nuance ont vite fait de penser que c’est faire dans la provocation que de poser de telles questions parce que hay gooto soussa wiidé Jaanga ko reedu (en pular, nul n’ose dire que mlle Jaanga est enceinte). Il leur faut des positions simples, tranchées, Contre ou Pour et réclamer des têtes tout de suite, sans autre forme de procès. C’eut été une posture confortable, très peu coûteuse et politiquement rentable parce que populaire, populiste. Or, nous avons beau dresser la liste des méfaits du régime de Ould Taya, rappeler que des abus, des crimes ont été commis (et pas seulement politiques ou humanitaires. Massacrer cruellement des noirs et en déporter d’autres du seul fait de la couleur de leur peau n’a pas été le seul crime de ce régime), des biens dilapidés, affirmer avec forces détails que des individus ont profité d’avantages indus, que des entreprises publiques ont été littéralement vandalisées, que des projets ont été cannibalisés…il n’en demeure pas moins que nul n’a à ce jour été convaincu du moindre crime, du moindre délit. Tout se passe comme si on se suffisait de diluer les fautes dans une espèce de responsabilité collective : les indélicatesses (excusez la délicatesse du propos !) sont le fait du système, de certains qui ont servi sous le régime déchu, il n’y a pas d’individus à poursuivre, il n’y a pas de noms. Non ! C’est très court ! Trop facile ! La responsabilité est individuelle, nominale et on ne peut se contenter de tout mettre sur le compte du « système », impersonnel et abstrait et faire passer le tout par pertes et profits. On ne peut non plus condamner sur la base de présomptions, de rumeurs, de conjectures… sans jamais avoir attaqué le fond du sujet. Et quoi donc ?! Suffirait-il que, pour mettre hors-jeu un adversaire, on s’érige à la fois en juge et procureur pour décréter que la rumeur l’accuse d’une faute dont il aura à se blanchir avant de prétendre à quelque responsabilité ? On inverserait alors la charge de la preuve ? Et ce serait le triomphe de la présomption de … culpabilité ? Les juridictions populaires et expéditives? Les tribunaux d’exception qui suivraient les réquisitions de la clameur pour livrer à la vindicte populaire et ordonner le lynchage? Trop peu pour moi. On ne va pas combattre un abus en lui substituant un autre.
Le processus démocratique en Mauritanie depuis la transition d’août 2003 souffre d’un défaut de fabrication, une espèce de péché originel : plutôt que de vider l’abcès en regardant notre passé « le blanc de l’œil dans le blanc de l’œil » on a préféré faire comme l’autruche et à la mauritanienne : Maslaha ! (Arrangement à l’amiable), Mahou mouhime ! (Ce n’est pas important) ...On construisit alors une belle bâtisse sur du sable. Pourquoi s’étonner dès lors qu’aux premières pluies et aux premiers vents l’édifice s’effondre ? « On », bien sûr, comprend les pilotes de la transition et leurs partenaires de la scène politique nationale. C’est ainsi qu’on lâcha la proie pour l’ombre (le soninké que je suis sait depuis la tendre enfance que makha an kittoudou niekhé nwara do an taadu niékhé nwa : il ne faut jamais lâcher le poisson que l’on tient dans la main pour celui que l’on a sous les pieds, en français Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras) : on se contenta de ce que le CMJD donnait sans exiger le plus, auquel on pouvait légitiment prétendre, comme si « un mauvais arrangement valait mieux qu’un bon procès » (« on » cette fois-ci c’est nous tous, les amoureux de la Mauritanie, ses « bienfaiteurs », ses acteurs politiques surtout de l’ancienne opposition…). « On » s’est laissé distraire par l’illusion d’une démocratie libre et transparente et le rêve enivrant de cueillir… un pouvoir mûr et à portée de main. « On » a été à ce point assommé par vingt et une années de dictature, de privations et de brimades qu’ « on » était gagné par l’apathie générale et disposé à se livrer pieds et poings liés au tout-venant. Mais la sagesse wolof ne nous enseigne-t-elle pas que lou bey rotteu kou ko yaakar do mandime sow ? (Quiconque fonde ses espoirs sur ce qu’on peut traire de la chèvre ne s’enivrera point de lait, en français, avec de petites ambitions on a des résultats modestes).
Il faut maintenant reprendre ses esprits et remettre les choses à l’endroit. S’il y a des individus qui doivent répondre de fautes que le pays a incontestablement connues, qu’ils en répondent une bonne fois pour toutes, au nom de la Société. Coupables, ils expieront leurs fautes, symboliquement ou non, et prétendront (ou non) aux rôles que la Société voudra bien (ou non) mettre à leur portée. Innocents, qu’ils soient blanchis. Si, bien sûr, l’objectif est une république dont les institutions fonctionnent normalement dans une démocratie apaisée. Voilà pour le principe du droit positif.
Quant à l’aspect politique, l’Histoire a déjà rendu son verdict en vomissant des individus qui se sont compromis avec le régime le plus nocif, le plus honni de la vie de notre pays, celui-là même qui nous a valu tant de peines, de larmes et de sang ; et les acteurs politiques responsables devraient s’abstenir de leur tendre la planche de salut (même si le degré d’implication n’est pas le même pour tous, il doit certainement y en avoir qui ont suivi le bourreau de bonne foi, en croyant servir le pays en faisant abstraction, par naïveté, de la conjoncture politique générale). Ils ne peuvent désormais prétendre à la rémission qu’en (i) reconnaissant leurs responsabilités, (ii) en abjurant leur passé trouble et leur répugnant compagnonnage avec le dictateur banni et (iii) en demandant solennellement le pardon. Là sera peut être le prix du salut et de la rédemption. Qu’ils ne s’avisent surtout pas, ensuite, de nous demander d’oublier. Ce sera largement au dessus de nos forces.
Salut.

Abdoulaye DIAGANA
France.

www.souslatente.blogspot.com

abdouldiagana@yahoo.fr

mardi 15 juillet 2008

NEPOTISME ET AUTORITARISME A LA PRESIDENCE : EXPERIENCES A MEDITER.

L’intérêt que nous trouvons aux événements du passé c’est qu’ils donnent l’échelle et inspirent des enseignements qui peuvent mettre les vivants à l’abri de certaines déconvenues. Pour s’en convaincre, nous vous invitons à revisiter des événements déstabilisateurs vécus dans certains pays de notre continent –et d’ailleurs- qui ont pourtant connu une certaine pratique de la démocratie telle que nous l’avons héritée de la Grèce antique après un détour par l’occident judéo-chrétien. Ces événements nous inspirent deux enseignements :

Le premier est que l’ingérence de la famille dans l’arène politique est généralement source de désordres. La gestion patrimoniale des deniers publiques a été la « vertu cardinale » de nombreux responsables politiques au point que certaines pratiques sont reconnues comme propres aux républiques bananières quand bien même elles auraient cours sous d’autres latitudes. Dans une série d’entretiens accordés à Philippe SAINTENY dans le cadre de l’émission Livre d’Or (RFI septembre, octobre 2003), le Secrétaire Général de l’OIF, l’ancien président sénégalais Abdou DIOUF confiait avoir imposé à ses enfants de ne pas se mêler de politique. On ne peut dire qu’il manqua de bon sens. Ceux qui ont ignoré cette espèce de maxime se sont retrouvés dans des situations inextricables, au point de compromettre sérieusement leur carrière politique. En avril 1974, le coup d’Etat qui renversa Hamani DIORI au Niger (pays que connaît bien l’actuel président mauritanien) se solda par la mort de son épouse feue Aissé Hamani Diori. Malgré les actions concrètes que lui reconnaissent les nigériens, celle-ci s’était attirée les critiques de nombreux concitoyens à cause de son implication dans les affaires. « Son mari l’écoutait, et j’ai considéré qu’elle avait sur lui une bonne influence jusqu’au moment où elle s’est lancée dans les affaires. Elle a commencé par faire construire une belle maison qu’elle a louée aux Américains. L’ambassade des Etats-Unis, y voyant un intérêt politique, n’a pas regardé à la dépense. De fil en aiguille, Mme DIORI s’est laissé entraîner dans des opérations douteuses, elle s’est fait octroyer des terres parmi les plus fertiles pour ses cultures maraîchères, etc. La réputation qu’elle s’est acquise n’a peut-être pas été étrangère au fait que le coup d’Etat de 1974 lui a coûté la vie »[1]. Jacques BAULIN, conseiller et défenseur devant l’Eternel du président DIORI reconnaissait qu’« Elle [Mme DIORI] construisait beaucoup, beaucoup trop, à Niamey. Cela faisait jaser. Les Nigériens comme les Européens, à commencer par les ambassadeurs de France et d’Allemagne. À tel point que nous trouvant à Niamey en même temps, Gilbert Comte et moi, après avoir comparé nos informations, étions arrivés à la conclusion qu’il fallait attirer l’attention du Président sur ce problème. Mais pour une mission aussi délicate, aucun d’entre nous n’était prêt à se porter volontaire.

Dans l’après-midi de ce même jour, au cours d’une discussion avec le Président, il me parle des problèmes d’urbanisme que lui pose l’extension de la capitale, la densification immobilière... Je saute sur l’occasion pour lui dire : « À ce propos, Monsieur le Président, vous savez qu’en ville… on parle beaucoup des nombreuses villas de la Présidente... » Sa réponse ? « Baulin ! Allez lui dire ! Je lui ai fait la même remarque hier soir. » Pour une fois prudent, je me suis bien gardé de suivre ses instructions. À ce jour, je ne connais pas le nombre exact de villas construites par feue Mme Aissa Diori. »[2]. L’affaire, on le sait, finira dans le sang avec la mort tragique de Mme DIORI.

Au Bénin, l’arrivée de Nicéphore SOGLO avait suscité beaucoup d’espoirs. Mais les béninois durent déchanter rapidement quand le président civil, démocratiquement élu s’est cru obligé de noyauter l’Etat en plaçant sa parentèle à tous les niveaux : le fils aîné, Léhady était chargé de mission à la Présidence de la République tandis que son jeune frère avait en charge la communication de l’Etat du Bénin. Le beau-frère du président, Désiré VIEYRA était ministre d’Etat et véritable patron du gouvernement même s’il ne portait pas le titre de premier ministre. Saturnin SOGLO, frère du président était ambassadeur en poste à Bonn et Christophe SOGLO cousin du président était responsable de la sécurité présidentielle. Last but not least, l’épouse du président, « la première dame du Bénin » Rosine SOGLO, était à la fois députée et présidente du parti Renaissance du Bénin vers lequel les fonctionnaires carriéristes courraient les mouches vers le pot de confiture. L’affaire ne finira pas dans le sang, mais les béninois perdront leurs illusions au point de remettre le pouvoir à Mathieu KEREKOU, naguère traité de dictateur. Si ces exemples ne suffisaient, méditons ceux de Ferdinand Marcos et de SUHARTO despotes dont les familles respectives organisaient la corruption à l’échelle industrielle et qui finirent tous chassés par la rue. C’est le Nec plus ultra de la patrimonialisation au sommet de l’Etat. Ils resteront dans l’histoire. Pour ça aussi ; ou surtout.

Le deuxième enseignement est qu’il ne suffit pas de jouir de l’onction du peuple et de la légitimité du suffrage universel pour faire un bon président. Nombreux sont ceux qui ont accédé au pouvoir par la voie des urnes, perçus alors comme des sauveurs et qui sont partis à la sauvette, comme des voleurs pour n’avoir pas su trouver un bon équilibre entre fermeté et souplesse.

D’abord Pascal LISSOUBA du Congo. Arrivé au pouvoir par la voie des urnes en 1992 cet universitaire, s’est révélé un piètre président qui, non content de ses choix économiques désastreux (contrat pétrolier léonin avec l’américain OXY) va plonger son pays dans une très meurtrière guerre civile. On se souvient tous des milices « cocoyes » qu’il avait dressées contre les « Cobras » de son prédécesseur Denis Sassou NGUESSO, le tout avec l’arbitrage des Ninjas de Bernard COLELAS. Il quittera le pouvoir chassé par des « Cobras » venimeux appuyés par les angolais.

Il y eut ensuite, Ange Félix PATASSE de la Centrafrique, arrivé lui aussi par la voie des urnes. Plutôt que de discuter avec ses adversaires politiques, il préféra les arguments de la force en allant chercher « son fils » Jean Pierre Bemba de la République Démocratique du Congo -il est aujourd’hui arrêté à la demande du tribunal pénal international qui le suspecte de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre, pour viols, tortures et pillages commis en République centrafricaine en 2002 et 2003. Chassé du pouvoir par le Général BOZIZE alors qu’il participait à un sommet au Niger, il erra plusieurs jours à la recherche d’un refuge qui lui fut accordé pour quelques heures au Cameroun. Aux hommes venus lui demander de se préparer à chercher refuge ailleurs dans les quarante huit heures il aurait eu cet éclair de génie : « Ce qui m'est arrivé peut arriver à d'autres ; votre président en a-t-il conscience ? » Ils auraient pu lui répondre « Que n’y avez-vous pensé plus tôt ».

Il y eut enfin Mahamane Ousmane (décidément ce Niger que Sidi ould Cheikh Abdallahi connaît si bien… !) porté au pouvoir en mars 1993 par une coalition de partis regroupés sous le sigle de l’AFC, Alliance des Forces du Changement au terme d’élections saluées par son principal challenger le Colonel Tandja Mamadou. Sitôt installé, le Président se distingua par son autoritarisme au point de désorienter ceux qui l’ont porté au pouvoir (sic !) et de pousser vers l’opposition le PNDS-Taraya. L’opposition devient alors majoritaire et fait voter une motion de censure (vous avez dit similitude ?). Dés le lendemain, le Président Mahamane OUSMANE dissout l’assemblée nationale comme l’y autorise la constitution. Les nouvelles élections confortent l’opposition et imposent la cohabitation que le Président essaie de contourner en désignant de son propre chef un Premier ministre sans l’adhésion de la majorité parlementaire. Nouvelle motion de censure avant même la composition du gouvernement de Amadou Aboubacar CISSE. Le Président se résout alors à nommer, contraint et forcé, le candidat unique de la majorité parlementaire Hama AMADOU. Mais il ne s’avoue pas vaincu et prolonge le bras de fer en se donnant en spectacle : refus de donner la parole à des ministres en conseil, doubles nominations à tous les niveaux de l’Etat (un par le Président et un par le premier ministre…)[3]. La suite ? Ibrahim Baré Mainassara met fin à ce spectacle déshonorant par un coup d’Etat qualifié de populaire et salué presque par tous (y compris par le démocrate, républicain que je suis).

Moralité : Gouverner un pays c’est comme tenir un lion en laisse. Il faut s’employer à ne pas trop tirer sur la corde tout en veillant à ne pas la laisser trop traîner. Ce rappel doit servir de leçon à ceux « qui ont les yeux entre le nez et le front et qui regardent droit devant eux ». Qu’on se le tienne pour dit.

Abdoulaye DIAGANA

France

abdouldiagana@yahoo.fr

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[1] FOCCART parle, Entretiens avec Philippe GAILLARD. FAYARD/JEUNE AFRIQUE. Paris 1997 Tome II p134

[2] Jacques BAULIN, 15 avril 1974, le putsch, réalités et exégèses. Juin 2008. www.tamtaminfo.com

Au sujet des biens acquis par l’épouse du président DIORI, Baulin ajoute qu’elle a dû recourir à l’emprunt « pour construire d’une part et aménager « le jardin » d’autre part ». Baulin opcit.

[3] Pour approfondir ce sujet lire « CONFLIT AUTOUR DES REGLES NORMATIVES DE LA COHABITATION AU NIGER : ELEMENTS D'ANALYSE JURIDIQUE D'UNE CRISE POLITIQUE (1995-1996), du Doyen AMADOU TANKOANO http://www.polis.sciencespobordeaux.fr/vol2n2/article4.html

jeudi 10 juillet 2008

Le président et les généraux

Les derniers événements qui ont tenu les mauritaniens en haleine laissent en suspens une question qui revient sur toutes les lèvres: qui détient le pouvoir en Mauritanie. Le rôle qui doit être dévolu à l'armée sera l'objet d'un prochain blog. Attardons-nous si vous le voulez bien sur la situation insolite qui prévaut au sommet de l'Etat.
Deux généraux qui ont certainement débarrassé le pays d'une dictature féroce au moment où tout semblait bloqué couvent un président démocratiquement élu, dit-on, à leur instigation. A tort ou à raison ils estiment qu'ayant "sauvé" le pays ils doivent continuer à avoir leur mot à dire sur la conduite des affaires et "veillent" sur le président élu en déployant des ailes à la fois protectrices et encombrantes. Tentons ce raison.
Le président prend ombrage de la présence étouffante des généraux et, auréolé du suffrage des mauritaniens, décide de s'en débarrasser. Les généraux prennent connaissance du décret portant leur limogeage ou, par un moyen ou un autre, découvrent les intentions du président de la république. Les généraux intiment alors l'ordre aux médias (radio et télévison publiques) dont ils prennent le contrôle l'ordre de ne diffuser aucun message, aucun communiqué n'émanant pas d'eux. Le président reste au palais avec ses prérogatives théoriques; les généraux gardent leurs étoiles avec la réalité du pouvoir. C'est peut-être une fiction; mais est-elle si éloignée de la réalité? La démocratie dont le monde entier à reconnu les mérites en Mauritanie risque de se terminer en queue de poisson. Cette situation vaut bien une réflexion sur le subtil dosage entre fermeté et souplesse. Exercice dont l'absence a valu des crises profondes, parfois au dénouement tragique, à de nombreux pays africains. Ce sera notre prochain sujet inchallah.

Abdoulaye DIAGANA
France
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dimanche 6 juillet 2008

Le Président manœuvre mieux qu’on ne le croit.

Nombreux sont ceux qui ont perçu la démission du gouvernement de Yahya Ould Ahmed El Waghf comme une reculade du président de la République. Cependant en confirmant le Premier Ministre sortant à son poste, Sidi Ould Cheikh Abdallahi donne un indice de ce que sera sa position face aux frondeurs. Les raisons qui ont pu le conduire à limoger son directeur de cabinet adjoint puis un conseiller principal sont à décrypter avec soin. Hypothèse d’école :

Le membre du cabinet invite le Président de la République à engager le dialogue avec les frondeurs pour éviter une confrontation directe avec ceux qui sont suspectés d’être derrière eux, à savoir les deux généraux qui ont renversé la Dictature de Ould Taya. Sidi Ould Cheikh Abdallahi interprète ce conseil comme une faiblesse au moment où la parole et l’action doivent être à l’aide dure, les faucons. Dans la foulée, le conseiller principal organise une conférence de presse à l’hôtel Mercure où il accepte de donner la parole aux parlementaires frondeurs : crime de lèse-majesté avec comme sanction le limogeage.

Il ne serait alors pas surprenant que le Président de la République renouvelle à l’UFP (dont la présence au sein du gouvernement est farouchement combattue par les frondeurs) et aux islamistes modérés sa confiance en les reconduisant dans le gouvernement à venir. Il ne restera plus qu’à confirmer les gestionnaires contestés (Boïdiel au Sécretariat Général de la Présidence de la République par exemple) pour que nous retournions exactement à la case départ. Le Président n’aura alors pas renoncé au bras de fer et ferait mieux que tenir tête aux frondeurs. Le côté positif de l’histoire sera que le Président montre qu’il sait faire preuve d’autorité. Le côté négatif sera que dans un contexte de démocratie naissante, il manque de souplesse et de sens du compromis, mettant en péril les acquis démocratiques.

Dans ce cas, il n’est pas besoin d’être devin pour affirmer que le spectre de l’action militaire de nos généraux passe du possible au probable. Avec comme principal perdant le peuple mauritanien.

Abdoulaye DIAGANA

France

www.souslatente.blogspot.com

vendredi 4 juillet 2008

Ould Cheikh Abdallah se serait soustrait à une enquête du Senat!

Dans le message posté hier dont le titre est Sidi se dédit, les dessous de l'affaire, nous évoquions la probabilité (plus exactement l'hypothèse) d'une menace ayant pu conduire le Président de la République à changer d'avis quelques heures seulement après avoir brandi la menace d'une dissolution de l'assemblée nationale en prenant le coran à témoin pour qu'il n'y ait aucun doute quant à sa détermination. Comme nous le suggérions donc hier, la fondation de la première dame serait dans la ligne de mire des frondeurs. Si l'information se confirmait, cela signifierait que l'on nous cache des choses pas très présentables au sommet de l'État. Ce serait très grave alors. Pourvu seulement que les institutions de la République n'en sortent pas laminées et discréditées.

Lire la dépêche avec lien en arabe.

Une commision parlementaire enquête sur le financement de la fondation KB
Le sénat mauritanien vient de constituer une commission d'enquête, afin d'éplucher les finances de la fondation de Madame Khatou Mint El Boukhary, la commission avait décidé de convoquer Monsieur Mohamed Ould Cheikh abdallahi, le secrétaire général de la fondation, afin de lui poser des questions concernant un trafic d'influence au sein de la fondation.
La commission parlementaire soupçonne la fondation de se servir de l'influence de la Première Dame, afin d'obtenir des avantages et des financements illicites.
Monsieur Mohamed Ould Cheikh Abdallahi est parti en France ce matin, un membre de la commission confirme que ce voyage surprise a empêché la commission de l'entendre, la même source confie que la commission d'enquête se réunira ce dimanche, afin d'étudier les suites à donner à cette affaire.
Source : taqadoumy.com
Lien en arabe :

jeudi 3 juillet 2008

Sidi se dédit : les dessous de l'affaire.

Qu'est-ce qui a bien pu se passer dans la tête du Président mauritanien pour que moins de 24 heures après un discours musclé dans lequel il semblait reprendre l'initiative en menaçant de dissoudre l'Assemblée Nationale il en vienne à accepter la démission du gouvernement décrié de Yahya Ould Ahmed Waghf?
Le bras de fer semblait pourtant bien engagé et rien ne laissait présager un tel dénouement. Risquons une hypothèse. Dès la fin de son discours du 2 juillet 2008, les frondeurs mettent au point une nouvelle stratégie: puisque le Président décide de jouir de toutes les prérogatives que lui confère la constitution (entendez dissolution de l'Assemblée Nationale), les sénateurs vont également se prévaloir des leurs. Ils décident donc de constituer une commission chargée d'enquêter sur les activités de la Fondation de l'épouse du Président de la République Khattou mint Boukhari. Des documents existeraient qui compromettraient sinon le Président du moins son épouse qui aurait bénéficié des largesses de l'État sous le couvert des activités de sa fondation éponyme. Et comme le Président ne peut dissoudre le SENAT, le piège se referme sur lui.
Poursuivons. Parallèlement, des avocats sont sur le point de statuer sur une accusation en parjure contre le Président de la République qui, après avoir juré de défendre la constitution et la séparation des pouvoirs a cru bon de tenter de faire avorter la motion introduite par des députés. Du coup, la motion de censure passe au second plan eu égard à une épine d'une autre nature. La démission du gouvernement serait-elle un gage donné pour éviter que les sénateurs s'acquittent d'une des missions que leur ont confiées les mauritaniens? Et dans le dos des mauritaniens?
Si nous voyons juste (après tout pourquoi pas?) les jeux sont loin d'être faits et la crise se prolongera. De toutes les façons, le Président sort très affaibli de ce bras de fer en ce sens qu'il aura cédé aux pressions des frondeurs. Il lui faudra beaucoup de savoir-faire pour récupérer autorité et crédibilité; et longue sera la fin du mandat. Quatre ans encore à tirer!!! Ces événements ont quand même du bon: ils permettent aux mauritaniens de s'exercer à l'utilisation des mécanismes du jeu démocratique. Ce sera ça de pris.

DIAGANA Abdoulaye.
FRANCE.

Protéger le Président de la République, malgré tout…

Quelque légitime et justifiée que puisse être la demande faite au Président de la République de respecter ses engagements électoraux au non de la crédibilité du processus démocratique et du personnel politique, il y a une ligne rouge à ne franchir sous aucun prétexte : la remise en cause du mandat et de la légitimité du Président de la République. Le Président Sidi Ould Cheikh Abdallahi est élu et bien élu pour cinq ans. Si pour la consolidation de notre démocratie il peut être salutaire de maintenir la pression sur le Président de la République pour qu’il respecte ses engagements électoraux, les démocrates sincères doivent se garder de jouer aux apprentis sorciers en se servant d’une légitime contestation du retour au passé pour servir des desseins moins avouables. Notre démocratie est balbutiante et hésitante. De son côté si le Président est à ce point soucieux de la préservation des acquis, il se doit de tirer les enseignements de toute cette situation provoquée par un choix surprenant et inopportun. Il n’y aura pas beaucoup de voix pour lui reprocher de reconsidérer une décision qui n’est conforme ni aux promesses qu’il avait faites, ni aux désirs d’une majorité écrasante de mauritaniens qui ont salué la chute de la Dictature et qui ont désavoué certains de ses symboles les plus significatifs. Il serait regrettable que le Président de la République s’obstine dans ce choix au risque de voir notre démocratie vaciller. Ces hommes se confondent trop avec le régime qui vient de tomber pour incarner véritablement le changement promis. Si sa majorité lui est aussi encombrante comme certaines bonnes âmes l’avancent, qu’il ait le courage de provoquer de nouvelles élections -sans craindre la conjoncture difficile et la détermination de l’opposition- en invitant les mauritaniens à arbitrer en lui donnant une majorité claire, composée d’hommes qu’il aura choisi en fonction de leur proximité avec l’image et l’ambition qu’il nourrit pour la Mauritanie. Sa position est probablement rendue inconfortable par une majorité hétéroclite d’élus qu’il a trouvés devant lui et qui ont été « élus » dans des conditions qui ne pouvaient que lui rendre la tâche rude. Faut-il rappeler que la constitution que nous nous sommes choisie est présidentielle dans sa nature et non parlementaire ? Le calendrier électoral doit par conséquent être inversé pour que les députés soient élus dans la foulée de la présidentielle. Il sera dès lors plus facile au Président de la République de demander à ses électeurs de lui donner la majorité requise avec les hommes qui adhèrent à son discours et à son programme (à respecter !) pour gouverner les mains libres. Il lui sera loisible de choisir ceux qu’il estimera les mieux à même de représenter l’image qu’il se donne de lui-même et de la Mauritanie de ses projets. Ensuite, que les institutions fonctionnent normalement, sans interférence, dans le respect de l’esprit de la Constitution (qui transcende tous les citoyens qui doivent obéir au Magistrat Suprême, caporaux et généraux compris). En attendant, qu’il respecte sa promesse et tourne définitivement le dos à la Dictature et les démocrates sincères se feront forts de constituer un bouclier sanitaire (et de sécurité) autour de sa personne et de l’Institution qu’il représente.