dimanche 24 juillet 2011

Marche du collectif Touche pas à ma nationalité : dégradations à l’ambassade de Mauritanie à Paris.

Ce sont plus de 470 personnes qui ont défilé du Parvis des droits de l’homme à l’ambassade de Mauritanie à Paris, rue de Montevideo ce dimanche 24 juillet 2011 à l’appel d’un collectif d’organisations mauritaniennes qui appelait à dénoncer les conditions dans lesquelles se déroulait l’enrôlement des populations de Mauritanie. Dans la foule des manifestants, des femmes et des enfants de même qu’une présence massive de jeunes venus crier leur rejet du recensement qui se déroule en Mauritanie et qui, selon leurs propos, tend à leur dénier la nationalité mauritanienne. « Touche pas à ma nationalité », « arrêtez ce recensement » et même « Aziz dégage », tels sont les slogans qu’on pouvait entendre le long de la procession. Depuis leurs fenêtres, balcons et terrasses, des résidents du 16eme arrondissement de Paris venaient aux nouvelles. C’est que jamais une manifestation mauritanienne n’avait atteint une telle ampleur. Surpris par une telle vague, la Police parisienne est très vite débordée. Habituée à encadrer des manifestants dont le nombre ne dépasse guère la centaine, elle n’avait déployé qu’un petit dispositif pour suivre la manifestation. Arrivés à l’angle de la rue Montevideo, et contrairement aux habitudes et au trajet arrêté, les manifestants s’engagent dans la rue en direction de l’Ambassade. Le portail de l’Ambassade menace de céder sous les assauts répétés de certains manifestants incontrôlés et décidés à en découvre. La dizaine de policiers sur place essaie de s’interposer sans succès et demande des renforts. La plaque de l’Ambassade est arrachée. Les organisateurs de la marche tentent de s’opposer sans plus de résultats. A 16h40, une sirène retentit. Les renforts arrivent avec tout l’attirail anti émeutes. Des gradés de la police parisienne sont également dépêchés sur place. Il faut plus d’une heure de pourparlers pour obtenir un calme relatif. Les organisateurs lisent une déclaration et demandent à la foule de se disperser dans le calme. Quelques manifestants brandissent comme reliques des morceaux de la plaque de l’Ambassade. Des jeunes promettent une radicalisation du mouvement et préviennent : « nous ne nous laisserons plus faire ».

La veille, le même collectif avait organisé une conférence à la Bourse du Travail de Paris qui avait réuni près de 200 personnes.

Abdoulaye Diagana

Images à suivre

Humeur : Recensement, Ya Mouritane ya watani

Vendredi dernier je me suis rendu à un concert organisé par des artistes mauritaniens de France pour rendre hommage à Dimi Mint Abba. Accompagnés à la guitare par Moussa Watt, un rescapé de l’orchestre national de Mauritanie, ces derniers nous ont fait passer des moments émouvants en reprenant une partie du répertoire de Dimi Mint Abba et de l’orchestre national.

Au moment où la Mauritanie revit des événements qui rappellent les heures les plus sombres de son histoire, je n’ai pu éviter d’être submergé par une vague d’émotions quand Heydi entonna le célèbre Ya Mouritane ya watani, avec une Sira Dramé magistrale dans l’exécution de la danse maure pour l’accompagner. L’art ne ment pas et ne souffre pas l’hypocrisie et la tricherie. Il fallait de la sincérité et du dévouement pour faire corps avec la chanson interprétée et réussir l’exploit de faire vibrer les cœurs d’un public pas forcément connaisseur. Qui disait que la musique est un langage universel ?

Ces chanteurs et ces musiciens avaient pour noms Gangué, Dramé, Ndiaye, Mbaye, Dem, Sibiri, Watt, Diakhaté, Dia, Sy…Je n’ai pu m’empêcher de faire le rapprochement avec le recensement qui, si l’on s’en tient aux nombreux témoignages qui nous parviennent de certaines personnes qui s’y sont essayées, est entrain de diviser les fils de ce pays en charriant les arrière-pensées et les idées les plus nauséabondes qui soient. Et ce, au moment où les artistes chantaient à l’unisson pour rendre hommage à une des leurs au delà des frontières.

En France, le pays où ils ont élu domicile, ils se rendront peut-être à l’ambassade de leur pays qui saisit l’occasion d’un recensement pour se transformer en annexe des services de la police française. Elle n’exige rien de moins que le titre de séjour en plus d’une pièce d’identité mauritanienne pour se faire recenser. En clair, l’ambassade ne recherche pas des mauritaniens à recenser mais ceux d’entre eux qui ne sont pas des sans-papiers au regard de la loi française. Pendant ce temps, de nombreux autres services français (université, hôpitaux…) acceptent justement des usagers qui n’ont pas de titre de séjour ; parce qu’eux ne confondent pas les registres. Les autorités mauritaniennes ont l’art de rendre la vie difficile aux citoyens. S’assurer de ne recenser que des mauritaniens résidents est une chose, se faire les supplétifs de la police française en est une autre. Un justificatif de domicile ou tout autre document justifiant les attaches du concerné avec la France aurait amplement suffit. Même lors du recensement pour l’élection présidentielle de 2009, dans un contexte très tendu, les autorités consulaires n’avaient pas commis un tel impair et avaient accepté de recenser sur la base de la présentation d’une simple pièce d’identité mauritanienne ! Assez bien en 2009, désastreux en 2011 ! Tel est le sens de notre marche vers le progrès ! Loin de la scène musicale.

En les voyant chanter et danser sur scène, on ne peut croire que ces artistes courent le risque de se voir dénier leur nationalité au motif qu’ils se nomment Sibiri, Dramé, Ndiaye, Dia, Gangué, Dem…

Et comme pour exorciser le mal et renvoyer le diable à ses chères études, ils ont crié de toutes leurs forces hayya Mouritane, hayya watani, ya mouritane, ya mouritane, ya mouritane ya watani. Cette conception de la Mauritanie et du mauritanien nous réconcilie avec notre pays et avec nos valeurs. A eux seuls, ces artistes-là rachèteraient le reste du troupeau. Ils font notre fierté et nous vengent de ces esprits étroits et chauvins qui s’amusent avec des allumettes, assis sur un baril de poudre, et qui font la honte du genre humain. Et ils se recrutent hélas dans les deux camps.

Abdoulaye Diagana