Mais une fois fait le constat amer des difficultés, il serait injuste de prétendre que le gouvernement sortant n’a rien fait et que les attentes déçues relèvent de la seule responsabilité du premier ministre sortant. Ce serait aussi excessif que de prétendre qu’il a fait ce qu’on pouvait raisonnablement attendre de lui. Mais, nous le savons, l’action politique est une mission d’une rare ingratitude.
Les responsabilités sont à classer en deux catégories : celles qui se sont imposées à lui et celles dont il est principal comptable.
Dans le premier groupe, il y a d’abord à souligner une conjoncture particulièrement défavorable marquée par une hausse généralisée des prix du pétrole et des denrées de première nécessité. Qui pourrait lui en imputer la responsabilité ? Le monde entier est touché et c’est la survie même de notre civilisation qui est menacée par un système livré à des spéculateurs sans scrupules. En revanche, à défaut d’avoir réussi à prévoir, ce qui se retenu c’est surtout la réponse apportée au problème.
En second lieu, le premier ministre sortant a pâtit d’un rapport politique qui ne lui était pas trop favorable. Comment donner cohérence et pertinence à un attelage constitué de ministres sur lesquels il n’avait que trop peu d’emprise ? Dès lors il n’a pu que subir les assauts qui pouvaient lui venir de nombreux détracteurs dont certains ne lui pardonnaient pas d’avoir voulu, et c’est à mettre à son actif, se passer d’acteurs s’étant signalés par des écarts impardonnables dans la gestion des affaires publiques dans un passé récent. De ce point de vue également le premier ministre sortant a été, à son corps défendant, la victime d’une certaine conjoncture peu favorable au renouveau. Mais, j’y reviendrai plus tard, il n’est pas sans reproches.
En outre, s’il faut se féliciter des efforts accomplis pour structurer l’administration au travers d’un organigramme opérationnel, on ne peut s’empêcher de regretter que l’on s’attachât à préparer le contenant en se souciant peu du contenu. Comme nous savons si bien le faire et comme nous le fîmes si souvent sous ces latitudes, le gouvernement mit en place l’outil mais ne trouva pas la bonne méthode pour le faire fonctionner. Trop d’accidents de la route ? Changeons donc les voitures !!! Et quoi donc ? On s’étonnerait ensuite que les accidents se poursuivent ? Pardi !
Mais peut-on en imputer la responsabilité au seul premier ministre ? Les choses sont moins simples que cela. Les mauritaniens « capables » d’implémenter et de s’assurer de la bonne exécution des mesures prises et disposés à servir dans la fonction publique ne sont peut être pas légion. Vous avez beau avoir les meilleurs outils et les meilleures idées si vous n’avez pas les ressources humaines pour s’en servir vous courrez à l’échec.
A l’opposé, il existe des points sur lesquels la responsabilité du Premier Ministre sortant est engagée. Il a été dit souvent que le premier ministre sortant ne disposait pas de suffisamment de liberté pour imposer sa vision à l’action gouvernementale. Admettons. Pourquoi a-t-il dès lors continué à servir de paravent à une action gouvernementale dont il n’était pas le principal animateur ? Mieux encore pourquoi a-t-il continué à accepter que les projets les plus significatifs, ceux dont le bénéficie politique était immédiatement perceptible, soient hébergés ailleurs que chez lui : Retour des réfugiés, Programme Spécial d’Intervention… ? Pourquoi n’a-t-il pas imposé ses réformes au risque de provoquer l’ire d’une partie des animateurs de la majorité qui, de toutes les façons, ne le portent pas dans leurs cœurs, plutôt que de vouloir manœuvrer pour durer ? Il aurait gagné la sympathie des mauritaniens qui compte plus que celle d’un groupe réduit d’apparatchiks qui ne l’ont ménagé à aucun moment et pour cause. L’incidence de ces coups de boutoir n’a été que plus amplifié par une incroyable faute stratégique de la part du Premier Ministre sortant : au lieu de s’entourer d’une équipe à même de répondre aux attaques et le protéger des intrigues, il s’est isolé en « abandonnant » à leur sort ceux qui pensaient pouvoir cheminer avec lui dans le cadre d’un projet politique sur le long terme. C’est une faute de débutant sans doute à mettre sur le compte de la jeunesse de sa carrière politique : guère plus de dix huit mois d’âge ! L’acteur politique, surtout quand il est leader, a besoin d’abord, pour la ceinture sanitaire, d’une équipe resserrée de penseurs puis d’une masse compacte de militants qui croient suffisamment en son étoile pour constituer autour de lui une ceinture de sécurité. Le plus grand défi qui se posera à lui aujourd’hui dans la perspective de la poursuite de se carrière politique, ce sera de remobiliser ses militants en leur donnant le sentiment qu’ils peuvent compter sur lui. Il pourra toujours, pour y parvenir, mettre en avant un « bilan » qui, à y regarder de plus près n’est pas si négatif qu’il n’y parait sur une année seulement d’exercice. Compte tenu de « la grandeur du dessein, de la petitesse des moyens » et du temps très limité dont il a disposé, nous pouvons lui savoir gré d’avoir lancé le programme Aftout Essaheli pour sécuriser l’approvisionnement en eau des populations de Nouakchott, le projet de ligne ferroviaire Nouakchott-Boffal et, ce qu’on peut mettre sur son compte personnel, d’avoir engagé la réforme de l’administration.
Pour le reste, nos hommes politiques, le Magistrat Suprême et le nouveau Premier Ministre en premier, doivent garder en mémoire que la démocratie, pour gagner en légitimité, doit se traduire par l’amélioration des conditions de vie du citoyen. L’urne est un symbole. En y jetant son bulletin de vote, le citoyen électeur y met un espoir et délègue à l’élu la mission d’améliorer son sort. On comprendra alors facilement que l’espoir tardant à se concrétiser, pire, le sort se dégradant, l’encenseur zélé d’hier se transforme en détracteur inconsolable et se jette dans les bras des extrémistes et des marchands d’illusions de toutes étoffes. Le printemps est une douce et belle saison qui voit les arbres reverdir et fleurir. C’est le symbole du renouveau et de l’espoir. A l’automne, les arbres perdent leurs feuillages. Les feuilles mortes se ramassent alors à la pelle ; « les souvenirs et les regrets aussi ; et les vents du nord les emportent dans les nuits froides de l’oubli ».
DIAGANA Abdoulaye
FRANCE