jeudi 3 juillet 2008

Sidi se dédit : les dessous de l'affaire.

Qu'est-ce qui a bien pu se passer dans la tête du Président mauritanien pour que moins de 24 heures après un discours musclé dans lequel il semblait reprendre l'initiative en menaçant de dissoudre l'Assemblée Nationale il en vienne à accepter la démission du gouvernement décrié de Yahya Ould Ahmed Waghf?
Le bras de fer semblait pourtant bien engagé et rien ne laissait présager un tel dénouement. Risquons une hypothèse. Dès la fin de son discours du 2 juillet 2008, les frondeurs mettent au point une nouvelle stratégie: puisque le Président décide de jouir de toutes les prérogatives que lui confère la constitution (entendez dissolution de l'Assemblée Nationale), les sénateurs vont également se prévaloir des leurs. Ils décident donc de constituer une commission chargée d'enquêter sur les activités de la Fondation de l'épouse du Président de la République Khattou mint Boukhari. Des documents existeraient qui compromettraient sinon le Président du moins son épouse qui aurait bénéficié des largesses de l'État sous le couvert des activités de sa fondation éponyme. Et comme le Président ne peut dissoudre le SENAT, le piège se referme sur lui.
Poursuivons. Parallèlement, des avocats sont sur le point de statuer sur une accusation en parjure contre le Président de la République qui, après avoir juré de défendre la constitution et la séparation des pouvoirs a cru bon de tenter de faire avorter la motion introduite par des députés. Du coup, la motion de censure passe au second plan eu égard à une épine d'une autre nature. La démission du gouvernement serait-elle un gage donné pour éviter que les sénateurs s'acquittent d'une des missions que leur ont confiées les mauritaniens? Et dans le dos des mauritaniens?
Si nous voyons juste (après tout pourquoi pas?) les jeux sont loin d'être faits et la crise se prolongera. De toutes les façons, le Président sort très affaibli de ce bras de fer en ce sens qu'il aura cédé aux pressions des frondeurs. Il lui faudra beaucoup de savoir-faire pour récupérer autorité et crédibilité; et longue sera la fin du mandat. Quatre ans encore à tirer!!! Ces événements ont quand même du bon: ils permettent aux mauritaniens de s'exercer à l'utilisation des mécanismes du jeu démocratique. Ce sera ça de pris.

DIAGANA Abdoulaye.
FRANCE.

Protéger le Président de la République, malgré tout…

Quelque légitime et justifiée que puisse être la demande faite au Président de la République de respecter ses engagements électoraux au non de la crédibilité du processus démocratique et du personnel politique, il y a une ligne rouge à ne franchir sous aucun prétexte : la remise en cause du mandat et de la légitimité du Président de la République. Le Président Sidi Ould Cheikh Abdallahi est élu et bien élu pour cinq ans. Si pour la consolidation de notre démocratie il peut être salutaire de maintenir la pression sur le Président de la République pour qu’il respecte ses engagements électoraux, les démocrates sincères doivent se garder de jouer aux apprentis sorciers en se servant d’une légitime contestation du retour au passé pour servir des desseins moins avouables. Notre démocratie est balbutiante et hésitante. De son côté si le Président est à ce point soucieux de la préservation des acquis, il se doit de tirer les enseignements de toute cette situation provoquée par un choix surprenant et inopportun. Il n’y aura pas beaucoup de voix pour lui reprocher de reconsidérer une décision qui n’est conforme ni aux promesses qu’il avait faites, ni aux désirs d’une majorité écrasante de mauritaniens qui ont salué la chute de la Dictature et qui ont désavoué certains de ses symboles les plus significatifs. Il serait regrettable que le Président de la République s’obstine dans ce choix au risque de voir notre démocratie vaciller. Ces hommes se confondent trop avec le régime qui vient de tomber pour incarner véritablement le changement promis. Si sa majorité lui est aussi encombrante comme certaines bonnes âmes l’avancent, qu’il ait le courage de provoquer de nouvelles élections -sans craindre la conjoncture difficile et la détermination de l’opposition- en invitant les mauritaniens à arbitrer en lui donnant une majorité claire, composée d’hommes qu’il aura choisi en fonction de leur proximité avec l’image et l’ambition qu’il nourrit pour la Mauritanie. Sa position est probablement rendue inconfortable par une majorité hétéroclite d’élus qu’il a trouvés devant lui et qui ont été « élus » dans des conditions qui ne pouvaient que lui rendre la tâche rude. Faut-il rappeler que la constitution que nous nous sommes choisie est présidentielle dans sa nature et non parlementaire ? Le calendrier électoral doit par conséquent être inversé pour que les députés soient élus dans la foulée de la présidentielle. Il sera dès lors plus facile au Président de la République de demander à ses électeurs de lui donner la majorité requise avec les hommes qui adhèrent à son discours et à son programme (à respecter !) pour gouverner les mains libres. Il lui sera loisible de choisir ceux qu’il estimera les mieux à même de représenter l’image qu’il se donne de lui-même et de la Mauritanie de ses projets. Ensuite, que les institutions fonctionnent normalement, sans interférence, dans le respect de l’esprit de la Constitution (qui transcende tous les citoyens qui doivent obéir au Magistrat Suprême, caporaux et généraux compris). En attendant, qu’il respecte sa promesse et tourne définitivement le dos à la Dictature et les démocrates sincères se feront forts de constituer un bouclier sanitaire (et de sécurité) autour de sa personne et de l’Institution qu’il représente.