samedi 4 avril 2009

AHMED OULD DADDAH, COMME L'OISEAU DE MINERVE?

Dans la mythologie de la Grèce antique, un oiseau (une chouette !) perché sur l’épaule de la déesse Minerve (de la sagesse) prenait son envol seulement la nuit tombée. C’est ainsi que tout ce qui se rapporte à la sagesse est associé à l’oiseau de Minerve, arrivant sans précipitation, à point nommé, quand tout s’apaise. Au lendemain du désastreux coup d’Etat militaire qui mit brutalement fin à l’expérience démocratique en Mauritanie, de nombreuses voix se sont étonnées de la prise de position du chef de file de l’opposition que l’a junte à sitôt intronisé « soutien numéro » du coup d’Etat (ils diront plus exactement « rectification »). Les démocrates sincères ont alors estimé qu’il y avait-là au moins une faute grossière d’appréciation de la part d’un homme qui a si longtemps incarné la lutte intransigeante contre la dictature ou en tout pour la démocratie. L’article « l’heure d’Ahmed Ould Daddah » a souligné l’intérêt que trouveraient la Démocratie et Ahmed Ould Daddah à s’inspirer de l’exemple de Boris Eltsine volant au secours de son ennemi intime Michael Gorbatchev au lendemain du coup d’Etat dont celui-ci fut victime dans les dernières heures de l’empire soviétique. Ceux qui ont opté pour le système démocratique et le mode de dévolution pacifique du pouvoir par le seul suffrage universel direct peuvent se réjouir et se frotter les mains : le chef de file de l’opposition statutaire, leader historique de la lutte pour l’émergence de la démocratie, vient d’exaucer leurs vœux en rejoignant son camp naturel, celui de la lutte contre un coup d’Etat militaire perpétré contre un régime démocratiquement élu par le citoyen mauritanien.

Et vogue la rumeur
Grand perdant –mauvais perdant- le club des officiers putschistes qui voit s’envoler son plus grand atout, sa plus importante caution populaire, alimente la machine à rumeurs. L’industrie des potins connaissant une croissance et une vigueur à toute épreuve, les spéculations vont bon train quant aux réelles motivations du leader politique. Les ingénieurs en chef de la production industrielle de rumeurs soutiennent qu’il serait mû par la seule ambition de conquérir le pouvoir ! C’est la vocation première de tout parti politique et on ne peut le lui reprocher tant que les principes fondamentaux et les valeurs de la République sont observés. Ils ajoutent qu’il ne partagerait pas grand-chose avec le camp antiputsch ! Si : la reconquête de la démocratie et ça ne pèse pas peu. Ils terminent par l’argument selon lequel il trahirait dès qu’il en aurait l’occasion ! Nul n’es dupe ici : il ne s’agit pas d’un contrat à vie. Une fois le coup d’Etat mis en échec que chacun suive sa voie en tentant de gagner la confiance de l’électeur dans une saine compétition. Le fleuve déborde de son lit et les populations se désolent. Il le rejoint et elles se réjouissent en prenant leurs dispositions pour ne plus se faire surprendre par un nouveau débordement. Et c’est ainsi que coule l’eau sous les ponts.

Comme l’oiseau de Minerve
Ahmed Ould Daddah rejoint donc le camp des démocrates. L’oiseau de Minerve prend son vol tard. Il annonce le crépuscule non de ceux qui se dressent contre l’acte insensé mais bien de ceux qui ont pensé pouvoir impunément prendre des libertés avec les règles qui régissent la vie de la Société et qui, malgré plusieurs mois de brimades n’arrivent pas à imposer leur trahison (une première dans l’histoire d’une Mauritanie pourtant habituée aux coups d’Etats militaires). Il trouvera devant lui de vieux compagnons de route tels Messaoud Ould Boulkheir qui tient tête depuis les premières heures, Mohamed Ould Maouloud, Jemil Ould Mansour, Bâ Mamadou Alassane…et bien d’autres encore. Cette nouvelle prise de position arrive à point nommé : le pays est de plus en plus isolé et court à la catastrophe, le front antiputsch durcit le ton devant une junte désemparée qui accumule les fautes et s’isole de plus en plus. Le doute et la peur sont entrain de changer de camp. La violence aveugle dont fait montre la junte est un signe qui ne trompe pas. C’est parce que les choses sont entrain de lui échapper qu’elle emploie le seul langage qu’elle maîtrise vraiment : celui des canons face à une masse désarmée.

Abdoulaye DIAGANA
France
WWW.souslatente.blogspot.com
abdouldiagana@yahoo.fr