Le général Mohamed Ould Abdel Aziz vient de se donner en spectacle à Kaédi d’une de ces façons dont lui seul a le secret. Au prétexte de solder la douloureuse question des violations massives des droits de l’homme perpétrées sous le règne du Colonel Ould Taya qui lui a tout donné en contrepartie de bons et loyaux services, le général putschiste se lance dans un discours grandiloquent ou la fausse émotion le dispute à l’hypocrisie à peine feinte.
Le général putschiste fait croire à son monde qu’il fait dans l’innovation alors qu’il enfonce une porte largement ouverte : il ne fait que répéter ce qu’a déjà fait dans des circonstances moins intéressées le Président élu Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi dans son discours du 29 juin 2007. Celui-ci, fort de la légitimité que lui confère le suffrage universel a reconnu la responsabilité de l’Etat, demandé pardon avant d’engager le processus de retour des réfugiés et d’indemnisation des victimes des atrocités commises par le régime que le général a protégé toute sa carrière avant de poignarder celui qui l’a enfanté. Le Général ould Abdel Aziz n’a lui aucune légitimité pour engager la responsabilité de l’Etat et demander pardon en son nom. Qui l’a investi de cette mission ? Qui lui en a donné mandat ?
A bien des égards, l’attitude du général est malsaine, malheureuse et maladroite.
Malsaine parce qu’elle se sert de la douleur des victimes pour assouvir des desseins électoralistes. La coïncidence avec son agenda politique est frappante. En langage très simple c’est du populisme de bas étage. Le témoignage vaut ce qu’il vaut. Il y a quelques années, un ancien ambassadeur -qui occupe de très hautes fonctions dans l’actuelle administration- me confiait qu’il avait demandé au dictateur Ould Taya lors d’une de ses visites pré électorales dans la vallée de demander pardon pour les événements de 1989-1991. Le colonel lui aurait répondu que s’il le faisait dans ces circonstances il donnerait l’impression de chercher à marchander les voix de la vallée. Vrai ou faux ; sincère ou non la raison avancée n’est pas sans fondement.
Malheureuse parce qu’elle accroît la défiance du citoyen vis-à-vis du politique et sa répugnance de tout acte posé par les gouvernants (encore qu’il est très difficile de ranger le général dans la catégorie des politiques même s’il se donne beaucoup de peine à le devenir depuis qu’il s’est créé un bataillon de députés à sa solde qu’il a su actionner quand il l’a voulu).
Maladroite parce qu’elle fait mine d’ignorer les complaintes de plus en plus fortes qui épinglent certaines personnalités très haut placées aux côtés du général à l’Assemblée Nationale et au HCE (suivez mon regard). Il eût été sincère qu’il eut ordonné à l’armée -qu’il contrôle depuis plusieurs années- de restituer les dépouilles des victimes avant de demander à ses proches mis en cause d’aller s’expliquer devant les tribunaux, lui qui se veut intraitable justicier.
Enfin, si on doutait de la sincérité de l’acte que tentait de poser le généralissime, il suffirait de lire le dernier paragraphe de son allocution pour lever l’équivoque : évoquer les problèmes d’électricité et d’assainissement posés par l’édile de la ville hôte après avoir joué sur l’émotion de populations vivant depuis vingt années dans le souvenir douloureux des massacres des années de braise s’apparente à s’y méprendre à une instrumentalisation sentimentale. C’est d’une affligeante maladresse. Du Shakespeare le talent en moins.
Abdoulaye DIAGANA
France
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