dimanche 22 février 2009

Lecture du communiqué du Groupe de Contact : qui instrumentalise la Mauritanie ?

Le camp de la junte au pouvoir aurait tort d’exulter juste parce que des sanctions ne sont pas tombées au sortir de la réunion du 20 février au siège de l'Organisation Internationale de la Francophonie. Je me dois de rappeler ce qui suit:
1: l'objet de la réunion du Groupe de Contact n'était absolument pas de statuer sur la prise de sanctions contre la junte au pouvoir. Donc seuls ceux qui ne savent pas de quoi ils parlent attendaient des sanctions ce jour.
2. Le Groupe de contac n'a pas vocation à imposer des sanctions aux organisations qui le composent et qui ont leurs propres mécanismes de prise de décision. L'Union Africaine a été mandatée pour conduire les consultations puis de proposer des solutions aux partenaires bi et multilatéraux. Je rappelle qu'à ce titre elle vient de transmettre au conseil de sécurité de l'ONU ses recommandations.
3. L'Union Européenne a décidé de mettre un terme aux consultations avec la junte pour insuffisance de résultats et s'apprête à adopter des sanctions contre les principaux animateurs du putsch militaire en Mauritanie (important: il n’a été question que de sanctions contre les seuls animateurs, civils et militaires, de la conspiration contre les institutions de la République). Le processus peut prendre quelques semaines.
4. Le Président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi a déjà accepté le principe de l’organisation de nouvelles élections une fois le putsch mis en échec et ce, pour préserver les intérêts du pays. L’essentiel se situe ici : faire échouer le putsch et tout le reste est envisageable.

Quant au communiqué du 20 février 09 proprement dit, il appelle les observations suivantes :
-Au paragraphe 2 de la déclaration il est mentionné que les participants «ont souligné l’importance du communiqué du Conseil de Paix et de Sécurité du 5 février 2009 décidant des sanctions individuelles et ciblées contre toutes les personnes, aussi bien civiles que militaires, dont les activités ont pour objet de maintenir le statu quo anticonstitutionnel en Mauritanie [et] ont réitéré la volonté de leurs organisations de prendre les mesures appropriées en fonction de leurs procédures respectives». Que faut-il entendre par là ? Comme rappelé plus haut le Groupe de contact n’a pas pour mission d’imposer des prises de sanctions aux parties qui le composent. Il aide à l’appréciation d’une situation au vu des éléments à sa disposition. Il appartient à chaque organisation d’apprécier l’opportunité d’adopter des mesures en fonction de ses mécanismes propres, c’est-à-dire en temps opportuns et selon la forme qu’elle juge appropriée. En ce sens, l’OIF a déjà décidé de suspendre la Mauritanie tout comme l’Union Africaine a arrêté le principe des sanctions individuelles contre la junte et ses soutiens civils et a notifié sa décision au conseil de sécurité des Nations Unies. L’Union Européenne a pour sa part décidé de clore les consultations avec les autorités putschistes et d’envisager la suite «dans le cadre de l’article 96 de l’accord de Cotonou et des étapes à venir » en application dudit accord. Or ce que prévoit l’article 96 des accords de Cotonou ce sont « Les "mesures appropriées" [qui] au sens du présent article, sont des mesures arrêtées en conformité avec le droit international et proportionnelles à la violation». Donc « la suite » qu’envisage l’Union Européenne après la clôture des consultations et le constat de l’absence de règlement de la profonde crise peut se deviner aisément pour toute personne qui a le nez entre la bouche et les yeux.
-Ce que dit également le communiqué du 20 février 2009 c’est que la proposition de sortie de crise du Président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi prévoit, comme les autres, « l’organisation d’élections anticipées sous certaines conditions ». Il y a donc unanimité (y compris donc de la part du président élu) au sujet de l’opportunité d’écourter le mandat actuel ; ce point n’est plus sujet de discussions. Quant aux conditions dont il est question il s’agit avant tout de la mise en échec du coup d’Etat, de la mise en place d’un gouvernement d’union nationale de transition chargé d’organiser lesdites élections dans des conditions de transparence et de neutralité non sujettes à contestation.
-Par ailleurs, si le communiqué se félicite de l’existence de plusieurs propositions favorisant un rapprochement et un dialogue inclusif, il rappelle la nécessité d’inclure celui-ci dans le cadre fixé par le communiqué du 21 novembre 2008 qui, faut-il le rappeler, donnait pour indispensable l’implication de Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi « en sa qualité de Président à la recherche d’une solution, la participation de toutes les parties prenantes et le plein respect de la Constitution ». On ne saurait être plus clair. Sans le rétablissement de Sidi Ould Cheikh Abdallahi dans sa qualité de Président, le coup d’Etat est entériné et il n’y a point de sortie de crise. Une fois qu’aura été fait échec au coup d’Etat sera alors envisageable « l’élection présidentielle [qui] doit être libre, juste et transparente, et organisée par des institutions crédibles, sous l’égide d’un gouvernement neutre. », toutes conditions que contient le plan de sortie de crise du président élu Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi. Autrement, comme le rappelle sans ambiguïté le communiqué du 20 févr.-09 «toute démarche unilatérale serait contreproductive et inacceptable ».
En un mot comme en mille, nous sommes devant le cas de figure suivant : un président démocratiquement élu accepte, au terme d’une crise politique profonde, de renoncer à son mandat pour organiser des élections anticipées. En face, un général qui s’est emparé du pouvoir cherche à organiser une élection qu’il contrôle de bout en bout et à laquelle il compte participer pour demeurer au pouvoir-, exactement comme son bienfaiteur le colonel Ould Taya- au mépris des appels incessants à la raison. Sept mois après le coup d’Etat militaire la junte n’arrive toujours pas à s’imposer aussi bien au peuple mauritanien qu’à la communauté internationale. Elle en est réduite à envoyer des émissaires qui n’éprouvent aucune gêne à faire le pied de grue pour quémander quelques minutes d’entretien pour se faire éconduire comme des malpropres par des vigiles ! Objectivement, si la question vaut encore d’être posée, qui s’accroche au pouvoir au point de prendre en otage tout un pays ? Qui est entrain de sombrer corps, biens et âme en tentant d’entraîner dans sa perte la Mauritanie et ses intérêts ?

DIAGANA Abdoulaye