mardi 25 août 2009

Allah a donné. Allah a repris. Béni soit le nom d’Allah !


-->
Dans le malheur qui nous a frappés cette semaine, nous avons eu des témoignages d’amitié qui nous ont réconfortés et aidés à atténuer la peine. Que tous trouvent à travers ces quelques lignes notre profonde gratitude.
**
« Et fais la bonne annonce aux endurants, qui disent, quand un malheur les atteint : « certes nous sommes à Allah, et c’est à lui que nous retournerons » Coran 2 :155, 156.
Bien cher ami,
Voilà partis les derniers visiteurs. Plaie vive, torrent de larmes, cœur dévasté dans la cruelle solitude. J’ai le temps de penser pour essayer de comprendre et encaisser le coup. Allah a donné, Allah a repris. Béni soit le nom d’Allah. On ne devrait pas avoir de projet du tout. On devrait juste agir, faire ce qu’on pense devoir faire et défaire les pièges de l’instantanéité qui nous confine à la procrastination. Depuis au moins cinq ans je prie pour que ce jour ne me trouve pas loin de toi (je le répétais à un ami il y a seulement deux semaines). Il me fallait venir vivre aux moins deux semaines à Kaédi pour percer auprès de toi certains mystères. Exemple : comment peut-on en milieu urbain tenir à vivre avec des animaux au point de ne plus avoir à répondre à ceux que cette compagnie improbable importunait que : « celui qui n’aime pas mes vaches je n’ai rien à lui dire » ou encore : « celui qui n’aime pas les animaux n’a tout simplement pas de cœur » ? Deux anecdotes me mettent sur une piste. Il me faut revenir au début de la décennie 80’. Un de tes veaux se faisait attaquer par un chacal qui lui arrachait un morceau de viande à vif (ainsi vivent les chacals). Alerté, tu rapatriais la victime à la maison, à l’Elevage. Toute la maisonnée fut mobilisée des jours durant au chevet de la pauvre victime. Un jour que tu lui administrais des soins, je t’entendis dire « fais ce que doit, advienne que pourra ». Du haut de mes huit ans, je t’en demandais la signification. Tu te contentas de m’expliquer le sens du proverbe, me laissant deviner que les jours du patient étaient désormais comptés. Allah a donné, Allah a repris. Béni soit le nom d’Allah.
La seconde anecdote vint quelques mois après. Un très joli bélier blanc que tu élevais à la maison et que tu appelais affectueusement par le nom d’un homme politique mauritanien pour qui tu avais le plus grand respect, vint à faire un violent malaise qui nous traumatisa tous. Tu mis toute la bonne volonté que nous te connaissions à le sauver. Au bout de quelques longues minutes je t’entendis, la voix enrouée et les yeux embués, demander à mon jeune frère d’aller appeler quelqu’un. Toi le vétérinaire, appeler au secours au sujet d’un mouton agonisant ? La chose devait être bien mal engagée pour le pauvre bélier ! Tu prenais un couteau et tournais autour. Tu n’eus jamais le courage de lui trancher la gorge. Voici : nous ne mangeâmes de cette viande ce jour-là que parce que quelqu’un d’autre était venu faire la seule chose qu’il y avait à faire à cet instant précis. Tu avais faibli et manqué de courage. Elégante lâcheté ! Que disais-tu déjà ? Celui qui n’aime pas les animaux n’a pas de cœur et doit compléter sa foi en Allah. Allah a donné, Allah a repris. Béni soit le nom d’Allah.
Second mystère que je désirais percer : comment faisais-tu pour discuter (qu’est-ce que tu étais prolixe !) le matin après le petit déjeuner de l’islam en faisant l’exégèse de certains passages, revenant sur le sabab nouzoul, parlant de Figh ou de Sira et enchaîner le soir pendant et juste après le diner sur Mahmoud Kati, Sainte-Beuve, le Romantisme, les Parnassiens, Corneille, Fanon, Sophocle, Descartes, Al Hajaj, Ibn Sina, Theucidide ou Epicure ? Comment pouvais-tu discuter avec autant de simplicité et d’ouverture d’esprit, sans aucune censure ni tabou avec tes enfants comme s’il s’agissait de tes camarades de classe (nous avons gardé ensemble moutons et vaches mais cela suffit-il comme explication ?) pour n’interrompre le débat que pour aller diriger la prière dans une moquée de la Jedida ? Quel était ton secret pour attirer tous ces jeunes qui discutent et rigolent avec toi comme dans une cour de récréation ? Allah a donné, Allah a repris. Béni soit le nom d’Allah.
La dernière fois que je t’ai vu, il y a deux ans, nous avons beaucoup échangé au sujet de la Sourate Luqman. « Ô mon enfant, accomplis la Salat, commande le convenable, interdis le blâmable et endure ce qui t’arrive avec patience. Telle est la résolution à prendre dans toute circonstance » (Coran 31 :17). Tu prêchais et vivais la simplicité et l’humilité mais à un point ! (en même temps si tu n’exécrais pas au plus haut point le matériel, nous n’aurions jamais profité de ces jolis boubous, caftans, montres et parfums que tu renvoyais au fond de l’armoire et qui faisaient notre bonheur). Luqman enseignant à son fils : « Et ne détourne pas ton visage des hommes et ne foule pas la terre avec arrogance : car Allah n’aime pas le présomptueux plein de gloriole. Sois modeste dans ta démarche et baisse ta voix, car la plus détestée des voix c’est bien la voix des ânes » (Coran 31 : 18, 19).
Le voisin est sacré au point que fut posée la question de son droit à l’héritage. Recherche son pardon ne serait-ce que par l’odeur de ta cuisine : t’es-tu renseigné pour savoir s’il a de quoi diner ? L’objet sur lequel on trébuche (un caillou, une branche, une boite de conserve vide…) doit être ramassé et mis hors d’état de nuire. C’est une différence de taille entre l’humain et l’animal. Ne jamais, jamais, jamais porter la main sur une femme. Jamais. « Mon père ne battait pas les femmes, je ne le fais pas et je vous demande de ne pas le faire. » L’ami ! Toutes ces discussions me manqueront certainement. Après ça, on ne porte plus le même regard sur la vie.
A quoi as-tu pensé en dernier ? A tes élèves de l’école coranique ? Au séminaire de formation des imams que tu préparais dans la ferveur ? Aux travaux de réhabilitation de la mosquée ? A ta rencontre avec ton Seigneur (qu’Il soit satisfait de toi)?
« Nul ne sait ce qu’il acquerra demain et nul ne sait dans quelle terre il mourra » (Coran 31 :34). Tu es parti au moment où on s’y attendait le moins, après avoir accomplis ta prière. On ne s’y attendait pas parce qu’à même pas soixante-dix ans on pensait pouvoir profiter encore de toi quelques années d’autant que nous ne te connaissions pas de maladie grave. Mais la dessus nous n’avions aucune garantie ni promesse d’Allah. « Ô âme apaisée ! Retourne vers ton Seigneur, satisfaite, agréée ; entre donc parmi Mes serviteurs, et entre dans Mon Paradis » (Coran 90 :27, 28, 29, 30). Allah a donné, Allah a repris. Béni soit le nom d’Allah.
Pour ne pas ennuyer le lecteur, je n’ai parlé que de l’ami que tu as surtout été avant tout pour nous. Quant au père, il me faudra un éditeur.
Abdoulaye Diagana

dimanche 9 août 2009

Puisqu’il faut enfin se mettre au travail !


Puisqu’il faut sauver ce qui reste des institutions et que la rue n’arbitrera de toutes les façons pas le second tour, puisque les chances de voir le nouveau président de la république accéder à la demande de l’opposition sont proches de zéro (et c’est dommage), puisque tant d’éléments se déchainent et se liguent contre le volontarisme (réel ou supposé) de notre élite politique, la carte la plus probable reste celle de « la politique de ses moyens » qui confine à ce « réalisme » qui, en d’autres circonstances, ouvre la porte à tous les possibles et à tous les écarts. A moins de proclamer comme il y a quarante ans sous les barricades « soyons réalistes, demandons l’impossible ! », l’heure devra être au travail. Quelle que soit l’amertume de ceux qui ont pensé que le vainqueur de l’élection n’est pas celui qui était attendu ou encore que les conditions de ladite élection n’étaient pas idéales, il y a une réalité dont il faut s’accommoder et au plus vite : il y a bien une vie (politique) en dehors de la Présidence de la République (et de la rue publique). Quand Demba Sadio, Doubale Less et les grands lutteurs qui ont fait le bonheur des férus de ce noble sport se préparaient au combat, c’était toute une mécanique qui se mettait en branle. Traditionnalistes, griots, marabouts, féticheurs, musiciens, chanteurs, aficionados…tous étaient de la partie pour que la fête soit belle. Ne descendaient dans le dingiral (bera en soninké : arène) que les champions. Au nom de cette organisation du travail et de la nécessaire répartition des taches, tout le monde doit être au poste pour enfin qu’on s’attaque aux immenses travaux en souffrance.
L’opposition peut se renforcer et jouer ce rôle de vigie alertant les citoyens sur les implications des politiques initiées par la majorité. Elle doit tirer les enseignements de ses échecs (somme toute relatifs) et se demander si le jeu démocratique doit se limiter à la participation aux élections. L’encadrement des militants, l’instruction civique et politique en vue de faire comprendre le sens du vote et le rôle du citoyen dans la cité, l’implication de l’électeur dans le jeu politique en lui donnant comme contrepartie le pouvoir de contrôler l’action publique (on peut commencer par le local à travers les municipalités par exemple) et en rendant systématique le compte-rendu de mandat, l’écoute des populations et la prise en compte de leurs craintes, de leurs interrogations, de leurs doutes et aspirations…ce sont-là autant de pistes de réflexion pour se prémunir de certains travers et déconvenues (achats de conscience, nomadisme…) ou tout au moins, en limiter les méfaits.
La majorité doit donner acte de ce que l’opposition a reconnu (plus exactement « a pris acte »), sur le plan juridique, les résultats proclamés par le Conseil Constitutionnel. Mais la majorité doit aussi intégrer le fait que cette même opposition tient pour entière la crise politique que l’élection présidentielle était supposée définitivement résorber. En conséquence, le reconnu « juridiquement » vainqueur (plus prosaïquement, le Président de la République) doit clore la phase de la campagne et gouverner dans l’apaisement, c’est-à-dire loin de l’état d’esprit qui a animé le processus de conquête du pouvoir. A moins de vouloir ramener le pays à une situation caractérisée par le monolithisme politique et la chasse aux sorcières de l’opposition, la majorité doit éviter de faire payer leur choix à ses adversaires politiques en les livrant à la vindicte et en se barricadant derrière l’ostracisme et la stigmatisation.
Que « ceux qui ne savent pas faire autre chose qu’écrire et penser» -nul n’est parfait- (avec leurs limites et leurs modestes moyens), enrichissent le débat en s’inspirant de l’agriculteur qui a les pieds dans la boue tout en scrutant l’horizon pour en déchiffrer les moindres signaux. Parce qu’avant de réclamer la démocratie et l’ETAT moderne (westphalien), il nous faut aussi nous entendre sur le contenu que nous leur donnons. Faire l’économie du débat sur ces fondamentaux ouvre la voie aux malentendus.
La Société Civile (par la défense des opinions des plus vulnérables), les opérateurs économiques (en ne faisant pas du profit le point d’où tout doit partir et où tout doit revenir) tous en se faisant citoyens s’acquittant de nos devoirs tout en ne réclamant que ce qui nous est dû, les agents au service de l’Etat en se mettant au service de tous et non de leurs seuls ambitions et intérêts, les forces de défense et de sécurité en se consacrant (enfin) à la mission qui est la leur et en abandonnant la politique aux politiques au moment où notre pays inaugure les attentats-kamikazes (l’horreur a-t-elle élu domicile chez nous ?) nous avons tous un rôle primordial à jouer afin que la chose publique soit réhabilitée et que la communauté de destin nous conduise à donner toutes ses chances à ce projet que nous nourrissons pour notre Mauritanie : un pays qui protège tous ses fils et qui subvient aux besoins de chacun dans la mesure du possible sans discrimination aucune et qui inspire le respect sur la scène internationale.

Abdoulaye DIAGANA
www.kassataya.com
www.souslatente.blogspot.com

dimanche 2 août 2009

Élection présidentielle, la rue n’arbitrera pas le deuxième tour.


Note : Aux esprits simples, aux simples d’esprits avides de vérités simples : vous n’êtes pas obligés de chercher en vain à décrypter des textes d’analyse politique. Vous pouvez aller faire autre chose si vous saviez ! Cette plume est celle d’un homme libre, qui n’est ni soumis aux chapelles ni prompt à céder à l’embrigadement. Si manger à tous les râteliers m’intéressait, je serais devenu obèse depuis très longtemps.

***

Le FNDD et le RFD (et selon toute vraisemblance, le candidat Ely Ould Mohamed Vall) vont donc poursuivre leur alliance pour faire la lumière sur le scrutin du 18 juillet 2009 dont le déroulement souffre d’un fort soupçon de fraude. S’ils avaient fait le choix inverse, ainsi que nous l’écrivions hier, ils n’auraient pas perdu la face. Maintenant qu’ils se disent prêts à accepter les résultats à la condition qu’une enquête indépendante dissipe les doutes, nul ne peut raisonnablement leur en tenir rigueur. Au justiciable qui réclame justice on ne peut opposer l’accusation de l’extrémisme en même temps qu’on se montre indulgent avec l’auteur présumé du délit. Cette opposition-là n’a pas choisi la facilité. Elle adopte cette posture au moment même où l’essentiel des partenaires de la Mauritanie se sont empressés de féliciter le déclaré vainqueur dès le résultat proclamé par « les sages » du Conseil Constitutionnel. Elle sait qu’elle joue gros : il lui faut mobiliser l’opinion nationale pour un combat décisif dont l’issue et la longueur seront fonction du rapport des forces en présence. Pas gagné. Le fer a refroidi.

Pour le candidat Mohamed Ould Abdel Aziz qui a enfourché sa rossinante pour lutter contre la gabegie et la prévarication (pour les esprits malins qui ne l’ont pas compris quand j’utilisais l’expression « chevalier blanc », je n’ai rien contre la satire et le second degré) il y a là une belle occasion de joindre le geste à la parole : il se doit, lui le premier, au nom de ce combat dont il se veut le champion (encore une fois c’est lui qui le prétend, mais là ce n’est plus de l’analyse, ça devient une explication de texte), exiger que soit levée toute suspicion sur les conditions de son élection. Parce que voler une élection n’est pas moins grave que voler le budget d’un projet ou d’un service, nous avons besoin de savoir s’il a lui-même franchi les étapes sans malversation…électorale. Il lui sera très difficile d’être crédible quand il n’a pu se montrer rigoureux et juste en refusant de s’appliquer ce qu’il veut appliquer à autrui. Pour un mauvais départ c’en est un. Mais entre nous, vu le calme de la « rue », il est très peu probable qu’il accède à cette demande.

Quant à la Mauritanie, elle retient son souffle et pense sans doute à ce qu’elle a pu gagner en troquant une élection saluée par tous il y a juste deux ans pour une largement contestée par les plus représentatives des forces d’opposition. Pour mettre tout le monde d’accord et éviter à un pays exsangue les affres de la contestation et de l’instabilité politiques, qu’on ouvre donc cette enquête pour que tout le monde puisse passer sereinement à autre chose. Il n’y a rien de telles que la rumeur et la suspicion pour jeter le discrédit sur nos institutions qu’il faut préserver et renforcer. Après tout, à quoi s’expose le pays en accédant à la demande des plaignants ? A pas grand-chose en vérité. Première hypothèse, les accusations ne sont pas étayées par des preuves formelles et irréfutables. Le déclaré vainqueur gagne en légitimité et les déclarés vaincus le félicitent comme ils semblent y être disposés et tout le monde le juge à l’œuvre et à l’ouvrage. Deuxième hypothèse, les accusations étaient fondées. Peut-on imaginer l’invalidation du scrutin et l’organisation de nouvelles élections ? Ou aura-t-on tout au plus un Gouvernement d’Union Nationale comme au Kenya ou au Zimbabwe? Au regard de l’importance de l’enjeu, il est plus que nécessaire de dissiper cet épais brouillard en accédant à la demande des plaignants, d’autant qu’en face on dit ne rien à se reprocher. Faut-il rappeler que les raisons invoquées, entre autres, pour justifier le coup d’Etat du 6 août étaient que le président Sidi Ould Cheikh Abdallahi faisait obstruction et refusait l’ouverture d’une enquête sur le financement de la fondation de son épouse ? Et les accusateurs refuseraient l’ouverture d’une enquête sur un scrutin majeur ? Quand on vous dit qu’il y a une ironie dont seule l’histoire détient le secret !

Salut

Abdoulaye DIAGANA

www.kassataya.com

www.souslatente.blogspot.com