lundi 16 mars 2009

J’AI MAL A MA DEMOCRATIE

Nous avons mal à notre démocratie. Nous essayons de la vivre en jouissant des avantages qu’elle pourrait nous procurer sans nécessairement consentir les sacrifices qui s’y rattachent. La rose sans les épines en somme. Vous libérez un homme de ses chaînes, vous lui offrez les vastes étendues verdoyantes, l’océan et son large, le désert et son silence propice à la méditation et à la sagesse. Rien n’y fait : il vous revient toujours vous demandant les nouvelles consignes.
La démocratie est toujours et partout histoire de marchandages :
Je vote pour tel candidat et en contrepartie je satisfais une amie
Je vote pour tel autre et en contrepartie j’attends qu’il construise un pont.
Je vote pour tel candidat et en contrepartie il reconstruit l’Etat.
Je vote pour lui en contrepartie de l’argent qu’il m’a donné ou du logement qu’il va m’affecter, ou des impôts qu’il va baisser ou encore du poste qu’il va me donner, à moi ou à ma sœur ou à mon père. Il en est ainsi dans tous les pays qui peuvent prétendre jouir de la démocratie.
On entend souvent fredonner comme le refrain d’un disque rayé « le grand problème, la catastrophe » du soutien que certains militaires ont apporté à certains candidats dont Sidi Ould Cheikh Abdallahi. Les mêmes disent que les militaires n’ont cependant pas obligé quelqu’un à voter pour Sidi Ould Cheikh Abdallahi (faut quand même pas abuser !), reconnaissant sans le réaliser, que les mauritaniens ont donc voté librement. Pourquoi peut-on accepter de voter pour faire plaisir au mari de ma tante et ne pas admettre que d’autres puissent voter pour les mêmes raisons ou des raisons voisines ?
Il y a un minimum syndical, un pré requis sans lequel on ne peut parler de démocratie : il faut que tous puissent voter sans contrainte, librement dans le secret de l’isoloir et qu’on ne sorte de l’urne que le résultat de ce que les électeurs ont librement exprimé. Le problème ici n’est pas de dire aux gens « ne vendez pas vos voix » mais bien de pouvoir leur dire « dans l’isoloir vous êtres libres de voter pour qui vous voulez ».
Dans toutes les démocraties du monde il y a des groupes qui essaient d’influencer le vote (lobbyistes, groupes de pression…) dans un sens ou dans l’autre en distribuant des cadeaux ou en faisant des promesses en tous genres. Il y a là un vrai problème de démocratie : les électeurs votent pour le plus offrant. Mais on ne peut en aucun cas dire que les groupes de pression ont confisqué la démocratie en contraignant un électeur de voter pour un candidat. Ils ont fait une offre pour répondre à une demande. Le marché est librement proposé et librement contracté. Naturellement, on arrive à un autre niveau où un travail plus profond et sur un plus long terme doit être engagé : qu’est-ce qui doit présider au choix d’un candidat ? Pourquoi voter pour celui-ci plutôt que pour celui-là ? Qu’est-ce que le sens d’un vote ?
Nous sommes dans des pays structurellement installés dans la spirale de l’instabilité et en proie à une lutte acharnée pour la survie. Dès lors comment être surpris qu’un électeur n’accorde que peu d’intérêt aux paroles lénifiantes d’un candidat promettant de renforcer les institutions de l’Etat, de recréer un appareil en déconfiture alors que le concurrent propose des sonnantes et trébuchantes qui auront une incidence immédiate et concrète là où l’Etat est perçu d’abord comme l’ennemi, l’entité impersonnelle et abstraite ? Moins que le corrupteur, le vrai problème c’est le corrompu. Lui seul peut exprimer son dégoût et son refus de marchander sa liberté. C’est ça le fond du problème ! Car une fois cet obstacle franchi on n’aura plus à se soucier de l’argent généreusement distribué ou des consignes de vote données par les chefs de tribus ou de confréries. Dans ce contexte vouloir accuser un candidat d’avoir distribué de l’argent ou d’avoir demandé à l’amie de sa nièce de voter pour lui c’est lui faire un procès en sorcellerie.
Abdoulaye DIAGANA
France