Puisqu’il faut sauver ce qui reste des institutions et que la rue n’arbitrera de toutes les façons pas le second tour, puisque les chances de voir le nouveau président de la république accéder à la demande de l’opposition sont proches de zéro (et c’est dommage), puisque tant d’éléments se déchainent et se liguent contre le volontarisme (réel ou supposé) de notre élite politique, la carte la plus probable reste celle de « la politique de ses moyens » qui confine à ce « réalisme » qui, en d’autres circonstances, ouvre la porte à tous les possibles et à tous les écarts. A moins de proclamer comme il y a quarante ans sous les barricades « soyons réalistes, demandons l’impossible ! », l’heure devra être au travail. Quelle que soit l’amertume de ceux qui ont pensé que le vainqueur de l’élection n’est pas celui qui était attendu ou encore que les conditions de ladite élection n’étaient pas idéales, il y a une réalité dont il faut s’accommoder et au plus vite : il y a bien une vie (politique) en dehors de la Présidence de la République (et de la rue publique). Quand Demba Sadio, Doubale Less et les grands lutteurs qui ont fait le bonheur des férus de ce noble sport se préparaient au combat, c’était toute une mécanique qui se mettait en branle. Traditionnalistes, griots, marabouts, féticheurs, musiciens, chanteurs, aficionados…tous étaient de la partie pour que la fête soit belle. Ne descendaient dans le dingiral (bera en soninké : arène) que les champions. Au nom de cette organisation du travail et de la nécessaire répartition des taches, tout le monde doit être au poste pour enfin qu’on s’attaque aux immenses travaux en souffrance.
L’opposition peut se renforcer et jouer ce rôle de vigie alertant les citoyens sur les implications des politiques initiées par la majorité. Elle doit tirer les enseignements de ses échecs (somme toute relatifs) et se demander si le jeu démocratique doit se limiter à la participation aux élections. L’encadrement des militants, l’instruction civique et politique en vue de faire comprendre le sens du vote et le rôle du citoyen dans la cité, l’implication de l’électeur dans le jeu politique en lui donnant comme contrepartie le pouvoir de contrôler l’action publique (on peut commencer par le local à travers les municipalités par exemple) et en rendant systématique le compte-rendu de mandat, l’écoute des populations et la prise en compte de leurs craintes, de leurs interrogations, de leurs doutes et aspirations…ce sont-là autant de pistes de réflexion pour se prémunir de certains travers et déconvenues (achats de conscience, nomadisme…) ou tout au moins, en limiter les méfaits.
La majorité doit donner acte de ce que l’opposition a reconnu (plus exactement « a pris acte »), sur le plan juridique, les résultats proclamés par le Conseil Constitutionnel. Mais la majorité doit aussi intégrer le fait que cette même opposition tient pour entière la crise politique que l’élection présidentielle était supposée définitivement résorber. En conséquence, le reconnu « juridiquement » vainqueur (plus prosaïquement, le Président de la République) doit clore la phase de la campagne et gouverner dans l’apaisement, c’est-à-dire loin de l’état d’esprit qui a animé le processus de conquête du pouvoir. A moins de vouloir ramener le pays à une situation caractérisée par le monolithisme politique et la chasse aux sorcières de l’opposition, la majorité doit éviter de faire payer leur choix à ses adversaires politiques en les livrant à la vindicte et en se barricadant derrière l’ostracisme et la stigmatisation.
Que « ceux qui ne savent pas faire autre chose qu’écrire et penser» -nul n’est parfait- (avec leurs limites et leurs modestes moyens), enrichissent le débat en s’inspirant de l’agriculteur qui a les pieds dans la boue tout en scrutant l’horizon pour en déchiffrer les moindres signaux. Parce qu’avant de réclamer la démocratie et l’ETAT moderne (westphalien), il nous faut aussi nous entendre sur le contenu que nous leur donnons. Faire l’économie du débat sur ces fondamentaux ouvre la voie aux malentendus.
La Société Civile (par la défense des opinions des plus vulnérables), les opérateurs économiques (en ne faisant pas du profit le point d’où tout doit partir et où tout doit revenir) tous en se faisant citoyens s’acquittant de nos devoirs tout en ne réclamant que ce qui nous est dû, les agents au service de l’Etat en se mettant au service de tous et non de leurs seuls ambitions et intérêts, les forces de défense et de sécurité en se consacrant (enfin) à la mission qui est la leur et en abandonnant la politique aux politiques au moment où notre pays inaugure les attentats-kamikazes (l’horreur a-t-elle élu domicile chez nous ?) nous avons tous un rôle primordial à jouer afin que la chose publique soit réhabilitée et que la communauté de destin nous conduise à donner toutes ses chances à ce projet que nous nourrissons pour notre Mauritanie : un pays qui protège tous ses fils et qui subvient aux besoins de chacun dans la mesure du possible sans discrimination aucune et qui inspire le respect sur la scène internationale.
Abdoulaye DIAGANA
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