lundi 28 juillet 2008

Allende et Pinochet/Gorbatchev et Eltsine/Sidi, Ahmed et les autres.

Nous nous sommes couchés ce 19 avril 2007 avec le sentiment d’avoir enfin accédé au club des pays pouvant se vanter de choisir librement des représentants assumant la lourde charge de veiller sur leurs intérêts. Disposer d’institutions républicaines fonctionnant en toute indépendance dans le cadre fixé par la constitution était un idéal largement à notre portée. Las. Nous assistons passivement à une entreprise de démantèlement des acquis démocratiques sans même que nous puissions esquisser la moindre résistance ni la moindre désapprobation. Jouir du pouvoir -consacré par la constitution- de choisir librement nos dirigeants n’aura pas suffit à faire de nous des citoyens libérés des contingences de la peur. Nous peinons à admettre que le temps où « l’élite » ou le prince dictait le candidat pour lequel il faut voter -parce que recueillant sa bénédiction- doit être révolu, mort et définitivement enterré. Les enjeux du bras de fer qui plonge le pays dans l’immobilisme et l’incertitude vont largement, très largement au-delà de la personne de Sidi Ould Cheikh Abdallahi. Ces étincelles sont le prélude d’un conflit autrement plus décisif, plus grave : de ces convulsions naîtront les contours de la démocratie mauritanienne avec deux variantes :
-Des institutions fonctionnant dans le cadre des règles établies par la constitution votée par la majorité des mauritaniens ;
-Une démocratie sous la tutelle de l’armée.
Les politiciens amateurs d’aventures, de sensations fortes ou simples alchimistes auraient tort de se féliciter de l’affaiblissement de la démocratie et de l’institution présidentielle en cherchant à en tirer quelque profit. Ils n’en jouiront pas longtemps. Car, en vérité, il s’agira d’un très grave précédent dont notre démocratie ne se relèvera pas. Si les institutions et la démocratie venaient à capituler cette fois, qu’est-ce éviterait plus tard de faire de l’événement une jurisprudence ? Au-delà de la personne et du sort de Sidi Ould Cheikh Abdallahi (qui ne comptent pas plus que leurs poids) c’est le sort de l’institution présidentielle qui est en jeu. Devant la reddition d’un président qui n’arrive pas à emporter l’adhésion populaire faute de se pencher sérieusement et efficacement sur l’amélioration des conditions de vie et de se rapprocher du peuple, celui-ci s’est aplati et compte les points. Ce qui reste des troupes, les républicains et les démocrates ont quitté le navire. De vedettes africaines nous sommes sur le point de passer pour la risée du continent parce que nous avons déserté notre idéal, incapables que nous avons été de préserver et de consolider une démocratie à transmettre aux générations futures. Nous suivons impavides les événements et attendons le dénouement comme si nous avions décidé de nous suicider joyeusement. Sidi Ould Cheikh Abdallahi n’a pas su parler au peuple pour lui rendre compte des difficultés qu’il éprouve à protéger la constitution et le mandat qui lui a été confié. Comment ne pas penser à Salvador Allende, impitoyablement acculé par l’armée chilienne, disant à la foule venue l’acclamer et lui témoigner soutien et fidélité : « Je tiendrai mes engagements comme un président qui connaît la dignité de la charge que lui a remise le peuple après des élections libres et démocratiques » ? Notre président a lui littéralement dilapidé le capital confiance et sympathie que le peuple avait placé en lui. Qu’il se pose juste une question : s’il venait à quitter le pouvoir, qui se sentirait orphelin ? Autrement dit, de qui le président est-il le protecteur au point de s’attendre à un retour sur investissement ? Allende n’a pas conservé son pouvoir on le sait car il s’est suicidé au moment où les chars lançaient l’assaut sur la Moneda, le siège de la présidence chilienne ; mais il est resté dans l’histoire pour avoir offert sa vie pour la démocratie, les pauvres, les travailleurs. «Je ne reculerai pas d’un pas… Je ne quitterai la Moneda que lorsque j’aurai accompli la tâche que le peuple m’a donnée. Je n’ai pas d’autre choix. C’est seulement en me criblant de balles que l’on pourra m’interdire de mettre en œuvre le programme du peuple » avait-il averti . Symbole d’une révolution socialiste réussissant le tour de force de s’imposer par la voie des urnes, l’homme était l’incarnation de l’utopie d’une vie plus libre et plus juste, en ce sens qu’il se préoccupait avant tout (i) de l’égalité et (ii) de la condition des travailleurs et des pauvres avec pour slogan du pain, un toit, un travail et plus d’égalité sociale. Mais comme tout héros, il avait devant lui des obstacles infranchissables parmi lesquels l’hostilité de la bourgeoisie militaro-industrielle, incarnée par Augusto Pinochet et agrippée à des privilèges dont elle n’entendait pas se laisser délester sans livrer combat. Même dans ce chaos propice où la trahison se faisait religion, des hommes ont gardé la tête haute en refusant d’entériner le complot. L’histoire se souviendra du Général Alfredo Bachelet (père de Michelle Bachelet actuelle présidente du Chili) et du Général René Schneider sacrifié par les félons pour avoir inspiré une doctrine qui voulait que l’armée s’assignat comme mission de veiller à ce que les institutions du pays fonctionnent régulièrement, avec un pouvoir politique respectueux de la légalité constitutionnelle, tout en s’interdisant strictement toute manipulation tendant à renverser le vote populaire, action qu’il assimilait à un acte de haute trahison (de quoi inspirer notre armée.) Le peuple qui se sentait en confiance et se savait représenté pouvait suivre son président. Parce que « quand un peuple est conscient des buts à atteindre, il fait des sacrifices » et le président avait d’incontestables atouts de son côté : la morale, la rectitude, la probité. A l’inverse, dans l’entourage du président mauritanien, il y a des hommes dont la rectitude souffre au moins de suspicions (faisons dans l’euphémisme) et il tarde à faire la lumière sur le fonctionnement de la fondation de son épouse. C’est assez pour que de nombreux compatriotes soucieux de préserver les acquis démocratiques s’abstiennent de lui prêter main forte dans ces conditions. Il ne viendra à l’esprit d’aucun humain de demander au président mauritanien une sortie à l’image du chilien, mais il pourrait au moins tenter de sauver ce que le peuple lui a confié : le pouvoir de protéger la République et ses institutions. Pinochet finira comme un fugitif cloué au pilori avec à ses trousses les juges du monde entier, l’ignominie et l’opprobre. Allende finira au panthéon des justes avec des monuments, des statues et des rues à sa gloire. On a le sens de l’Histoire ou on ne l’a pas. C’est ainsi.
En Mauritanie, dans le naufrage collectif, l’opposition ne s’en tire pas mieux. Son leader, Ahmed Ould Daddah, se berce d’illusions s’il croit pouvoir tirer profit de l’effondrement de l’édifice démocratique en recherchant en priorité le soutien des militaires. « La vie est impitoyable avec les rêveurs ». Ils le mettront aussi sous tutelle si jamais il parvenait au pouvoir juché sur le capot de leur jeep. Devant tant de menaces et d’incertitudes, il lui eut été plus honorable et élégant de défendre la démocratie et l’institution présidentielle au nom d’un idéal qui va au-delà de la personne de Sidi Ould Cheikh Abdallahi et des calculs politiciens ajustés aux agendas des uns des autres : l’intérêt inaliénable de la Mauritanie éternelle. Parce qu’il ne peut y avoir de compromis sur des principes. Des cités et des empires mieux structurés et plus puissants que notre Mauritanie se sont effondrés sans laisser de traces. Rome a commencé son déclin quand les romains se mirent à bafouer les règles qui régissaient la vie de la Cité. Qu’il médite donc l’exemple de Gorbatchev et de Eltsine, ennemis jurés s’il en était. Le premier s’accrochait avec l’énergie du désespoir à un empire décadent que le second s’employait à achever avec la dernière énergie. Pourtant, quand le 19 août 1991 des putschistes s’emparent du pouvoir c’est Boris Eltsine qui se hisse sur un char pour appeler à une résistance qui devait mettre un terme à la rébellion contre les institutions. Il entra alors dans l’Histoire par la grande porte comme le symbole qui se dressa devant les usurpateurs en treillis militaires, oubliant un instant ses divergences avec Gorbatchev. Il finira par se faire élire président de la Fédération de Russie. On a le sens de l’Etat ou on ne l’a pas. C’est ainsi.

mardi 22 juillet 2008

Fondation KB et autres dilapidations de biens publics : l’heure de vérité.

Puisque tant de voix se sont liguées contre l’espoir, le devoir intime à ceux qui détiennent une once d’influence sur le cours de l’histoire –le destin devrais-je dire- l’ordre de voler au secours de ce qui reste de la République et de la Démocratie.
Deux mois durant la vie de tout un pays s’est arrêtée, suspendue à une fronde redoutable menée par une coalition déterminée à laquelle aucune arme n’aura fait défaut, de la menace de dissolution du parlement au recours à l’armée en passant par une commission d’enquête sur le Sénat. Mais ce qui a surtout traîné l’honneur du président de république dans la boue et qui l’a incontestablement secoué c’est la grave suspicion jetée sur la Fondation de la première dame. La constitution d’un gouvernement de compromis entre les protagonistes ne suffit à dissiper le malaise et l’esprit bien constitué ne pourra comprendre que les poursuites s’éteignent comme elles sont nées car trop grands sont les enjeux.
D’abord le devoir d’informer les citoyens sur la façon dont leurs affaires sont administrées. La gouvernance s’accommode très mal de l’opacité. Le président de la république en a facilité la tâche en annonçant qu’il serait très heureux que la lumière se fasse sur les comptes d’une fondation qui n’aurait reçu aucun centime d’argent public.
Ensuite, le président lui-même en ce sens qu’il a besoin de se défaire de l’emprise d’une rumeur dont il sera l’otage tant que la vérité ne se sera pas manifestée. C’est sa souveraineté, son indépendance et sa liberté qu’il joue. Comment entend-il présider librement s’il reste à la merci d’un chantage qui risque fort bien de lui être resservi à la moindre tentative d’émancipation ? La meilleure façon de priver un maître chanteur de son argument c’est d’ouvrir vos comptes et rendre public le secret par lequel il pensait vous tenir. Sidi en a besoin pour pouvoir jouir des égards dus à son statut, à ses fonctions et à sa personne.
Enfin, les élus frondeurs. Ils se sont égosillés des semaines durant, essayant de nous vendre l’argument de la mise en péril des intérêts du pays. Ils ne peuvent s’arrêter en si bon chemin.
Toutefois, les comptes ne seront justes que si l’exercice était appliqué à tous les secteurs, toutes les entreprises, toutes les entités dont la gestion a suscité au moins quelques interrogations. Il serait injuste de n’incriminer qu’une Fondation née il y a à peine une année alors que des braqueurs notoires hantent nos rues, les couloirs et les bureaux de la haute administration. Des scandales ont émaillé la vie de notre pays et la lumière gagnerait à se faire. Et si c’est bien pour la Fondation KB, ça doit certainement l’être pour la SOMELEC, la BCM, le CSA, la SMCPP, l’armée nationale y compris quand certains de ses officiers supérieurs se livraient à des actes de barbarie à Inal, Jreida, Azlatt, Sori malé…avant d’aller se réfugier sous le toit de l’assemblée nationale pour y mener une fronde demandant justement plus de lumière (le comble !).
Il faudra également que nous connaissions enfin la vérité sur cette affaire de la drogue dont plus personne n’entend parler comme par miracle ; que nous fassions la lumière sur les connexions avec certains milieux hauts placés et les complicités sans lesquelles les trafiquants n’auraient certainement pas pu agir avec autant de facilité.
La Mauritanie est quand même un pays extraordinaire : on trouve des fautes mais jamais de fautifs, coupables, condamnés ; pas plus qu’on n’ouvre de procès. On prononce des discours où l’on reconnaît courageusement que des mauritaniens ont été victimes de la barbarie et injustement déportés, on va même les chercher mais on ne cherche pas à savoir qui sont les responsables de leur odyssée infernale ? Comment ils ont opéré ? Pourquoi ? On avance que les biens publics ont été dilapidés mais personne n’est sanctionné, fut-ce symboliquement.
Il n’est pas question de choisir un camp si ce n’est celui de la manifestation de la vérité. Nous sommes trop jaloux de notre indépendance pour nous soumettre aux automatismes de la logique partisane. Nous avons besoin de savoir si toute cette agitation est fondée ou s’il s’agit juste de poudre –cocaïne ou non- aux yeux. Un citoyen ça ne sert pas qu’à voter pour rendre crédible un scrutin à vendre à la consommation internationale. Il a besoin aussi de savoir où veulent le conduire ceux à qui il a confié le soin de représenter ses intérêts et ceux qui se sont proclamés, sans demander son avis, garants de ses droits. C’est donc l’heure de vérité, pour le président, son épouse mais aussi pour les frondeurs qui peuvent donner l’exemple à travers la responsabilité qui est celle de certains de leurs compagnons -et non des moindres- dans la gestion des affaires publiques pendant la dictature. Mehr licht, disait Goethe ; plus de lumière donc.

samedi 19 juillet 2008

LES FIGURES DE LA DICTATURE : QU’ON LES BLANCHISSE OU QU’ON LES BANISSE !

LES FIGURES DE LA DICTATURE : QU’ON LES BLANCHISSE OU QU’ON LES BANNISSE !

Est-il seulement raisonnable que des hommes politiques soient interdits de charges publiques alors même que leur culpabilité n’a jamais été formellement établie ? Autrement est-il acceptable de jeter l’anathème sur des acteurs politiques sur la seule base de la suspicion et de la rumeur ? Des esprits avides de vérités simples et qui ne souffrent pas les complexités de la nuance ont vite fait de penser que c’est faire dans la provocation que de poser de telles questions parce que hay gooto soussa wiidé Jaanga ko reedu (en pular, nul n’ose dire que mlle Jaanga est enceinte). Il leur faut des positions simples, tranchées, Contre ou Pour et réclamer des têtes tout de suite, sans autre forme de procès. C’eut été une posture confortable, très peu coûteuse et politiquement rentable parce que populaire, populiste. Or, nous avons beau dresser la liste des méfaits du régime de Ould Taya, rappeler que des abus, des crimes ont été commis (et pas seulement politiques ou humanitaires. Massacrer cruellement des noirs et en déporter d’autres du seul fait de la couleur de leur peau n’a pas été le seul crime de ce régime), des biens dilapidés, affirmer avec forces détails que des individus ont profité d’avantages indus, que des entreprises publiques ont été littéralement vandalisées, que des projets ont été cannibalisés…il n’en demeure pas moins que nul n’a à ce jour été convaincu du moindre crime, du moindre délit. Tout se passe comme si on se suffisait de diluer les fautes dans une espèce de responsabilité collective : les indélicatesses (excusez la délicatesse du propos !) sont le fait du système, de certains qui ont servi sous le régime déchu, il n’y a pas d’individus à poursuivre, il n’y a pas de noms. Non ! C’est très court ! Trop facile ! La responsabilité est individuelle, nominale et on ne peut se contenter de tout mettre sur le compte du « système », impersonnel et abstrait et faire passer le tout par pertes et profits. On ne peut non plus condamner sur la base de présomptions, de rumeurs, de conjectures… sans jamais avoir attaqué le fond du sujet. Et quoi donc ?! Suffirait-il que, pour mettre hors-jeu un adversaire, on s’érige à la fois en juge et procureur pour décréter que la rumeur l’accuse d’une faute dont il aura à se blanchir avant de prétendre à quelque responsabilité ? On inverserait alors la charge de la preuve ? Et ce serait le triomphe de la présomption de … culpabilité ? Les juridictions populaires et expéditives? Les tribunaux d’exception qui suivraient les réquisitions de la clameur pour livrer à la vindicte populaire et ordonner le lynchage? Trop peu pour moi. On ne va pas combattre un abus en lui substituant un autre.
Le processus démocratique en Mauritanie depuis la transition d’août 2003 souffre d’un défaut de fabrication, une espèce de péché originel : plutôt que de vider l’abcès en regardant notre passé « le blanc de l’œil dans le blanc de l’œil » on a préféré faire comme l’autruche et à la mauritanienne : Maslaha ! (Arrangement à l’amiable), Mahou mouhime ! (Ce n’est pas important) ...On construisit alors une belle bâtisse sur du sable. Pourquoi s’étonner dès lors qu’aux premières pluies et aux premiers vents l’édifice s’effondre ? « On », bien sûr, comprend les pilotes de la transition et leurs partenaires de la scène politique nationale. C’est ainsi qu’on lâcha la proie pour l’ombre (le soninké que je suis sait depuis la tendre enfance que makha an kittoudou niekhé nwara do an taadu niékhé nwa : il ne faut jamais lâcher le poisson que l’on tient dans la main pour celui que l’on a sous les pieds, en français Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras) : on se contenta de ce que le CMJD donnait sans exiger le plus, auquel on pouvait légitiment prétendre, comme si « un mauvais arrangement valait mieux qu’un bon procès » (« on » cette fois-ci c’est nous tous, les amoureux de la Mauritanie, ses « bienfaiteurs », ses acteurs politiques surtout de l’ancienne opposition…). « On » s’est laissé distraire par l’illusion d’une démocratie libre et transparente et le rêve enivrant de cueillir… un pouvoir mûr et à portée de main. « On » a été à ce point assommé par vingt et une années de dictature, de privations et de brimades qu’ « on » était gagné par l’apathie générale et disposé à se livrer pieds et poings liés au tout-venant. Mais la sagesse wolof ne nous enseigne-t-elle pas que lou bey rotteu kou ko yaakar do mandime sow ? (Quiconque fonde ses espoirs sur ce qu’on peut traire de la chèvre ne s’enivrera point de lait, en français, avec de petites ambitions on a des résultats modestes).
Il faut maintenant reprendre ses esprits et remettre les choses à l’endroit. S’il y a des individus qui doivent répondre de fautes que le pays a incontestablement connues, qu’ils en répondent une bonne fois pour toutes, au nom de la Société. Coupables, ils expieront leurs fautes, symboliquement ou non, et prétendront (ou non) aux rôles que la Société voudra bien (ou non) mettre à leur portée. Innocents, qu’ils soient blanchis. Si, bien sûr, l’objectif est une république dont les institutions fonctionnent normalement dans une démocratie apaisée. Voilà pour le principe du droit positif.
Quant à l’aspect politique, l’Histoire a déjà rendu son verdict en vomissant des individus qui se sont compromis avec le régime le plus nocif, le plus honni de la vie de notre pays, celui-là même qui nous a valu tant de peines, de larmes et de sang ; et les acteurs politiques responsables devraient s’abstenir de leur tendre la planche de salut (même si le degré d’implication n’est pas le même pour tous, il doit certainement y en avoir qui ont suivi le bourreau de bonne foi, en croyant servir le pays en faisant abstraction, par naïveté, de la conjoncture politique générale). Ils ne peuvent désormais prétendre à la rémission qu’en (i) reconnaissant leurs responsabilités, (ii) en abjurant leur passé trouble et leur répugnant compagnonnage avec le dictateur banni et (iii) en demandant solennellement le pardon. Là sera peut être le prix du salut et de la rédemption. Qu’ils ne s’avisent surtout pas, ensuite, de nous demander d’oublier. Ce sera largement au dessus de nos forces.
Salut.

Abdoulaye DIAGANA
France.

www.souslatente.blogspot.com

abdouldiagana@yahoo.fr

mardi 15 juillet 2008

NEPOTISME ET AUTORITARISME A LA PRESIDENCE : EXPERIENCES A MEDITER.

L’intérêt que nous trouvons aux événements du passé c’est qu’ils donnent l’échelle et inspirent des enseignements qui peuvent mettre les vivants à l’abri de certaines déconvenues. Pour s’en convaincre, nous vous invitons à revisiter des événements déstabilisateurs vécus dans certains pays de notre continent –et d’ailleurs- qui ont pourtant connu une certaine pratique de la démocratie telle que nous l’avons héritée de la Grèce antique après un détour par l’occident judéo-chrétien. Ces événements nous inspirent deux enseignements :

Le premier est que l’ingérence de la famille dans l’arène politique est généralement source de désordres. La gestion patrimoniale des deniers publiques a été la « vertu cardinale » de nombreux responsables politiques au point que certaines pratiques sont reconnues comme propres aux républiques bananières quand bien même elles auraient cours sous d’autres latitudes. Dans une série d’entretiens accordés à Philippe SAINTENY dans le cadre de l’émission Livre d’Or (RFI septembre, octobre 2003), le Secrétaire Général de l’OIF, l’ancien président sénégalais Abdou DIOUF confiait avoir imposé à ses enfants de ne pas se mêler de politique. On ne peut dire qu’il manqua de bon sens. Ceux qui ont ignoré cette espèce de maxime se sont retrouvés dans des situations inextricables, au point de compromettre sérieusement leur carrière politique. En avril 1974, le coup d’Etat qui renversa Hamani DIORI au Niger (pays que connaît bien l’actuel président mauritanien) se solda par la mort de son épouse feue Aissé Hamani Diori. Malgré les actions concrètes que lui reconnaissent les nigériens, celle-ci s’était attirée les critiques de nombreux concitoyens à cause de son implication dans les affaires. « Son mari l’écoutait, et j’ai considéré qu’elle avait sur lui une bonne influence jusqu’au moment où elle s’est lancée dans les affaires. Elle a commencé par faire construire une belle maison qu’elle a louée aux Américains. L’ambassade des Etats-Unis, y voyant un intérêt politique, n’a pas regardé à la dépense. De fil en aiguille, Mme DIORI s’est laissé entraîner dans des opérations douteuses, elle s’est fait octroyer des terres parmi les plus fertiles pour ses cultures maraîchères, etc. La réputation qu’elle s’est acquise n’a peut-être pas été étrangère au fait que le coup d’Etat de 1974 lui a coûté la vie »[1]. Jacques BAULIN, conseiller et défenseur devant l’Eternel du président DIORI reconnaissait qu’« Elle [Mme DIORI] construisait beaucoup, beaucoup trop, à Niamey. Cela faisait jaser. Les Nigériens comme les Européens, à commencer par les ambassadeurs de France et d’Allemagne. À tel point que nous trouvant à Niamey en même temps, Gilbert Comte et moi, après avoir comparé nos informations, étions arrivés à la conclusion qu’il fallait attirer l’attention du Président sur ce problème. Mais pour une mission aussi délicate, aucun d’entre nous n’était prêt à se porter volontaire.

Dans l’après-midi de ce même jour, au cours d’une discussion avec le Président, il me parle des problèmes d’urbanisme que lui pose l’extension de la capitale, la densification immobilière... Je saute sur l’occasion pour lui dire : « À ce propos, Monsieur le Président, vous savez qu’en ville… on parle beaucoup des nombreuses villas de la Présidente... » Sa réponse ? « Baulin ! Allez lui dire ! Je lui ai fait la même remarque hier soir. » Pour une fois prudent, je me suis bien gardé de suivre ses instructions. À ce jour, je ne connais pas le nombre exact de villas construites par feue Mme Aissa Diori. »[2]. L’affaire, on le sait, finira dans le sang avec la mort tragique de Mme DIORI.

Au Bénin, l’arrivée de Nicéphore SOGLO avait suscité beaucoup d’espoirs. Mais les béninois durent déchanter rapidement quand le président civil, démocratiquement élu s’est cru obligé de noyauter l’Etat en plaçant sa parentèle à tous les niveaux : le fils aîné, Léhady était chargé de mission à la Présidence de la République tandis que son jeune frère avait en charge la communication de l’Etat du Bénin. Le beau-frère du président, Désiré VIEYRA était ministre d’Etat et véritable patron du gouvernement même s’il ne portait pas le titre de premier ministre. Saturnin SOGLO, frère du président était ambassadeur en poste à Bonn et Christophe SOGLO cousin du président était responsable de la sécurité présidentielle. Last but not least, l’épouse du président, « la première dame du Bénin » Rosine SOGLO, était à la fois députée et présidente du parti Renaissance du Bénin vers lequel les fonctionnaires carriéristes courraient les mouches vers le pot de confiture. L’affaire ne finira pas dans le sang, mais les béninois perdront leurs illusions au point de remettre le pouvoir à Mathieu KEREKOU, naguère traité de dictateur. Si ces exemples ne suffisaient, méditons ceux de Ferdinand Marcos et de SUHARTO despotes dont les familles respectives organisaient la corruption à l’échelle industrielle et qui finirent tous chassés par la rue. C’est le Nec plus ultra de la patrimonialisation au sommet de l’Etat. Ils resteront dans l’histoire. Pour ça aussi ; ou surtout.

Le deuxième enseignement est qu’il ne suffit pas de jouir de l’onction du peuple et de la légitimité du suffrage universel pour faire un bon président. Nombreux sont ceux qui ont accédé au pouvoir par la voie des urnes, perçus alors comme des sauveurs et qui sont partis à la sauvette, comme des voleurs pour n’avoir pas su trouver un bon équilibre entre fermeté et souplesse.

D’abord Pascal LISSOUBA du Congo. Arrivé au pouvoir par la voie des urnes en 1992 cet universitaire, s’est révélé un piètre président qui, non content de ses choix économiques désastreux (contrat pétrolier léonin avec l’américain OXY) va plonger son pays dans une très meurtrière guerre civile. On se souvient tous des milices « cocoyes » qu’il avait dressées contre les « Cobras » de son prédécesseur Denis Sassou NGUESSO, le tout avec l’arbitrage des Ninjas de Bernard COLELAS. Il quittera le pouvoir chassé par des « Cobras » venimeux appuyés par les angolais.

Il y eut ensuite, Ange Félix PATASSE de la Centrafrique, arrivé lui aussi par la voie des urnes. Plutôt que de discuter avec ses adversaires politiques, il préféra les arguments de la force en allant chercher « son fils » Jean Pierre Bemba de la République Démocratique du Congo -il est aujourd’hui arrêté à la demande du tribunal pénal international qui le suspecte de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre, pour viols, tortures et pillages commis en République centrafricaine en 2002 et 2003. Chassé du pouvoir par le Général BOZIZE alors qu’il participait à un sommet au Niger, il erra plusieurs jours à la recherche d’un refuge qui lui fut accordé pour quelques heures au Cameroun. Aux hommes venus lui demander de se préparer à chercher refuge ailleurs dans les quarante huit heures il aurait eu cet éclair de génie : « Ce qui m'est arrivé peut arriver à d'autres ; votre président en a-t-il conscience ? » Ils auraient pu lui répondre « Que n’y avez-vous pensé plus tôt ».

Il y eut enfin Mahamane Ousmane (décidément ce Niger que Sidi ould Cheikh Abdallahi connaît si bien… !) porté au pouvoir en mars 1993 par une coalition de partis regroupés sous le sigle de l’AFC, Alliance des Forces du Changement au terme d’élections saluées par son principal challenger le Colonel Tandja Mamadou. Sitôt installé, le Président se distingua par son autoritarisme au point de désorienter ceux qui l’ont porté au pouvoir (sic !) et de pousser vers l’opposition le PNDS-Taraya. L’opposition devient alors majoritaire et fait voter une motion de censure (vous avez dit similitude ?). Dés le lendemain, le Président Mahamane OUSMANE dissout l’assemblée nationale comme l’y autorise la constitution. Les nouvelles élections confortent l’opposition et imposent la cohabitation que le Président essaie de contourner en désignant de son propre chef un Premier ministre sans l’adhésion de la majorité parlementaire. Nouvelle motion de censure avant même la composition du gouvernement de Amadou Aboubacar CISSE. Le Président se résout alors à nommer, contraint et forcé, le candidat unique de la majorité parlementaire Hama AMADOU. Mais il ne s’avoue pas vaincu et prolonge le bras de fer en se donnant en spectacle : refus de donner la parole à des ministres en conseil, doubles nominations à tous les niveaux de l’Etat (un par le Président et un par le premier ministre…)[3]. La suite ? Ibrahim Baré Mainassara met fin à ce spectacle déshonorant par un coup d’Etat qualifié de populaire et salué presque par tous (y compris par le démocrate, républicain que je suis).

Moralité : Gouverner un pays c’est comme tenir un lion en laisse. Il faut s’employer à ne pas trop tirer sur la corde tout en veillant à ne pas la laisser trop traîner. Ce rappel doit servir de leçon à ceux « qui ont les yeux entre le nez et le front et qui regardent droit devant eux ». Qu’on se le tienne pour dit.

Abdoulaye DIAGANA

France

abdouldiagana@yahoo.fr

www.souslatente.blogspot.com



[1] FOCCART parle, Entretiens avec Philippe GAILLARD. FAYARD/JEUNE AFRIQUE. Paris 1997 Tome II p134

[2] Jacques BAULIN, 15 avril 1974, le putsch, réalités et exégèses. Juin 2008. www.tamtaminfo.com

Au sujet des biens acquis par l’épouse du président DIORI, Baulin ajoute qu’elle a dû recourir à l’emprunt « pour construire d’une part et aménager « le jardin » d’autre part ». Baulin opcit.

[3] Pour approfondir ce sujet lire « CONFLIT AUTOUR DES REGLES NORMATIVES DE LA COHABITATION AU NIGER : ELEMENTS D'ANALYSE JURIDIQUE D'UNE CRISE POLITIQUE (1995-1996), du Doyen AMADOU TANKOANO http://www.polis.sciencespobordeaux.fr/vol2n2/article4.html

jeudi 10 juillet 2008

Le président et les généraux

Les derniers événements qui ont tenu les mauritaniens en haleine laissent en suspens une question qui revient sur toutes les lèvres: qui détient le pouvoir en Mauritanie. Le rôle qui doit être dévolu à l'armée sera l'objet d'un prochain blog. Attardons-nous si vous le voulez bien sur la situation insolite qui prévaut au sommet de l'Etat.
Deux généraux qui ont certainement débarrassé le pays d'une dictature féroce au moment où tout semblait bloqué couvent un président démocratiquement élu, dit-on, à leur instigation. A tort ou à raison ils estiment qu'ayant "sauvé" le pays ils doivent continuer à avoir leur mot à dire sur la conduite des affaires et "veillent" sur le président élu en déployant des ailes à la fois protectrices et encombrantes. Tentons ce raison.
Le président prend ombrage de la présence étouffante des généraux et, auréolé du suffrage des mauritaniens, décide de s'en débarrasser. Les généraux prennent connaissance du décret portant leur limogeage ou, par un moyen ou un autre, découvrent les intentions du président de la république. Les généraux intiment alors l'ordre aux médias (radio et télévison publiques) dont ils prennent le contrôle l'ordre de ne diffuser aucun message, aucun communiqué n'émanant pas d'eux. Le président reste au palais avec ses prérogatives théoriques; les généraux gardent leurs étoiles avec la réalité du pouvoir. C'est peut-être une fiction; mais est-elle si éloignée de la réalité? La démocratie dont le monde entier à reconnu les mérites en Mauritanie risque de se terminer en queue de poisson. Cette situation vaut bien une réflexion sur le subtil dosage entre fermeté et souplesse. Exercice dont l'absence a valu des crises profondes, parfois au dénouement tragique, à de nombreux pays africains. Ce sera notre prochain sujet inchallah.

Abdoulaye DIAGANA
France
www.souslatente.blogspot.com

dimanche 6 juillet 2008

Le Président manœuvre mieux qu’on ne le croit.

Nombreux sont ceux qui ont perçu la démission du gouvernement de Yahya Ould Ahmed El Waghf comme une reculade du président de la République. Cependant en confirmant le Premier Ministre sortant à son poste, Sidi Ould Cheikh Abdallahi donne un indice de ce que sera sa position face aux frondeurs. Les raisons qui ont pu le conduire à limoger son directeur de cabinet adjoint puis un conseiller principal sont à décrypter avec soin. Hypothèse d’école :

Le membre du cabinet invite le Président de la République à engager le dialogue avec les frondeurs pour éviter une confrontation directe avec ceux qui sont suspectés d’être derrière eux, à savoir les deux généraux qui ont renversé la Dictature de Ould Taya. Sidi Ould Cheikh Abdallahi interprète ce conseil comme une faiblesse au moment où la parole et l’action doivent être à l’aide dure, les faucons. Dans la foulée, le conseiller principal organise une conférence de presse à l’hôtel Mercure où il accepte de donner la parole aux parlementaires frondeurs : crime de lèse-majesté avec comme sanction le limogeage.

Il ne serait alors pas surprenant que le Président de la République renouvelle à l’UFP (dont la présence au sein du gouvernement est farouchement combattue par les frondeurs) et aux islamistes modérés sa confiance en les reconduisant dans le gouvernement à venir. Il ne restera plus qu’à confirmer les gestionnaires contestés (Boïdiel au Sécretariat Général de la Présidence de la République par exemple) pour que nous retournions exactement à la case départ. Le Président n’aura alors pas renoncé au bras de fer et ferait mieux que tenir tête aux frondeurs. Le côté positif de l’histoire sera que le Président montre qu’il sait faire preuve d’autorité. Le côté négatif sera que dans un contexte de démocratie naissante, il manque de souplesse et de sens du compromis, mettant en péril les acquis démocratiques.

Dans ce cas, il n’est pas besoin d’être devin pour affirmer que le spectre de l’action militaire de nos généraux passe du possible au probable. Avec comme principal perdant le peuple mauritanien.

Abdoulaye DIAGANA

France

www.souslatente.blogspot.com

vendredi 4 juillet 2008

Ould Cheikh Abdallah se serait soustrait à une enquête du Senat!

Dans le message posté hier dont le titre est Sidi se dédit, les dessous de l'affaire, nous évoquions la probabilité (plus exactement l'hypothèse) d'une menace ayant pu conduire le Président de la République à changer d'avis quelques heures seulement après avoir brandi la menace d'une dissolution de l'assemblée nationale en prenant le coran à témoin pour qu'il n'y ait aucun doute quant à sa détermination. Comme nous le suggérions donc hier, la fondation de la première dame serait dans la ligne de mire des frondeurs. Si l'information se confirmait, cela signifierait que l'on nous cache des choses pas très présentables au sommet de l'État. Ce serait très grave alors. Pourvu seulement que les institutions de la République n'en sortent pas laminées et discréditées.

Lire la dépêche avec lien en arabe.

Une commision parlementaire enquête sur le financement de la fondation KB
Le sénat mauritanien vient de constituer une commission d'enquête, afin d'éplucher les finances de la fondation de Madame Khatou Mint El Boukhary, la commission avait décidé de convoquer Monsieur Mohamed Ould Cheikh abdallahi, le secrétaire général de la fondation, afin de lui poser des questions concernant un trafic d'influence au sein de la fondation.
La commission parlementaire soupçonne la fondation de se servir de l'influence de la Première Dame, afin d'obtenir des avantages et des financements illicites.
Monsieur Mohamed Ould Cheikh Abdallahi est parti en France ce matin, un membre de la commission confirme que ce voyage surprise a empêché la commission de l'entendre, la même source confie que la commission d'enquête se réunira ce dimanche, afin d'étudier les suites à donner à cette affaire.
Source : taqadoumy.com
Lien en arabe :

jeudi 3 juillet 2008

Sidi se dédit : les dessous de l'affaire.

Qu'est-ce qui a bien pu se passer dans la tête du Président mauritanien pour que moins de 24 heures après un discours musclé dans lequel il semblait reprendre l'initiative en menaçant de dissoudre l'Assemblée Nationale il en vienne à accepter la démission du gouvernement décrié de Yahya Ould Ahmed Waghf?
Le bras de fer semblait pourtant bien engagé et rien ne laissait présager un tel dénouement. Risquons une hypothèse. Dès la fin de son discours du 2 juillet 2008, les frondeurs mettent au point une nouvelle stratégie: puisque le Président décide de jouir de toutes les prérogatives que lui confère la constitution (entendez dissolution de l'Assemblée Nationale), les sénateurs vont également se prévaloir des leurs. Ils décident donc de constituer une commission chargée d'enquêter sur les activités de la Fondation de l'épouse du Président de la République Khattou mint Boukhari. Des documents existeraient qui compromettraient sinon le Président du moins son épouse qui aurait bénéficié des largesses de l'État sous le couvert des activités de sa fondation éponyme. Et comme le Président ne peut dissoudre le SENAT, le piège se referme sur lui.
Poursuivons. Parallèlement, des avocats sont sur le point de statuer sur une accusation en parjure contre le Président de la République qui, après avoir juré de défendre la constitution et la séparation des pouvoirs a cru bon de tenter de faire avorter la motion introduite par des députés. Du coup, la motion de censure passe au second plan eu égard à une épine d'une autre nature. La démission du gouvernement serait-elle un gage donné pour éviter que les sénateurs s'acquittent d'une des missions que leur ont confiées les mauritaniens? Et dans le dos des mauritaniens?
Si nous voyons juste (après tout pourquoi pas?) les jeux sont loin d'être faits et la crise se prolongera. De toutes les façons, le Président sort très affaibli de ce bras de fer en ce sens qu'il aura cédé aux pressions des frondeurs. Il lui faudra beaucoup de savoir-faire pour récupérer autorité et crédibilité; et longue sera la fin du mandat. Quatre ans encore à tirer!!! Ces événements ont quand même du bon: ils permettent aux mauritaniens de s'exercer à l'utilisation des mécanismes du jeu démocratique. Ce sera ça de pris.

DIAGANA Abdoulaye.
FRANCE.

Protéger le Président de la République, malgré tout…

Quelque légitime et justifiée que puisse être la demande faite au Président de la République de respecter ses engagements électoraux au non de la crédibilité du processus démocratique et du personnel politique, il y a une ligne rouge à ne franchir sous aucun prétexte : la remise en cause du mandat et de la légitimité du Président de la République. Le Président Sidi Ould Cheikh Abdallahi est élu et bien élu pour cinq ans. Si pour la consolidation de notre démocratie il peut être salutaire de maintenir la pression sur le Président de la République pour qu’il respecte ses engagements électoraux, les démocrates sincères doivent se garder de jouer aux apprentis sorciers en se servant d’une légitime contestation du retour au passé pour servir des desseins moins avouables. Notre démocratie est balbutiante et hésitante. De son côté si le Président est à ce point soucieux de la préservation des acquis, il se doit de tirer les enseignements de toute cette situation provoquée par un choix surprenant et inopportun. Il n’y aura pas beaucoup de voix pour lui reprocher de reconsidérer une décision qui n’est conforme ni aux promesses qu’il avait faites, ni aux désirs d’une majorité écrasante de mauritaniens qui ont salué la chute de la Dictature et qui ont désavoué certains de ses symboles les plus significatifs. Il serait regrettable que le Président de la République s’obstine dans ce choix au risque de voir notre démocratie vaciller. Ces hommes se confondent trop avec le régime qui vient de tomber pour incarner véritablement le changement promis. Si sa majorité lui est aussi encombrante comme certaines bonnes âmes l’avancent, qu’il ait le courage de provoquer de nouvelles élections -sans craindre la conjoncture difficile et la détermination de l’opposition- en invitant les mauritaniens à arbitrer en lui donnant une majorité claire, composée d’hommes qu’il aura choisi en fonction de leur proximité avec l’image et l’ambition qu’il nourrit pour la Mauritanie. Sa position est probablement rendue inconfortable par une majorité hétéroclite d’élus qu’il a trouvés devant lui et qui ont été « élus » dans des conditions qui ne pouvaient que lui rendre la tâche rude. Faut-il rappeler que la constitution que nous nous sommes choisie est présidentielle dans sa nature et non parlementaire ? Le calendrier électoral doit par conséquent être inversé pour que les députés soient élus dans la foulée de la présidentielle. Il sera dès lors plus facile au Président de la République de demander à ses électeurs de lui donner la majorité requise avec les hommes qui adhèrent à son discours et à son programme (à respecter !) pour gouverner les mains libres. Il lui sera loisible de choisir ceux qu’il estimera les mieux à même de représenter l’image qu’il se donne de lui-même et de la Mauritanie de ses projets. Ensuite, que les institutions fonctionnent normalement, sans interférence, dans le respect de l’esprit de la Constitution (qui transcende tous les citoyens qui doivent obéir au Magistrat Suprême, caporaux et généraux compris). En attendant, qu’il respecte sa promesse et tourne définitivement le dos à la Dictature et les démocrates sincères se feront forts de constituer un bouclier sanitaire (et de sécurité) autour de sa personne et de l’Institution qu’il représente.