dimanche 24 juillet 2011

Humeur : Recensement, Ya Mouritane ya watani

Vendredi dernier je me suis rendu à un concert organisé par des artistes mauritaniens de France pour rendre hommage à Dimi Mint Abba. Accompagnés à la guitare par Moussa Watt, un rescapé de l’orchestre national de Mauritanie, ces derniers nous ont fait passer des moments émouvants en reprenant une partie du répertoire de Dimi Mint Abba et de l’orchestre national.

Au moment où la Mauritanie revit des événements qui rappellent les heures les plus sombres de son histoire, je n’ai pu éviter d’être submergé par une vague d’émotions quand Heydi entonna le célèbre Ya Mouritane ya watani, avec une Sira Dramé magistrale dans l’exécution de la danse maure pour l’accompagner. L’art ne ment pas et ne souffre pas l’hypocrisie et la tricherie. Il fallait de la sincérité et du dévouement pour faire corps avec la chanson interprétée et réussir l’exploit de faire vibrer les cœurs d’un public pas forcément connaisseur. Qui disait que la musique est un langage universel ?

Ces chanteurs et ces musiciens avaient pour noms Gangué, Dramé, Ndiaye, Mbaye, Dem, Sibiri, Watt, Diakhaté, Dia, Sy…Je n’ai pu m’empêcher de faire le rapprochement avec le recensement qui, si l’on s’en tient aux nombreux témoignages qui nous parviennent de certaines personnes qui s’y sont essayées, est entrain de diviser les fils de ce pays en charriant les arrière-pensées et les idées les plus nauséabondes qui soient. Et ce, au moment où les artistes chantaient à l’unisson pour rendre hommage à une des leurs au delà des frontières.

En France, le pays où ils ont élu domicile, ils se rendront peut-être à l’ambassade de leur pays qui saisit l’occasion d’un recensement pour se transformer en annexe des services de la police française. Elle n’exige rien de moins que le titre de séjour en plus d’une pièce d’identité mauritanienne pour se faire recenser. En clair, l’ambassade ne recherche pas des mauritaniens à recenser mais ceux d’entre eux qui ne sont pas des sans-papiers au regard de la loi française. Pendant ce temps, de nombreux autres services français (université, hôpitaux…) acceptent justement des usagers qui n’ont pas de titre de séjour ; parce qu’eux ne confondent pas les registres. Les autorités mauritaniennes ont l’art de rendre la vie difficile aux citoyens. S’assurer de ne recenser que des mauritaniens résidents est une chose, se faire les supplétifs de la police française en est une autre. Un justificatif de domicile ou tout autre document justifiant les attaches du concerné avec la France aurait amplement suffit. Même lors du recensement pour l’élection présidentielle de 2009, dans un contexte très tendu, les autorités consulaires n’avaient pas commis un tel impair et avaient accepté de recenser sur la base de la présentation d’une simple pièce d’identité mauritanienne ! Assez bien en 2009, désastreux en 2011 ! Tel est le sens de notre marche vers le progrès ! Loin de la scène musicale.

En les voyant chanter et danser sur scène, on ne peut croire que ces artistes courent le risque de se voir dénier leur nationalité au motif qu’ils se nomment Sibiri, Dramé, Ndiaye, Dia, Gangué, Dem…

Et comme pour exorciser le mal et renvoyer le diable à ses chères études, ils ont crié de toutes leurs forces hayya Mouritane, hayya watani, ya mouritane, ya mouritane, ya mouritane ya watani. Cette conception de la Mauritanie et du mauritanien nous réconcilie avec notre pays et avec nos valeurs. A eux seuls, ces artistes-là rachèteraient le reste du troupeau. Ils font notre fierté et nous vengent de ces esprits étroits et chauvins qui s’amusent avec des allumettes, assis sur un baril de poudre, et qui font la honte du genre humain. Et ils se recrutent hélas dans les deux camps.

Abdoulaye Diagana

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