samedi 16 août 2008

DERIVE DE L’OPPOSITION : RFD, AJD/MR, HATEM

Par SY Abdoul ZAYE


Le passage en force des militaires survenu en Mauritanie le 6 Août dernier confirme encore une fois de plus l’incompétence et l’absence de conviction de bon nombre de nos leaders politiques à l’affût du pouvoir. Qu’il s’agisse de Ahmed ould Daddah, leader du RFD, de Hanane pour HATEM ou de Ibrahima Sarr pour l’AJD/MR, l’on ne peut que constater l’hypocrisie et la sournoiserie des discours rompant clairement avec les principes fondamentaux de la démocratie. Tous sans exception ne pensent qu’à leurs intérêts personnels qui devraient, à de pareilles circonstances, s’effriter au profit d’un bonheur collectif ou simplement d’une sauvegarde de la démocratie.
L’on était sensé comprendre que le gouvernement de transition de Ely ould Mohamed Vall succédant au règne désastreux de Ould Taya avait servi de sonnette d’alarme et permis d’installer le doute chez nos politicards par rapport aux militaires qui s’érigent en sauveurs ou justiciers alors que leurs desseins ne trompent même plus les profanes. Aussi anachronique que cela puisse paraître, l’on s’aperçoit aujourd’hui, malheureusement, que l’expérience n’a pas servi à affiner une lucidité et une conscience collective de notre élite politique.
Comment pouvons-nous admettre aujourd’hui que Ahmed ould Daddah soit favorable à la remise en cause de la légitimité du pouvoir de Sidi ould cheikh Abdallah et vociférer récemment, contre toute attente, qu’il avait reconnu une telle légitimité pour éviter au pays des dérives sécuritaires ?
La soif du pouvoir, sous quelque prétexte qu’elle soit, ne doit pas conduire à une remise en cause des principes essentiels qui président à l’ancrage démocratique d’une nation.
Comment peut-on être aussi borné et fataliste pour refuser de croire que l’intervention militaire serait désormais une intimidation morale à notre processus démocratique ?
La question que je me pose est : Ahmed Daddah a-t-il bien saisi le message de Descartes lorsque ce dernier affirme : « le bon sens est la chose du monde la mieux partagée mais il peut cesser de briller à cause des imperfections que déposent dans nos esprits les préjuges, les croyances… ». Autrement dit, il ne s’agit pas d’avoir une raison ; faudrait-il encore bien l’appliquer.
Comment peut-on être ennemi de soi au point de creuser sa propre tombe pour l’heure, sa propre mort politique ?

Qu’en est-il pour Ibrahima Sarr : au moment où le pays est entrain de suffoquer face à une léthargie politique douloureuse et chaotique, le chef de l’AJD/MR met une pression supplémentaire naïve et fataliste sur ses militants en les sommant d’établir leurs cartes d’identité afin de pouvoir voter car dit-il « 2012 pourrait être demain ».
Autrement dit, pour monsieur Sarr, le renversement de Sidi constitue une opportunité cruciale, susceptible d’aider son parti à obtenir des députes et sénateurs ; en conséquence, le renversement d’un pouvoir élu démocratiquement ne revêtirait aucun caractère étrange dans l’entendement politique d’un tel leader.
L’AJD/MR, devrait-elle sacrifier ou remettre en cause le peu de crédibilité acquis sans pour autant mesurer la gravité de ce tsunami et en évaluer les paramètres d’où tient, en effet, la survie de son parti.
Avec tout le respect qu’on doit à Ibrahima Sarr, on est en droit de questionner sa lucidité face à la pression qu’exerce Ahmed Ould Daddah sur ses décisions stratégiques. Descartes suggérerait d’ « user d’autant de circonspection en toute chose, que si je n’avançais que fort peu, je me garderais bien au moins de tomber ».
A l’heure où le paysage politique mauritanien gravite autour d’une conscience qui se cherche, la responsabilité incombe à la classe politique de faire preuve de perspicacité, ne serait-ce que pour refuser de se culpabiliser vis-à-vis d’un peuple qui semble ignorer l’injustice dont il souffre.
Je respecte l’éloquence et le pédantisme de nos analystes et de notre élite tout en déplorant à la fois leur éloignement des préoccupations du mauritanien ordinaire.
Encore une fois, libérons-nous de l’emprise aveugle des passions ! La complexité et la précarité du tissu politique de notre pays pourraient certes nous amener à être passifs et bousculés au point d’être étourdis et désorientés mais faudrait-il encore rappeler que les passions troublent t l’âme et aveuglent les décisions comme dirait Platon.
Il serait honorable que nos acteurs politiques acceptent de faire face à leurs responsabilités. Un parti politique qui aurait l’ambition de s’améliorer ne devrait point cesser de se remettre en cause. Il s’agit de procéder de façon permanente à un diagnostic interne permettant d’évaluer les forces et les faiblesses de l’organisation, et un diagnostic externe qui tenterait de déceler les opportunités et les menaces. Par exemple, si l’on jette un regard critique sur les partis politiques majeurs de notre pays, on pourrait constater une paralysie du leadership .Qu’il s’agisse du RFD, de l’APP ou de l’AJD, ce sont toujours les mêmes leaders qui s’accrochent désespérément ; ce qui contribue à l’asphyxie et a la délinquance politiques de nos structures politiques. Il devient urgent aujourd’hui qu’une nouvelle génération prenne la relevé : new Times, new ways.

Sy Abdoul Zaye.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

RFI - Chronique de Jean-Baptiste Placca : L’élite qui va à la soupe

Il faut rendre justice aux dictateurs ! Présentez des excuses aux tyrans, grands et petits, aux autocrates et aux despotes, plus ou moins éclairés ! Ils ne sont pas, seuls, responsables des maux de l’Afrique. La plupart ne seraient d’ailleurs pas parvenus, pendant toutes ces décennies, à soumettre et à dominer tant de peuples sur le continent, s’ils n’avaient eu le soutien zélé d’un certain nombre de cadres et d’intellectuels, parfois parmi les plus brillants.

Accabler les despotes n’a donc de sens que si l’on sait rendre leur part à ceux qui, faisant commerce de leur matière grise, pensent pour eux. Combien de temps auraient tenu Bokassa, Eyadéma, Idi Amin, Macias Nguema, Mobutu, s’ils n’avaient pu s’appuyer sur la réflexion stratégique de cadres intellectuels qui, par calcul ou par naïveté, se sont mis d’emblée à leur disposition ?

A la fin de la conférence nationale du Bénin, en février 1990, le général Mathieu Kérékou, les larmes aux yeux, est allé courageusement s’excuser devant le peuple, pour les dix-sept ans d’abus de son régime marxiste.

A l’occasion, « le Caméléon » a confessé que lui, personnellement, ne connaissait rien au marxisme, et que ce sont les intellectuels qui l’avaient convaincu, à l’époque, que c’était là le remède qu’il fallait pour ce peuple frondeur.

Vous comprendrez donc l’appréhension que peuvent susciter les soutiens démonstratifs de quelque 150 ingénieurs, professeurs et fonctionnaires au général Abdel Aziz, en Mauritanie. Qu’ils s’inscrivent sur des listes pour proclamer leur soutien à l’interruption brutale d’un processus démocratique, si imparfait soit-il, laisse songeur. Le président Abdallahi n’était, certes, pas sans reproche. Mais ce n’est tout de même pas Ould Taya !

Le général putschiste promet de « résoudre » la faim, l’ignorance et la maladie. Tant mieux ! Mais la manœuvre qui consiste à faire croire que ce sont là des fléaux engendrés par le président déchu est une gymnastique intellectuelle dans laquelle excelle, justement, l’élite qui va à la soupe.

On ne saurait trop recommander aux Mauritaniens de rester vigilants. Car cette liste de partisans ressemble fort à une cour de prétendants, faisant la queue pour une place au bord de la mangeoire, afin d’investir les fauteuils dont auront été logiquement éjectés les inconditionnels du président déchu.

Le général Kérékou, encore lui, avait identifié, au sein de l’élite servile, une catégorie que, dans son sens désarmant de la formule, il appelait « les intellectuels tarés ». Au fait, la soif de pouvoir et la rapacité ne sont-elles pas aussi des tares ?

par Jean-Baptiste Placca