mercredi 23 novembre 2011

Edito de KASSATAYA. Libéralisation des ondes : au nom de la Mauritanie plurielle.

La HAPA vient de proclamer les résultats de l’appel à manifestation d’intérêt pour l’attribution des licences de radio et de télévisions privées en Mauritanie. Comme son nom l’indique, il s’agissait d’une manifestation d’intérêt qui devait en principe lancer l’ouverture des ondes à la concurrence. Bien naturellement, KASSATAYA avait introduit un dossier.

Nous avons créé une société anonyme de droit mauritanien, produit un engagement pour maintenir un actionnariat stable ainsi que les statuts et les pièces d’identité des actionnaires. Tous ces documents étaient notariés et le dossier instruit par un grand cabinet d’expertise qui a dans son portefeuille clients les plus grandes entreprises étrangères qui se sont établies en Mauritanie. Les résultats se passent de commentaire et pas seulement parce que KASSATAYA, le seul de tous les candidats à avoir une existence réelle depuis trois ans, n’a pas été retenu. Je souhaite bonne chance à la Mauritanie plurielle qui est une chance mais aussi une conquête permanente.

C’est aussi l’occasion pour moi de remercier les auditeurs fidèles qui nous ont fait confiance et nous ont accompagnés depuis les premières heures de notre aventure. Leur soutien et leur confiance ont opéré comme de puissants moteurs qui nous ont permis de franchir monts et vaux. Nous avons mis un point d’honneur à rester fidèles à la ligne de conduite que nous nous étions fixée dès le départ et qui a servi de contrat moral entre nos auditeurs et nous. Plutôt que d’entretenir une relation amoureuse exclusive avec un camp nous avons préféré la réserver à l’objectivité et au traitement équilibré de l’information. Ni avec ni contre qui que ce soit. Ni soumis ni assujettis à quelque puissance que ce soit. Politique, idéologique ou financière. Cette liberté de ton et cette indépendance sont restées notre viatique que nous avons porté en bandoulière tout le long de cette longue traversée. Nous avons dû pour cela nous asseoir sur nos propres opinions (que nous avons gardées pour nous et qui étaient différentes au sein de la rédaction) pour offrir aux auditeurs une information juste, équilibrée et variée. Si cette orientation n’a pas plu nous nous faisons forts de lui rester fidèles. Parce que c’est par conviction et non par souci de gestion de plans de carrière que nous avons investi ce champ.

KASSATAYA a ainsi pu compter sur le professionnalisme de ses équipes (bénévoles) pour briser le monopole de l’information et le culte de la pensée unique. Nous avons reçu chez nous tous les acteurs majeurs de la vie publique de notre pays de Mariam Daddah (première première dame) à Kadiata Malick Diallo (député) en passant par Messaoud Ould Boulkheir (président de l’Assemblée Nationale), Kane Hamidou Baba (député et président du MPR), Boidiel Ould Hoummeid (ancien ministre, président du parti El Wiam), Hamdi Ould Mahjoub (avocat, ministre la communication), Mohamed Ould Mowloud (président du parti UFP), Ibrahima Moctar Sarr (président du parti AJD/mr), Moustapha Ould Beddredine (député), Zeine ould Zeidane (ancien candidat à la présidence de la république, ancien premier ministre), Biram Ould Dah (président de l’ONG IRA anti esclavagiste), Aminetou mint el Moktar (présidente d’association), Ahmed Ould Daddah (chef de file de l’opposition), Tahra Mint Hembara (artiste), Ma’louma mint El Meidah (artiste), Myriam Soumaré (Championne d’Europe d’athlétisme), Ba Mamadou Samboly (un des pères fondateurs de la Mauritanie), Aissata Kane (première femme ministre en Mauritanie)… et pour finir le président de la République Mohamed Ould Abdel Aziz himself. D’aucuns ont crié « Général nous voilà », nous n’avons pas eu assez de forces pour le faire.

Quoi qu’il advienne et quoi que veuillent décider ceux d’en-haut, c’est une page de l’histoire du pays que vous et nous avons écrite ensemble. Nous n’avons pas attendu les subventions et les routes bitumées. Nous avons rassemblé le peu de moyens, de foi et de courage que nous avions et nous sommes allés à l’aventure. Cette foi reste inébranlable. Et tant que nous n’aurons pas l’assurance que la diversité des opinions et des cultures est une réalité vivante en Mauritanie, nous resterons sur le pont. Avec vous, si vous voulez bien nous accompagner.

Abdoulaye Diagana

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source : www.kassataya.com

dimanche 24 juillet 2011

Marche du collectif Touche pas à ma nationalité : dégradations à l’ambassade de Mauritanie à Paris.

Ce sont plus de 470 personnes qui ont défilé du Parvis des droits de l’homme à l’ambassade de Mauritanie à Paris, rue de Montevideo ce dimanche 24 juillet 2011 à l’appel d’un collectif d’organisations mauritaniennes qui appelait à dénoncer les conditions dans lesquelles se déroulait l’enrôlement des populations de Mauritanie. Dans la foule des manifestants, des femmes et des enfants de même qu’une présence massive de jeunes venus crier leur rejet du recensement qui se déroule en Mauritanie et qui, selon leurs propos, tend à leur dénier la nationalité mauritanienne. « Touche pas à ma nationalité », « arrêtez ce recensement » et même « Aziz dégage », tels sont les slogans qu’on pouvait entendre le long de la procession. Depuis leurs fenêtres, balcons et terrasses, des résidents du 16eme arrondissement de Paris venaient aux nouvelles. C’est que jamais une manifestation mauritanienne n’avait atteint une telle ampleur. Surpris par une telle vague, la Police parisienne est très vite débordée. Habituée à encadrer des manifestants dont le nombre ne dépasse guère la centaine, elle n’avait déployé qu’un petit dispositif pour suivre la manifestation. Arrivés à l’angle de la rue Montevideo, et contrairement aux habitudes et au trajet arrêté, les manifestants s’engagent dans la rue en direction de l’Ambassade. Le portail de l’Ambassade menace de céder sous les assauts répétés de certains manifestants incontrôlés et décidés à en découvre. La dizaine de policiers sur place essaie de s’interposer sans succès et demande des renforts. La plaque de l’Ambassade est arrachée. Les organisateurs de la marche tentent de s’opposer sans plus de résultats. A 16h40, une sirène retentit. Les renforts arrivent avec tout l’attirail anti émeutes. Des gradés de la police parisienne sont également dépêchés sur place. Il faut plus d’une heure de pourparlers pour obtenir un calme relatif. Les organisateurs lisent une déclaration et demandent à la foule de se disperser dans le calme. Quelques manifestants brandissent comme reliques des morceaux de la plaque de l’Ambassade. Des jeunes promettent une radicalisation du mouvement et préviennent : « nous ne nous laisserons plus faire ».

La veille, le même collectif avait organisé une conférence à la Bourse du Travail de Paris qui avait réuni près de 200 personnes.

Abdoulaye Diagana

Images à suivre

Humeur : Recensement, Ya Mouritane ya watani

Vendredi dernier je me suis rendu à un concert organisé par des artistes mauritaniens de France pour rendre hommage à Dimi Mint Abba. Accompagnés à la guitare par Moussa Watt, un rescapé de l’orchestre national de Mauritanie, ces derniers nous ont fait passer des moments émouvants en reprenant une partie du répertoire de Dimi Mint Abba et de l’orchestre national.

Au moment où la Mauritanie revit des événements qui rappellent les heures les plus sombres de son histoire, je n’ai pu éviter d’être submergé par une vague d’émotions quand Heydi entonna le célèbre Ya Mouritane ya watani, avec une Sira Dramé magistrale dans l’exécution de la danse maure pour l’accompagner. L’art ne ment pas et ne souffre pas l’hypocrisie et la tricherie. Il fallait de la sincérité et du dévouement pour faire corps avec la chanson interprétée et réussir l’exploit de faire vibrer les cœurs d’un public pas forcément connaisseur. Qui disait que la musique est un langage universel ?

Ces chanteurs et ces musiciens avaient pour noms Gangué, Dramé, Ndiaye, Mbaye, Dem, Sibiri, Watt, Diakhaté, Dia, Sy…Je n’ai pu m’empêcher de faire le rapprochement avec le recensement qui, si l’on s’en tient aux nombreux témoignages qui nous parviennent de certaines personnes qui s’y sont essayées, est entrain de diviser les fils de ce pays en charriant les arrière-pensées et les idées les plus nauséabondes qui soient. Et ce, au moment où les artistes chantaient à l’unisson pour rendre hommage à une des leurs au delà des frontières.

En France, le pays où ils ont élu domicile, ils se rendront peut-être à l’ambassade de leur pays qui saisit l’occasion d’un recensement pour se transformer en annexe des services de la police française. Elle n’exige rien de moins que le titre de séjour en plus d’une pièce d’identité mauritanienne pour se faire recenser. En clair, l’ambassade ne recherche pas des mauritaniens à recenser mais ceux d’entre eux qui ne sont pas des sans-papiers au regard de la loi française. Pendant ce temps, de nombreux autres services français (université, hôpitaux…) acceptent justement des usagers qui n’ont pas de titre de séjour ; parce qu’eux ne confondent pas les registres. Les autorités mauritaniennes ont l’art de rendre la vie difficile aux citoyens. S’assurer de ne recenser que des mauritaniens résidents est une chose, se faire les supplétifs de la police française en est une autre. Un justificatif de domicile ou tout autre document justifiant les attaches du concerné avec la France aurait amplement suffit. Même lors du recensement pour l’élection présidentielle de 2009, dans un contexte très tendu, les autorités consulaires n’avaient pas commis un tel impair et avaient accepté de recenser sur la base de la présentation d’une simple pièce d’identité mauritanienne ! Assez bien en 2009, désastreux en 2011 ! Tel est le sens de notre marche vers le progrès ! Loin de la scène musicale.

En les voyant chanter et danser sur scène, on ne peut croire que ces artistes courent le risque de se voir dénier leur nationalité au motif qu’ils se nomment Sibiri, Dramé, Ndiaye, Dia, Gangué, Dem…

Et comme pour exorciser le mal et renvoyer le diable à ses chères études, ils ont crié de toutes leurs forces hayya Mouritane, hayya watani, ya mouritane, ya mouritane, ya mouritane ya watani. Cette conception de la Mauritanie et du mauritanien nous réconcilie avec notre pays et avec nos valeurs. A eux seuls, ces artistes-là rachèteraient le reste du troupeau. Ils font notre fierté et nous vengent de ces esprits étroits et chauvins qui s’amusent avec des allumettes, assis sur un baril de poudre, et qui font la honte du genre humain. Et ils se recrutent hélas dans les deux camps.

Abdoulaye Diagana

jeudi 21 juillet 2011

Dimi célébrée à Paris par des artistes mauritaniens.

Ambiance feutrée et intime, petit restaurant bar très cosy avec une salle de concert conviviale au sous sol, les artistes mauritaniens ont choisi un cadre propice à mettre en exergue la chaleur des retrouvailles pour rendre un dernier hommage à leur consœur Dimi Mint Abba. C’était à l’espace culturel et restaurant Saraaba, rue de la Goutte d'or dans le 18e arrondissement de Paris, vendredi 15 juillet 2011.

Le public a eu l'immense plaisir d'assister à un concert haut en couleurs en hommage à une artiste dont le talent n'a d'égal que sa passion pour la musique et son pays.

L'initiative venait de Nago Seck, gérant, manager du restaurant. Brandissant quelques disques de Dimi, Nago explique le coup de foudre qu’il a eu pour l’artiste mauritanienne qu’il na cessé d’accompagner tout le long de son parcours. Des portraits, rares, de la vedette mauritanienne sont accrochés au mur. Je les ai pris moi-même, insiste Nago une lueur de fierté dans les yeux. Les artistes se promènent dans le restaurant bar un peu comme chez eux. Nago et son épouse en ont fait une scène libre pour les artistes.

Mais Nago n’était pas seul à l’origine de l’initiative. Pour réaliser le vœu de célébrer une dernière fois celle qu’il appelle l’ambassadrice de la musique mauritanienne, il avait avec lui Heydi un jeune rappeur mauritanien aux multiples talents (musicien, chanteur, show man) passionné de musique et porteur d'un message d'unité, de paix et de soutien aux artistes dans ce milieu très difficile pour nos compatriotes. Heydi a mis un point d'honneur à organiser cette soirée, la moindre des choses, dira-t-il, pour Dimi. Nous avons eu également le grand plaisir de revoir Sira Dramé, très enthousiaste devant cet événement et veillant au bon déroulement de la soirée.

Sur la scène se sont succédé des artistes de tout bord : Mamma Dem à la voix enchanteresse, Ousmane Gangué une des étoiles montantes de la musique mauritanienne, Malick Dia, l'ainé, lead vocal du groupe Boolumbal, Moussa Watt ancien de l’orchestre national de Mauritanie et du Rippo Groupe, Moussa Labbel, Heydi le show man. Pour tenir le public en haleine, Sidi Sy bassiste du groupe Walfadji, Ada Ndiaye aux percussions. D’autres artistes sont venus en voisins : Tanor Tita Mbaye, lead vocal sénégalais, le guinéen Mamedi Diabaté à la guitare solo.

Au milieu de ce monde d'hommes, une voix malienne entrainante. Puis la silhouette de Sira Dramé, chanteuse mauritanienne qui, pour l’occasion, joue du Djembé, organise la scène comme un chef d’orchestre.

Cette scène bigarrée offrira un spectacle à la hauteur de l’événement avec, à l’ouverture, la célèbre chanson Mouritane watani.

C’était une de ces soirées qui réconcilient les mauritaniens avec eux-mêmes et avec leur pays.

Les vidéos de la soirée avec les interviews exclusives suivront sous peu. En attendant vous pouvez déjà profiter des photos disponibles sur le site!!!

Salam et que l'1spiration soit toujours avec vous

Regarder les videos ici et

Votre obligée, Hapi et Abdoulaye pour kassataya

Sira Dramé sera en concert live à Sélibaby les deuxième et troisième jours de la fête de korité.

Biram Ould Dah sur kassataya : « j’appellerai au boycott de ce recensement… L’Etat mauritanien n’est pas invincible » (mise à jour)

Kassataya, 18 juillet 2011- Dans un entretien accordé à Kassataya, Biram ould Dah ould Abeid, qui séjourne actuellement en Europe, a annoncé qu’il appellera au boycott de l’enrôlement des populations en Mauritanie dès son retour au pays.

«Ce recensement n’est pas seulement contre les communautés bambara, peuls, soninké et wolofs. Ce recensement est aussi très dangereux pour la communauté haratine, et ça personne ne le dit. Il y a 600 000 esclaves domestiques qui n’ont pas de papiers et l’Etat mauritanien refuse de leur en donner ». Le leader du mouvement IRA a ajouté que parmi les affranchis seule une minorité dispose de papiers, sur un effectif qu’il situe entre 1 200 000 et 1 400 000habitants, soit près de la moitié de la population mauritanienne.

Biram Ould Dah s’est en outre insurgé contre le fait que, par un décret politique, la communauté haratine soit cataloguée arabe, ce qui, pour lui « est un déni extrêmement grave, une oppression extrêmement grave contre laquelle l’IRA lutte ».

Il s’est enfin attaqué aux partis et organisations qui dénoncent le recensement et qui partent quand même s’inscrire. « Je ne peux pas dénoncer un recensement et aller me recenser alors que les autres [citoyens], on leur dénie le droit de se recenser, alors que ce sont des gens que je suis censé défendre… J’appellerai dès mon arrivé à Nouakchott au boycott de ce recensement et je ne me recenserai pas. Et je considère que c’est une incohérence que d’aller se recenser, c’est raser les murs, ce n’est pas correct, ce n’est pas cohérent. Il faut payer le prix de ce combat ».

Il conclue en disant que « l’Etat mauritanien n’est pas invincible, surtout sous Ould Abdel Aziz qui est un tigre de papier… Il faut que les gens descendent dans les rues… Il faut une mobilisation populaire. Il faut un rapport de force dans les rues, dans les medias, devant la communauté internationale ».

L'extrait est disponible ici.

L'intégralité de l'entretien est disponible en podcast.

mercredi 15 juin 2011

Edito : recensement national de la population, illusio et culture du travail bâclé.

Dans le répertoire bourdieusien, l’illusio correspond à cette tendance à adhérer à un champ qu’on s’empresse de mettre à l’abri de la discussion. Dit rapidement, c’est un peu comme s’inventer une histoire tout droit sortie de notre imagination et qu’on finit par prendre pour vérité indiscutable.

C’est un exercice dans lequel excellent les décideurs mauritaniens. Ainsi, construisent-ils des routes recouvertes d’une matière noirâtre que l’on considère comme du bitume. Tombées les premières pluies, les automobilistes slaloment entre les crevasses en cherchant les traces de ce qui dans une autre vie ressembla à une route bitumée. Normal : le plus important n’était pas d’avoir une route de qualité mais bien de pouvoir dire que l’entrepreneur a livré une route en contrepartie de l’argent empoché et le politique est contant de pouvoir pavaner lors de l’inauguration. Idem pour les ponts : on se souvient du feuilleton du pont de Kamour fait et refait dans la précipitation et qui s’effondre à répétition.

Avec de mauvaises données on ne prend que de mauvaises décisions.

Et voilà que le gouvernement confie le recensement national de la population à une commission dirigée par une personne contestée. Au vu du déroulement dudit recensement, on est en droit de penser que les réserves émises sur les compétences et la composition de la commission sont loin d’être injustifiées. Un recensement, dans son principe, permet de compter pour savoir combien nous sommes ? Comment se répartit la population ? Combien de jeunes ? De femmes ? D’enfants ? De personnes âgées ? D’émigrés ? Etc.… Il a pour objet d’aider le décideur à quantifier, à identifier les besoins, à répartir l’enveloppe des ressources disponibles en connaissance de cause, à planifier ses actions… D’où l’importance de disposer d’informations fiables. Avec de mauvaises données on ne prend que de mauvaises décisions.

Tout ne peut pas être instrumentalisé, politisé.

Or, de nombreux témoignages dont ceux de députés, montrent que nous assistons à un véritable sabotage des opérations d’enrôlement. Des agents posent aux citoyens venus se faire enrôler des questions suspectes et humiliantes : connaissez-vous le nom de l’épouse de tel notable ? Parlez-vous telle langue ? Savez-vous réciter le Coran ?... Les agents de recensement ont-ils vocation à se substituer au juge et à décider de la mauritanité d’un citoyen qui présente les documents requis ? De même, ils refusent de recenser les personnes de moins de 45ans. Les heureux élus doivent pour leur part présenter leurs parents s’ils sont en vie. Si vous êtes fâchés avec vos parents, tant pis pour vous, vous ne serez pas recensés ; à moins de faire la paix pour les besoins de l’enrôlement. Pour compliquer les choses, le recensement ne se fait que dans les chefs-lieux de département, avec parfois des distances de plusieurs centaines de kilomètres à parcourir en plusieurs jours pour les plus déterminés. Les mauritaniens nés à l’étranger ne sont pas enregistrés. Quant à ceux fixés à l’étranger, leur cas ne semble intéresser personne. Résultat des courses : de nombreuses personnes ne peuvent pas se faire enrôler. Et comme pour finir de jeter un voile de suspicion légitime sur le processus, tout se déroule de façon confidentielle, comme si quelque part, quelqu’un avait intérêt à ce que les choses se déroulent en petit comité. Qui a intérêt à saboter ainsi les statistiques du pays ? Pour quels sombres desseins ? Pourquoi les plus hautes autorités laissent-elles faire ?

Imaginons un père de famille donnant la dépense quotidienne à son épouse en faisant semblant d’ignorer la présence de quelques membres de la famille ! Comment peut-il s’étonner que le repas ne suffise pas aux besoins de tous surtout quand des visiteurs imprévus (ils ne le sont pas souvent chez nous) se sont retrouvés dans la maisonnée opportunément à l’heure du repas ?

Ce recensement a réussi le tour de force de mobiliser contre lui presque tous les mauritaniens. Les négro-africains crient à la tentative de marginalisation. Les arabo-berbères s’insurgent contre les embuches semés sur leur chemin comme pour les dissuader de se recenser. C’est un scandale ! En 1998, l’organisation était autre ; l’esprit aussi. Plus de dix ans après, la Mauritanie avance à grands pas. A reculons.

Avec ce recensement, on (dés) organisera notre état-civil de même que le fichier électoral. On fera alors semblant d’avoir des papiers mauritaniens ; on fera semblant aussi de voter comme le font ceux qui font semblant de croire en la démocratie. Après tout, chez nous, on fait toujours semblant. Semblant de solder les assassinats extrajudiciaires, les crimes et les déportations en les nommant « passif humanitaire » ; semblant de minimiser la gravité d’un coup d’Etat militaire en l’appelant « rectification » ; semblant de vendre une entourloupe gigantesque en l’appelant « démocratie », semblant de construire un pays en l’appelant « Mauritanie ». Et interdiction formelle de remettre tout ça en cause ou même d’en douter : « Aux questions sur les raisons de l'appartenance, de l'engagement viscéral dans le jeu, les participants n'ont rien à répondre en définitive, et les principes qui peuvent être invoqués en pareil cas ne sont que des rationalisations post festum destinées à justifier, pour soi-même autant que pour les autres, un investissement injustifiable. » (Bourdieu, Méditations pascaliennes). Tout est dit.

Abdoulaye DIAGANA

KASSATAYA.COM

Billet : Ould Abdel Aziz lâche Khaddafi, un fidèle soutien.

La vie est cruelle pour les rêveurs ! Et la politique donc ! Il doit siéger dans le crane
de Mouammar Khaddafi un violent tourbillon suite à la décision de Mohamed Ould Abdel Aziz
de le déclarer fini et incapable de diriger la Libye. Qui l?eut cru ? On se souvient
qu?après le coup d?Etat perpétré par le général Mohamed Ould Abdel Aziz contre Sidi Ould
Cheikh Abdallahi, le colonel Khaddafi, alors président de l?UA s?était fait un point
d?honneur de faire entériner le fait accompli. Pendant que le Groupe de Contact (UA, OIF,
CEDEAO, OCI, Ligue Arabe) s?employait à faire plier la junte militaire, Mouammar Khaddafi
défendait urbi et orbi la légitimité de Mohamed Ould Abdel Aziz.

C?est ainsi que recevant le président renversé à Tripoli en mars 2009 pour chercher une
solution à la crise institutionnelle en Mauritanie, le Colonel Khaddafi faisait
comprendre à Sidi ould Cheikh Abdellahi que le retour en arrière n?était pas possible et
que toute solution devait tenir compte du fait que Ould Abdel Aziz était le président de
la Mauritanie.

Surpris par une cette position peu habituelle de la part d?un arbitre Sidi Ould Cheikh
Abdallahi rentrait tranquillement reprendre sa méditation à Lemden, son village natal où
il avait été assigné à résidence.

Auparavant, en signe de reconnaissance, Khaddafi avait accrédité un ambassadeur nommé par
la junte militaire. Le colonel parvenait même à obtenir de son protégé mauritanien la
rupture des relations diplomatiques avec Israël juste avant une visite restée gravée dans
les mémoires. Indignés par le soutien affiché au grand jour par le colonel Khaddafi
envers le général ould Abdel Aziz, la délégation du FNDD avec à sa tête Messaoud Ould
Boulkheir avait alors quitté ostensiblement le palais des congrès pour manifester son
désaccord.

Fort de ce soutien (et de bien d?autres), le général Ould Abdel Aziz réussit à
«régulariser» son pouvoir.

Le Colonel Khaddafi se faisait fort de sillonner une Afrique en ébullition pour dénoncer
la démocratie qui serait une excroissance honteuse importée d?un Occident honni. Il
encourageait le président Tanja du Niger à modifier la constitution de son pays pour
s?éterniser au pouvoir.

Aujourd?hui, la bourrasque a tourné. Et elle est arabe. Le fantasque colonel est dans de
sales draps, plus proche de la Roche Tarpéienne que du Capitole. Réaliste, Ould Abdel
Aziz n?a pas jugé utile de se compromettre pour son désormais ex parrain.

Ironie du sort, fin février 2011, la Mauritanie publiait un communiqué dans lequel elle
réaffirmait «sa conviction entière que la pratique effective de la démocratie et des
libertés publiques et individuelles est le seul garant de la paix, de la sécurité, de la
stabilité et de la prospérité des peuples » (sic).

Dans la foulée, Ould Abdel Aziz se débarrassait de Naha Mint Mouknass, ministre des
affaires étrangères réputée proche de Khaddafi. En politique il n?y a pas d?amis. Les
intérêts convergent ou non et font des alliés de circonstance. Ould Abdel Aziz aurait pu
choisir la loyauté. Il lui a préféré le réalisme. Ainsi va la politique. Ce n?est
certainement pas Khaddafi qui dira le contraire.

Abdoulaye Diagana

Source: KASSATAYA

Sensation à l'ouverture du congrès des FLAM: Samba Thiam fait les comptes, les FLAM ne peuvent pas porter seules le fardeau de la lutte.

La salle des fêtes de l'hôtel Ibis de Champs-sur-Marne (près de Paris) a abrité ce samedi
28 mai 2011 la cérémonie d'ouverture du VIIème congrès des Forces de Libération
Africaines de Mauritanie (FLAM). Première surprise, contrairement aux habitudes dans ce
genre de circonstances, invités et congressistes ont répondu présent presque sans retard,
malgré l'heure matinale.
La matinée s'annonce prometteuse. Il suffit de jeter un regard sur l'organisation pour
s'en convaincre : accueil chaleureux des hôtesses sourire de rigueur, stand à l'entrée où
sont exposés les badges nominatifs des invités et des congressistes, croissants,
petits-fours, petit déjeuner en libre-service... du rarement vu dans les manifestations
africaines comme le fera remarquer le journaliste Sidik Abba de la PANA.
10h : les invités s'installent dans la salle de conférence et échangent des politesses.
Certains font connaissance, d'autres fêtent les retrouvailles : la délégation américaine
est bien représentée. Soudain, les regards se tournent vers l'entrée : le président Samba
Thiam fait son entrée. Quelques poignées de main et le voilà installé à la tribune
entouré de Ibrahima Mifo Sow, secrétaire à l?organisation, de Ndongo Abou Bekrine,
coordinateur du conseil national et Ibrahima Abou Sall, secrétaire général de la section
Europe de l?Ouest et organisateur de l?événement. Après un bref mot de bienvenue ce
dernier, très détendu et souriant, donne la parole au président Samba Thiam qui ouvre son
discours en rappellent que les « congrès étaient un moment de pause? destinés à faire le
point, à ouvrir des perspectives et à réajuster, au besoin, méthodes et stratégies de
lutte ». Le ton est donné. Ce congrès ne sera pas comme les autres.
Dictature raciste et arrogante
Très remonté contre le président Mohamed Ould Abdel Aziz qui « au tout début de sa prise
de pouvoir avait suscité quelque espoir », Samba Thiam dénoncera l'absence d'équilibre
dans la représentativité dans la haute administration, l'évacuation de la question du
passif humanitaire, l'arrêt brutal du retour des réfugiés, la spoliation des terres de la
Vallée, et le laxisme dans la gestion de la question de l'esclavage. Pour le président
des FLAM, le constat est clair et amer : « le régime, par toutes ces pratiques, est
entrain de révéler sa vraie nature : une dictature camouflée, arrogante, répressive et
raciste, qui œuvre à préserver le même Système discriminatoire, à l'origine des régimes
militaires arabo-berbères qui l'avaient précédé ! Comme ces derniers, le Régime du
président Mohamed Ould Abdel Aziz élude les questions centrales pour n'aborder, au petit
bonheur la chance, que les questions périphériques, techniques, secondaires ». Il
reviendra ensuite sur les violences contre les étudiants noirs à l'université de
Nouakchott avant de minimiser la portée de la décision prise par les autorités
mauritaniennes de répertorier les tombes des disparus depuis l'indépendance.
Dispersion des forces, rôle des sites électroniques
La charge est violente contre le régime. Elle le sera à peine moins pour « les forces de
la résistance ». Samba Thiam ne se montre pas tendre en effet avec ces organisations, les
FLAM comprises, qui se livrent à une querelle de clochers, « jouant au leader »,
organisant leurs propres manifestations? Il fustigera également la gestion des sites
électroniques sur fond de chasse aux visiteurs, regrettant qu'elles donnent dans l?auto
flagellation au lieu de s'attaquer au Système.
Le moment est venu de nous remettre en cause.
« A situation nouvelle, stratégie nouvelle », lance Samba Thiam. La salle retient son
souffle. Le fantôme du congrès de Cincinnati qui a vu l'organisation traverser une sévère
crise semble s'éloigner. Samba Thiam poursuit en appelant à « l'unité la plus large
possible avec les forces patriotiques, démocratiques et progressistes qui partagent, avec
nous, les mêmes aspirations? S'unir ou périr tel est le sens et l'alternative de
l'instant, tel est l'enjeu du moment ». Les lignes semblent bouger. Et pas de peu. Et le
président des FLAM de déplorer l'autosatisfaction et la condescendance auxquelles son
organisation a pu céder par moments. C?est qu?après avoir rendu un hommage appuyé aux
martyrs qui ont donné leur vie et aux militants qui font preuve de persévérance, Samba
Thiam en est arrivé à la conclusion qu' « il serait illusoire de croire qu'une seule
organisation, même toute puissante, au vu des conditions internes de plus en plus
difficiles et complexes, fut en mesure de venir à bout, toute seule, du Système en cours
». L'auditoire saisit la portée de la déflagration et la couvre de ses applaudissements.
Un véritable tournant s'annonce. Ce congrès ne ressemblera décidemment pas aux autres.
Pour ceux qui ne l'auraient pas compris, le président des FLAM martèle qu'il faudra se
préparer à « prendre les décisions courageuses qu'impose l'évolution de notre
organisation, voire sa survie ». Un autre tabou va tomber : le mouvement va se redéployer
en Mauritanie. C?est l'objet d?une vieille querelle qui vole en éclats. Désormais, plus
rien ne sera comme avant. En se débarrassant de ces écueils, les FLAM renvoient
habilement la balle dans le camp des autres organisations et partis. Les FLAM se disent
prêtes pour le rassemblement et le combat sur le terrain.
Tous les invités qui prendront la parole abonderont dans le même sens et encourageront
les FLAM à aller jusqu?au bout de ces résolutions. Une absence de taille assombrit
cependant le concert : la section française de l?AJD/MR n?a pas répondu à l?invitation
des FLAM.
Il est 12h30, les congressistes ont une demi-heure d'avance sur le programme. Les invités
s'installent dans le restaurant de l'hôtel. Les discussions informelles reprennent dans
une atmosphère bon enfant. Des acteurs qui s'étrillaient copieusement sur le net
rigolent, plaisantent et mangent côte à côte. Un nom s'invite soudain : mais qui est donc
Poullori ? Où est-il ? Quelqu'un semble l'identifier à une table. Tout le monde en rit.
Aucune tension n'est visible. Le syndrome de Cincinnati est exorcisé.
En raccompagnant quelques invités et en répondant à l'un d'eux désireux de prendre la
carte des FLAM pour assister aux travaux du congrès, Ibrahima Sall répond en riant « ce
sera pour le huitième congrès à Nouakchott ». Rendez-vous est pris. Les invités se
dispersent vers 15h, laissant les congressistes mettre en musique la feuille de route
tracée par le président. Les conclusions seront attendues avec impatience. Une page est
entrain d'être tournée.

Abdoulaye DIAGANA pour KASSATAYA