samedi 21 mars 2009

KADHAFI L'AMI ENCOMBRANT ET L'ILLUSION DEMOCRATIQUE

Comme des coups de couteau qu’on appréhende, la médiation libyenne a visité notre pays. Elle y a surtout dirigé une prière que nul prophète n’a prescrite. L’essentiel était peut être là. Le reste a servi à amuser la galerie et à faire diversion. Le médiateur est un mégalomane fantasque avide de lumière et de fards. Il ne pouvait souffrir d’être moins vedette que les principaux protagonistes.

Kadhafi, nous le savons, a commencé sa carrière de prestidigitateur clinquant en renversant le roi Idriss Ier. Le bouillant Colonel a par la suite essayé plusieurs formules qui ont eu plus ou moins de fortune mais se sont toutes soldées par autant d’échecs. Agitateur enfilant les coups tordus sans succès, bras financier du terrorisme international puis des mouvements de rébellion, héraut théâtral du panarabisme… le voilà, lui le pourfendeur du pouvoir dynastique, qui se proclame sans rire Roi des rois traditionnels d’Afrique (ça ne s’invente pas) à l’issue du « forum des rois, des princes, des sultans et des cheikhs des tribus traditionnelles d’Afrique ». Ce qu'il n'a pu réussir avec son livre vert il se prend à rêver de l'obtenir grâce à l’inespérée tribune que lui offre la présidence de l'Union Africaine : semer le trouble, l’agitation et la zizanie où il pourra.

Sans doute dans le calcul de ses pairs africains, le secret espoir de le voir s’amender dans la perspective au moins de réussir une médiation et se donner une stature respectable a-t-il pesé dans la décision de confier la présidence même symbolique de l’Union à ce personnage inconstant et imprévisible. Le voilà qui enfourche sa rossinante pour parcourir les capitales d’Afrique dans le but de recueillir l’allégeance des rois, des princes, des sultans et des cheikhs traditionnels. Kadhafi ne voit dans la présidence de l’UA que l’occasion de laisser libre court à sa fantaisie à nulle autre pareille. Mais plus personne n’entend ce que dit Kadhafi parce que ce qu’il personnifie hurle trop fort.

Tous perdants.

Kadhafi et sa délégation sont passés et comme une nuée de sauterelles ils n’ont laissé que, ruines, désolation et champs dévastés derrière leur funeste cortège. Kadhafi n’est pas une lumière ni un flambeau mais un incendie qui consume tout sur son passage. Il est venu en terre mauritanienne débiter ses pitreries devant une assistance aux anges qui riait aux éclats et s’esclaffait à chaque injure proférée. Le maître lui a commandé de s’asseoir docilement à ses côtés et d’écouter religieusement sa leçon faite d’insultes, de railleries, de moqueries et d’humiliations. Des hommes naguère vantés pour leur courage et leur sens de l’honneur ont essuyé les avanies de l’insolent hôte et se sont sentis obligés de lui témoigner reconnaissance et satisfaction. Au premier rang figuraient, toute honte bue, les autorités militaires putschistes. Que ne ferait-on pour conserver un pouvoir usurpé ? S'il ne leur reste que Kadhafi pour héraut c'est vraiment que la terre commence à se dérober sous leurs pieds au point de rester assis, le sourire fiché aux lèvres, applaudissant un bouffon tragique et hystérique qui les humiliait en insultant leur histoire. Les voilà désormais dans le même camp qu’un saltimbanque ouvertement et résolument érigé en ennemi de la démocratie. Ils eussent pu, si la possibilité leur eut été faite, se choisir meilleure compagnie. En se choisissant un tel allié ils étalent les limites de leur latitude : ils sont coincés et très courts. Qui se ressemblent s’assemblent : désormais en définissant le camp des dictateurs mégalomanes, l’axe satanique et maléfique, on ne maquera d’associer la junte militaire mauritanienne à Kadhafi ! Triste destin !

Deuxième perdant l’UA qui a manifestement un gros souci: elle essaie d'imposer à ses membres un mode d'accession au pouvoir au travers d'élections libres et transparentes alors même qu’elle est présidée par un homme qui n'a jamais été élu, qui ne croit pas au modèle démocratique qui n'est à ses yeux qu'une excroissance honteuse venue de l'exécrable Occident. Comment quelqu'un qui se noie et qui ne sait pas nager peut il voler au secours d'un naufragé? C'est un hold up.

Troisième perdant le camp des démocrates. Pour avoir voulu jouer les gentlemen ils ont laissé le fou chantant semer la désolation avant de s’en aller triomphant. Plusieurs éléments alertaient pourtant dont l’accréditation d’un ambassadeur nommé par la junte militaire, les propos tenus à Tripoli à la délégation du FNDD et au Président Sidi Ould Cheikh Abdallahi au sujet du caractère irréversible du coup d’Etat… Ils ont joué le jeu et le maître du jeu s’est joué d’eux. C’est au moins une leçon à retenir.

Le retour de l’afro pessimisme.

Le roi des rois, des princes, des sultans et des cheikhs traditionnels d’Afrique a donc quitté la Mauritanie et son champs de ruines politiques pour dresser son chapiteau mental en Guinée Bissau puis au Niger pour propager la bonne parole : la démocratie est une ineptie pour l’Afrique. Nous devons recréer les anciens ensembles tribaux et les dynasties emportées dans le tréfonds de l’oubli, comme celle des fatimides et, si possible, en confier la direction au Roi des rois, des princes, des sultans et des cheikhs traditionnels d’une Afrique dans la plénitude de sa renaissance. Après la saillie et les railleries sur le non-sens que constitue la démocratie en Mauritanie, il embraye sur l’inconséquence que constitue la limitation des mandats, un dirigeant, un vrai, à défaut d’être empereur à vie des empereurs d’Afrique, devant rester au pouvoir quarante ans ou même soixante dix s’il le voulait (et le peuple donc !). Vous avez dit pathétique ?

Les années quatre-vingt-dix ont vu le continent souffrir de ce qu’il a été convenu d’appeler l’afro pessimisme, avec des images de guerre, de famine, de coups d’Etat militaires… relayées par les télévisions du monde entier. Depuis, à force d’indignations, les africains ont réussi à imposer plus ou moins une autre vision du continent. Que Stephen Smith se fasse littéralement agresser et traiter de negrophobe pour avoir dressé le tableau d’un continent en dérive dans Negrologie, pourquoi l’Afrique meurt ? est symptomatique de cette fièvre identitaire portée par des intellectuels à la sensibilité à fleur de peau dont les prises de position, au-delà de l’indignation légitime, cachaient mal une certaine gêne devant une actualité désespérément uniforme et têtue.

Les années 2000 promettaient autre chose, surtout depuis que l’Union Africaine, aidée de certains partenaires de la Communauté internationale, encadre le processus de conquête et d’exercice du pouvoir à travers une foisonnante et généreuse littérature sur la bonne gouvernance et d’autres vœux pieux du même ordre. Mais voilà que coup sur coup la Guinée Conakry, la Guinée Bissau et Madagascar emboîtent le pas à une Mauritanie naguère tout frais émoulu modèle de démocratie, pour remettre en cause tout ce que le monde croyait définitivement et irrémédiablement acquis. Pire, l’excentrique et carnavalesque Président de l’Union Africaine ne ménage aucun effort pour gagner à la cause de la croisade contre la démocratie les élèves présidents-à-vie, futurs rois des rois de la bêtise qui n’en demandaient pas tant. Si, comme le prêche l’illusionniste libyen, on en venait à entériner le fait accompli, c’en sera fini du rêve de démocratiser ce continent et d’y pacifier durablement l’activité politique. Comme quoi, confier la prévention et la lutte contre les incendies à un incurable pyromane n’était pas une idée lumineuse. L’enfer plutôt que la compagnie d’un maléfique ébouriffé !

Abdoulaye DIAGANA

France

www.souslatente.blogspot.com

abdouldiagana@yahoo.fr

209 commentaires:

«Les plus anciens   ‹Précédent   201 – 209 sur 209
Anonyme a dit…

hah, alawal zein hatteu!!!
Quelqu'un nous avit pourtant averti: là où il passe kadafi ne laisse que le malheur. Les sanctions arrivent à vitesse grand V et les putschistes font comme si rien n'existe que l'objectif suprême: garder le pouvoir coûte que coûte.

Anonyme a dit…

soeur bebe, je n'ai pas éconduit le prétendant! Je veux juste qu'il se montre à la hauteur parce que le défi est grand: l'élue est de grande valeur.
**
Nasrou, moi ce qui m'inquiète ce ne sont pas les sanctions qui ne toucheront de toutes les façons que les putschistes et leurs soutiens. Ce qui me fout la trouille c'est ce compagnonnage avec l'axe du mal: Libye, Iran, bientôt Soudan, Corée du Nord... On à vraiment affaire à des kamikazes.

Bebe BA a dit…

Merçi JaltaaBe!

C'est clair que les soutiens dont la junte s'attire laissent à désirer.

Je me demande si les occidentaux laisseront cette erreur passer?

La junte est de s'attirer des....

Anonyme a dit…

bonsoir les ami (e) s!!!
Pour commencer, bebe il faut peut-être nous expliquer c'est quoi "rouggou" et l'autre défi (ngari?) parce que en tant que soeurs nous seront très impliquées dans cette histoire de demande en mariage!!!
**

Le CPS a vraiment humilié le Roi des rois!!! A sa place je démissionne! C'est honteux! ça doit être la douche froide pour Aziz et ses amis (et comme bebe dit que les douches froides à Nouakchott c'est pas tellement ça, je les plaints un peu!). Je dois avouer que les mauritaniens eux-mêmes doivent se sentir perdus. Eux qui sont habitués à suivre les vainqueurs ils doivent avoir le torticolis à force d'avoir changé de direction ces derniers: sanctions! pas sanctions!
Aziz n'a qu'à nous faire un petit cadeau: retourner avec ses hommes faire le métier qu'ils savent faire et rendre le pouvoir aux civils. Sidi aussi doit nous faire un cadeau: accepter de renoncer au pouvoir après l'échec du putsch: balle au centre.

Bebe BA a dit…

Mina,

Roogo, veut dire razzia: tu comprendras pourquoi chez les pulaar, quant il y'a un vol, on dit: pulo arani, tchiapato arani!
à cause de leur razzia d'antan!

ngari gawlé est un alligator mythique.

C'est pour cela que je dis que JaltaaBe cherche à décourager mon pretendant (qui a disparu, d'ailleurs).

Bebe BA a dit…

mina,

pour ce qui est Khaddafi, ne t'en fais,le ridicule ne tue plus!
Moi, je crois que c'est Aziz qui s'est avoir comme un bleu.
Comment peut on croire aux promesses de Kadafou?
Qu'est ce que ça coutait à ce dernier de lui faire des promesses dans le vent, alors qu'il a obtenu de notre :::: national, tout ce qu'il voulait?

Anonyme a dit…

Anneu mani khaaif min aligator!!! Je suis moi-même un diable, un caïman, je n'ai pas disparu: je m'organise et je reviendrai triomphalement. Mais doucement doucement: le terrain est très mouvant. Il faut voir d'abord où va le pays avec ces sanctions qui menacent, les vautours qui font leur apparition (toujours mauvais signe: Iran, Soudan, Libye...). Je ne veux pas faire le malheur d'une femme qui a encore quelques espoirs en l'avenir.
Quant aux razzia (il dit rouggou pour me décourager comme s'il voulait dire : "diable monstrueusement assassin" alors que c'est seulement une razzia: pouah: ma tribu est spécialisée dans ça!!!).

Bebe BA a dit…

Zein Hate!
J'ai touché le gros lot!
Comme on dit tout va vient celui qui sait attendre(malheureusement, Aziz ne le sait pas).

Mais espérons pour ces pauvres deportés que les promesses de Aziz valent mieux que celles de son mentor!
****

Lu pour vous sur Avomm:

Le Chef de l’Etat s’engage pour un règlement définitif du passif humanitaire.

Aujourd’hui, le Gorgol s’est singularisé par le lancement des Journées nationales de réconciliation et de règlement du passif humanitaire. Kaédi a été le théâtre d’une cérémonie très émouvante pour le règlement du passif humanitaire, des années de braise 1990- 19991, avec des exactions au sein des forces armées et de sécurité.

Toutes les populations de la Vallée ont fait le déplacement et la cérémonie a été marquée par des allocutions de plusieurs personnalités qui se sont exprimées avec le Président du COVIRE, le Maire de Kaédi, le Commissaire chargé de l’action humanitaire et des Droits de l’Homme, et le Ministre de la Justice.

Selon M Sy Abou Bocar, Président de la Coordination des Victimes et Réfugiés, COVIRE : ‘’Il y’a lieu maintenant de bâtir un avenir de paix et de pardon, et non de semer la vindicte et la rancœur’’, et le Maire de Kaédi a déclaré ‘’Ce que les victimes et la Nation ont souhaité, c’était la vérité, la justice et la réparation’’.

Quant au Chef de l’Etat, le Général Mohamed Ould Abdel Aziz, il a présenté une allocution plein d’émotion et de tristesse tout en mettant en relief la reconnaissance de la Nation pour les victimes de la répression.

A la fin de la cérémonie de réconciliation pour le passif humanitaire, une prière collective à la mémoire des disparus, a permis de se recueillir et de prier pour les âmes de toutes les victimes des années de plomb.

Ablaye a dit…

Bonsoir,

bebe diombaajo, il y a un nouveau post tout chaud qui va tomber. Je te préviens comme tu le réclamais à juste titre la dernière fois.
Bonne lecture.

«Les plus anciens ‹Précédent   201 – 209 sur 209   Suivant› Les plus récents»