lundi 30 mars 2009
Communiqué de Messaoud ould Boulkheir au sujet de la déclaration de Sarkozy a Niamey
En réponse à la déclaration faite par Nicolas Sarkozy à Niamey au sujet de l'absence de mobilisation des Mauritaniens contre le coup d'État, le Président de l'Assemblée Nationale, Messaoud Ould Boulkheir a publié le communiqué ci-dessous.
Communiqué
J’ai été, ces derniers jours, assez surpris par des propos attribués au Président de la République française, Monsieur Nicolas Sarkozy, qui répondait à une question relative à la crise mauritanienne, lors de sa visite au Niger, le 27 Mars 2009, propos qui ont été vite repris, interprétés et brandis par la junte militaire comme une volte-face de la France.
N’eût été mon absolue certitude que la France d’aujourd’hui du président Sarkozy où se réaffirme sans cesse sa volonté d’éviter la réactivation des réseaux de la France d’hier, victime des tractations et des manipulations d’une certaine Françafrique, qui bien qu’obsolète et anachronique, ne désespère toujours pas de renaître de ses cendres, j’aurais été profondément dubitatif, à l’instar de nombreux de mes compatriotes, quant au sens à attribuer à de telles affirmations.
Ma surprise est d’autant plus fondée que la résistance (en question) au coup d’Etat a été immédiate, forte, et continue. Dès le premier jour, un Front national anti-putsch, regroupant les principales forces vives a vu le jour en Mauritanie ; cas unique en Afrique !
J’ai moi-même, dans une déclaration solennelle devant la presse nationale et internationale, exprimé mon rejet catégorique du coup d’Etat, en soulignant, loin de toute considération personnelle, le danger qu’il constitue pour la stabilité, le développement et l’image de la Mauritanie.
Depuis cette date, je n’ai cessé de parcourir le monde, de Paris à Johannesburg, passant par de nombreuses capitales africaines. J’ai été reçu par plusieurs Chefs d’Etat et par le Président de la Commission de l’Union Africaine, Monsieur Jean Ping et j’ai partout plaidé la résistance au coup d’Etat et la nécessité d’un retour à l’ordre constitutionnel en Mauritanie, sous peine de constituer un précédent dangereux pour le Continent tout entier et même pour le Monde.
A l’étape française, j’ai été reçu officiellement et avec les honneurs au Palais Bourbon par mon collègue le Président Bernard Accoyer, avec qui j’ai eu des entretiens fructueux. Nous avons été, ma délégation et moi, conviés à un déjeuner au Palais de l’Elysée, qui a été l’occasion d’un échange profitable avec de Hauts responsables de la Présidence française. J’ai eu, par ailleurs, l’occasion de m’adresser à la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée Nationale française devant laquelle j’ai fait un exposé détaillé sur la crise née du coup d’Etat du 6 août 2008.
Je dois signaler également que des délégations de parlementaires opposés au putsch ont sillonné, à leur tour, le monde, y compris la France et d’autres pays européens pour les sensibiliser sur la nécessité de faire échouer le coup d’état.
Il va sans dire que notre action à l’extérieur s’est accompagnée à l’intérieur d’une lutte courageuse et continue contre le coup d’Etat : des meetings, des manifestations durement réprimées, des sit-in et d’autres formes de protestation de masse, nonobstant la férocité de la machine répressive des putschistes (le Premier ministre et certains hauts responsables du Front anti-putsch sont toujours en détention).
Après toutes ces visites et ces actions, il nous avait semblé, qu’une fois pour toutes, la cause avait été entendue et bien entendue, notamment par la France qui est notre principal partenaire européen le plus à proximité et donc censé être le plus au courant de qui se passe chez nous.
Les ambiguïtés que les putschistes entretiennent aujourd’hui autour de la position française et l’exploitation qu’ils en font au plan intérieur, en invoquant tantôt des intérêts économiques (exploration pétrolière dans le Nord de la Mauritanie), tantôt des impératifs militaires (installation d’une base militaire française), rappellent malheureusement les méthodes désuètes d’un passé que tous les démocrates et tous les progressistes du monde doivent s’empresser d’oublier définitivement.
Pour toutes ces raisons, et compte tenu de la situation dangereuse que traverse mon pays, j’estime de mon devoir de demander à la France et à son Excellence le Président Sarkozy, de faire lever toute équivoque s’agissant de leur position à propos du coup d’Etat en République Islamique de Mauritanie.
Le coup d’Etat du Général Mohamed Ould Abdel Aziz qui méprise les intérêts bien compris de la Mauritanie et défie la Communauté Internationale , commence malheureusement à faire école dans le Continent. Il appelle de la part de la France un traitement particulier, qui découle de son rôle historique de Grande Nation démocratique et des idéaux censés fonder son action en Afrique et son rayonnement dans le Monde.
Les démocrates et les progressistes de Mauritanie, d’Afrique et du Monde attendent de la France et du Président Nicolas Sarkozy d’appuyer fermement les décisions pertinentes de l’Union Africaine, saluées et soutenues par la Communauté Internationale dans son ensemble.
Nouakchott, le 29 Mars 2009
Messaoud OULD BOULKHEIR
jeudi 26 mars 2009
LE GENERAL VA À LA PECHE AUX VOIX ET TOUS LES MOYENS SONT BONS.
Le général Mohamed Ould Abdel Aziz vient de se donner en spectacle à Kaédi d’une de ces façons dont lui seul a le secret. Au prétexte de solder la douloureuse question des violations massives des droits de l’homme perpétrées sous le règne du Colonel Ould Taya qui lui a tout donné en contrepartie de bons et loyaux services, le général putschiste se lance dans un discours grandiloquent ou la fausse émotion le dispute à l’hypocrisie à peine feinte.
Le général putschiste fait croire à son monde qu’il fait dans l’innovation alors qu’il enfonce une porte largement ouverte : il ne fait que répéter ce qu’a déjà fait dans des circonstances moins intéressées le Président élu Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi dans son discours du 29 juin 2007. Celui-ci, fort de la légitimité que lui confère le suffrage universel a reconnu la responsabilité de l’Etat, demandé pardon avant d’engager le processus de retour des réfugiés et d’indemnisation des victimes des atrocités commises par le régime que le général a protégé toute sa carrière avant de poignarder celui qui l’a enfanté. Le Général ould Abdel Aziz n’a lui aucune légitimité pour engager la responsabilité de l’Etat et demander pardon en son nom. Qui l’a investi de cette mission ? Qui lui en a donné mandat ?
A bien des égards, l’attitude du général est malsaine, malheureuse et maladroite.
Malsaine parce qu’elle se sert de la douleur des victimes pour assouvir des desseins électoralistes. La coïncidence avec son agenda politique est frappante. En langage très simple c’est du populisme de bas étage. Le témoignage vaut ce qu’il vaut. Il y a quelques années, un ancien ambassadeur -qui occupe de très hautes fonctions dans l’actuelle administration- me confiait qu’il avait demandé au dictateur Ould Taya lors d’une de ses visites pré électorales dans la vallée de demander pardon pour les événements de 1989-1991. Le colonel lui aurait répondu que s’il le faisait dans ces circonstances il donnerait l’impression de chercher à marchander les voix de la vallée. Vrai ou faux ; sincère ou non la raison avancée n’est pas sans fondement.
Malheureuse parce qu’elle accroît la défiance du citoyen vis-à-vis du politique et sa répugnance de tout acte posé par les gouvernants (encore qu’il est très difficile de ranger le général dans la catégorie des politiques même s’il se donne beaucoup de peine à le devenir depuis qu’il s’est créé un bataillon de députés à sa solde qu’il a su actionner quand il l’a voulu).
Maladroite parce qu’elle fait mine d’ignorer les complaintes de plus en plus fortes qui épinglent certaines personnalités très haut placées aux côtés du général à l’Assemblée Nationale et au HCE (suivez mon regard). Il eût été sincère qu’il eut ordonné à l’armée -qu’il contrôle depuis plusieurs années- de restituer les dépouilles des victimes avant de demander à ses proches mis en cause d’aller s’expliquer devant les tribunaux, lui qui se veut intraitable justicier.
Enfin, si on doutait de la sincérité de l’acte que tentait de poser le généralissime, il suffirait de lire le dernier paragraphe de son allocution pour lever l’équivoque : évoquer les problèmes d’électricité et d’assainissement posés par l’édile de la ville hôte après avoir joué sur l’émotion de populations vivant depuis vingt années dans le souvenir douloureux des massacres des années de braise s’apparente à s’y méprendre à une instrumentalisation sentimentale. C’est d’une affligeante maladresse. Du Shakespeare le talent en moins.
Abdoulaye DIAGANA
France
www.souslatente.blogspot.com
samedi 21 mars 2009
KADHAFI L'AMI ENCOMBRANT ET L'ILLUSION DEMOCRATIQUE
Comme des coups de couteau qu’on appréhende, la médiation libyenne a visité notre pays. Elle y a surtout dirigé une prière que nul prophète n’a prescrite. L’essentiel était peut être là. Le reste a servi à amuser la galerie et à faire diversion. Le médiateur est un mégalomane fantasque avide de lumière et de fards. Il ne pouvait souffrir d’être moins vedette que les principaux protagonistes.
Kadhafi, nous le savons, a commencé sa carrière de prestidigitateur clinquant en renversant le roi Idriss Ier. Le bouillant Colonel a par la suite essayé plusieurs formules qui ont eu plus ou moins de fortune mais se sont toutes soldées par autant d’échecs. Agitateur enfilant les coups tordus sans succès, bras financier du terrorisme international puis des mouvements de rébellion, héraut théâtral du panarabisme… le voilà, lui le pourfendeur du pouvoir dynastique, qui se proclame sans rire Roi des rois traditionnels d’Afrique (ça ne s’invente pas) à l’issue du « forum des rois, des princes, des sultans et des cheikhs des tribus traditionnelles d’Afrique ». Ce qu'il n'a pu réussir avec son livre vert il se prend à rêver de l'obtenir grâce à l’inespérée tribune que lui offre la présidence de l'Union Africaine : semer le trouble, l’agitation et la zizanie où il pourra.
Sans doute dans le calcul de ses pairs africains, le secret espoir de le voir s’amender dans la perspective au moins de réussir une médiation et se donner une stature respectable a-t-il pesé dans la décision de confier la présidence même symbolique de l’Union à ce personnage inconstant et imprévisible. Le voilà qui enfourche sa rossinante pour parcourir les capitales d’Afrique dans le but de recueillir l’allégeance des rois, des princes, des sultans et des cheikhs traditionnels. Kadhafi ne voit dans la présidence de l’UA que l’occasion de laisser libre court à sa fantaisie à nulle autre pareille. Mais plus personne n’entend ce que dit Kadhafi parce que ce qu’il personnifie hurle trop fort.
Tous perdants.
Kadhafi et sa délégation sont passés et comme une nuée de sauterelles ils n’ont laissé que, ruines, désolation et champs dévastés derrière leur funeste cortège. Kadhafi n’est pas une lumière ni un flambeau mais un incendie qui consume tout sur son passage. Il est venu en terre mauritanienne débiter ses pitreries devant une assistance aux anges qui riait aux éclats et s’esclaffait à chaque injure proférée. Le maître lui a commandé de s’asseoir docilement à ses côtés et d’écouter religieusement sa leçon faite d’insultes, de railleries, de moqueries et d’humiliations. Des hommes naguère vantés pour leur courage et leur sens de l’honneur ont essuyé les avanies de l’insolent hôte et se sont sentis obligés de lui témoigner reconnaissance et satisfaction. Au premier rang figuraient, toute honte bue, les autorités militaires putschistes. Que ne ferait-on pour conserver un pouvoir usurpé ? S'il ne leur reste que Kadhafi pour héraut c'est vraiment que la terre commence à se dérober sous leurs pieds au point de rester assis, le sourire fiché aux lèvres, applaudissant un bouffon tragique et hystérique qui les humiliait en insultant leur histoire. Les voilà désormais dans le même camp qu’un saltimbanque ouvertement et résolument érigé en ennemi de la démocratie. Ils eussent pu, si la possibilité leur eut été faite, se choisir meilleure compagnie. En se choisissant un tel allié ils étalent les limites de leur latitude : ils sont coincés et très courts. Qui se ressemblent s’assemblent : désormais en définissant le camp des dictateurs mégalomanes, l’axe satanique et maléfique, on ne maquera d’associer la junte militaire mauritanienne à Kadhafi ! Triste destin !
Deuxième perdant l’UA qui a manifestement un gros souci: elle essaie d'imposer à ses membres un mode d'accession au pouvoir au travers d'élections libres et transparentes alors même qu’elle est présidée par un homme qui n'a jamais été élu, qui ne croit pas au modèle démocratique qui n'est à ses yeux qu'une excroissance honteuse venue de l'exécrable Occident. Comment quelqu'un qui se noie et qui ne sait pas nager peut il voler au secours d'un naufragé? C'est un hold up.
Troisième perdant le camp des démocrates. Pour avoir voulu jouer les gentlemen ils ont laissé le fou chantant semer la désolation avant de s’en aller triomphant. Plusieurs éléments alertaient pourtant dont l’accréditation d’un ambassadeur nommé par la junte militaire, les propos tenus à Tripoli à la délégation du FNDD et au Président Sidi Ould Cheikh Abdallahi au sujet du caractère irréversible du coup d’Etat… Ils ont joué le jeu et le maître du jeu s’est joué d’eux. C’est au moins une leçon à retenir.
Le retour de l’afro pessimisme.
Le roi des rois, des princes, des sultans et des cheikhs traditionnels d’Afrique a donc quitté
Les années quatre-vingt-dix ont vu le continent souffrir de ce qu’il a été convenu d’appeler l’afro pessimisme, avec des images de guerre, de famine, de coups d’Etat militaires… relayées par les télévisions du monde entier. Depuis, à force d’indignations, les africains ont réussi à imposer plus ou moins une autre vision du continent. Que Stephen Smith se fasse littéralement agresser et traiter de negrophobe pour avoir dressé le tableau d’un continent en dérive dans Negrologie, pourquoi l’Afrique meurt ? est symptomatique de cette fièvre identitaire portée par des intellectuels à la sensibilité à fleur de peau dont les prises de position, au-delà de l’indignation légitime, cachaient mal une certaine gêne devant une actualité désespérément uniforme et têtue.
Les années 2000 promettaient autre chose, surtout depuis que l’Union Africaine, aidée de certains partenaires de
Abdoulaye DIAGANA
France
abdouldiagana@yahoo.fr
lundi 16 mars 2009
J’AI MAL A MA DEMOCRATIE
La démocratie est toujours et partout histoire de marchandages :
Je vote pour tel candidat et en contrepartie je satisfais une amie
Je vote pour tel autre et en contrepartie j’attends qu’il construise un pont.
Je vote pour tel candidat et en contrepartie il reconstruit l’Etat.
Je vote pour lui en contrepartie de l’argent qu’il m’a donné ou du logement qu’il va m’affecter, ou des impôts qu’il va baisser ou encore du poste qu’il va me donner, à moi ou à ma sœur ou à mon père. Il en est ainsi dans tous les pays qui peuvent prétendre jouir de la démocratie.
On entend souvent fredonner comme le refrain d’un disque rayé « le grand problème, la catastrophe » du soutien que certains militaires ont apporté à certains candidats dont Sidi Ould Cheikh Abdallahi. Les mêmes disent que les militaires n’ont cependant pas obligé quelqu’un à voter pour Sidi Ould Cheikh Abdallahi (faut quand même pas abuser !), reconnaissant sans le réaliser, que les mauritaniens ont donc voté librement. Pourquoi peut-on accepter de voter pour faire plaisir au mari de ma tante et ne pas admettre que d’autres puissent voter pour les mêmes raisons ou des raisons voisines ?
Il y a un minimum syndical, un pré requis sans lequel on ne peut parler de démocratie : il faut que tous puissent voter sans contrainte, librement dans le secret de l’isoloir et qu’on ne sorte de l’urne que le résultat de ce que les électeurs ont librement exprimé. Le problème ici n’est pas de dire aux gens « ne vendez pas vos voix » mais bien de pouvoir leur dire « dans l’isoloir vous êtres libres de voter pour qui vous voulez ».
Dans toutes les démocraties du monde il y a des groupes qui essaient d’influencer le vote (lobbyistes, groupes de pression…) dans un sens ou dans l’autre en distribuant des cadeaux ou en faisant des promesses en tous genres. Il y a là un vrai problème de démocratie : les électeurs votent pour le plus offrant. Mais on ne peut en aucun cas dire que les groupes de pression ont confisqué la démocratie en contraignant un électeur de voter pour un candidat. Ils ont fait une offre pour répondre à une demande. Le marché est librement proposé et librement contracté. Naturellement, on arrive à un autre niveau où un travail plus profond et sur un plus long terme doit être engagé : qu’est-ce qui doit présider au choix d’un candidat ? Pourquoi voter pour celui-ci plutôt que pour celui-là ? Qu’est-ce que le sens d’un vote ?
Nous sommes dans des pays structurellement installés dans la spirale de l’instabilité et en proie à une lutte acharnée pour la survie. Dès lors comment être surpris qu’un électeur n’accorde que peu d’intérêt aux paroles lénifiantes d’un candidat promettant de renforcer les institutions de l’Etat, de recréer un appareil en déconfiture alors que le concurrent propose des sonnantes et trébuchantes qui auront une incidence immédiate et concrète là où l’Etat est perçu d’abord comme l’ennemi, l’entité impersonnelle et abstraite ? Moins que le corrupteur, le vrai problème c’est le corrompu. Lui seul peut exprimer son dégoût et son refus de marchander sa liberté. C’est ça le fond du problème ! Car une fois cet obstacle franchi on n’aura plus à se soucier de l’argent généreusement distribué ou des consignes de vote données par les chefs de tribus ou de confréries. Dans ce contexte vouloir accuser un candidat d’avoir distribué de l’argent ou d’avoir demandé à l’amie de sa nièce de voter pour lui c’est lui faire un procès en sorcellerie.
Abdoulaye DIAGANA
France