mercredi 25 juin 2008

De Mouawiyya à ould Taya : la présidence sous l’Oeil de Moscou !

Après avoir battu campagne sur un air de changement et avoir fustigé sans relâche les symboles de la gabegie –entendons tous ces mercenaires qui avaient inspiré, initié et exécuté tout ce que les mauritaniens ont reproché à Ould Taya- Sidi Ould Cheikh Abdallah ravale sa salive et effectue un revirement spectaculaire.

La promesse engage…

L’avanie ne réside pas tant dans le reniement de la parole donnée que dans le choix des hommes qui incontestablement symbolisent plus que tout autre la Dictature et la gabegie. Les mauritaniens ont donné du crédit au discours que tenait Sidi malgré tous les éléments qui pouvaient inviter à la réserve et à la retenue. Ils sont de nombreux citoyens démocrates dans l’âme et patriotes sincères à avoir pensé que le candidat ayant donné des gages, il n’était plus opportun de lui opposer cet argument, d’autant que l’opposition à Ould Taya a elle-même recyclé du Roumouz El Vessad. Si Ould Cheikh Abdallah a fait de cet argument un credo c’est qu’il était bien conscient de la soif de changement exprimée par un peuple meurtri par 20 ans d’errements tout comme il savait de quel poids l’argument allait peser sur l’issu de l’élection. Par conséquent il doit son élection en grande partie au fait d’avoir réussi à convaincre les électeurs qu’il était le mieux à même de conduire les changements nécessaires en rompant définitivement avec les pratiques du passé sans engager le pays sur une piste hasardeuse. Ce qui passait pour une conviction bien ancrée se révèle n’être qu’une argutie de campagne, un flou artistique dans l’intention d’abuser de la confiance des électeurs. Ceux qui ont adhéré au discours du candidat devenu président et qui ont cru en la promesse faite en son temps sont aujourd’hui devant leurs responsabilités. En engageant le pays dans l’ère de la Restauration et en reniant la parole donnée, Sidi Ould Cheikh Abdallahi les délie de leur engagement et invite tous ceux qui ont combattu le régime déchu à reprendre du service. Bien naturellement, il serait naïf de croire que tous ceux qui s’agitent dans la majorité contre la composition du gouvernement actuel le font pour d’évidentes raisons altruistes. On trouve parmi eux en effet des hommes qui pourraient honorablement tenir la comparaison si l’envie nous prenait de faire un parallèle entre leur parcours et celui de ceux qu’ils combattent aujourd’hui. Mais entre la crainte de servir les éventuels desseins cachés et peu enviables des frondeurs (à ce jour pure spéculation ou au mieux simple hypothèse) et le devoir de dénoncer la dérive nihiliste que représente la réhabilitation des symboles de la gabegie (une réalité) il y a une possibilité de se pencher sans arrière-pensée sur la Mauritanie convalescente. Je suis conscient que ce faisant, des esprits avides de vérités simples ont vite fait de ranger les voix dissonantes, comme au bon vieux temps, dans le clan des opposants irréductibles et mécaniques aux hommes en place. Qu’importe ! Il en faudra plus pour pousser à l’autocensure.

L’inadmissible

Ce qu’il y a de troublant dans l’ère que nous vivons c’est moins le retour aux affaires d’hommes ayant servi aveuglément la Dictature que le fait que les plus visibles parmi eux aient revendiqué, glorifié et magnifié ce régime honni. C’est tout simplement dantesque. Que Boidiel Ould Houmeid, aujourd’hui secrétaire général de la présidence de la République et Yahya Ould Ahmed El Waghf, Premier Ministre continuent d’être les hérauts de Ould Taya en ces temps où d’autres soutiens ont très opportunément et sans mettre le clignotant tourné casaque, c’est tout à leur honneur. Nous ne pouvons que rester admiratifs devant tant de convictions, de constance et de courage. Mais ce constat fait, qu’il nous soit permis d’afficher notre profond désaccord avec ce qu’ils représentent, symbolisent et défendent. Un ami qui a beaucoup soutenu - et de façon déterminante- la cause de la Mauritanie qui combattait la Dictature (les mauritaniens ne sauront jamais ce qu’ils doivent à Olivier Philip, tant il œuvre dans la discrétion et le désintérêt), haut fonctionnaire français à la retraite, compagnon de la libération et membre éminent du cabinet de Pompidou, me disait fort à propos qu’à la fin de la guerre les alliés ont dû composer avec la haute administration qui servait sous le troisième Reich en Allemagne -en Autriche aussi- quand le besoin se faisait sentir et faute d’alternative… Mais ces fonctionnaires serviteurs d’un Etat dévoyé sous l’implacable dictature avaient fait le pari, Hitler vaincu, de dénazifier leur pays en complète déconfiture et de s’employer à lui donner vie, forme et consistance. J’ai personnellement toujours été troublé par le destin réservé à d’autres hauts fonctionnaires qui avaient eux choisi de combattre Hitler et ses abus pour se retrouver victimes de l’ostracisme la guerre finie. L’histoire retient le sort réservé à Fritz Kolbe, diplomate chevronné qui collaborera avec les alliés pour finir par s’exiler en Amérique (où il fut bûcheron) puis en Suisse à la fin de la guerre. Ce n’est donc pas fondamentalement ce qui nous oppose aux Roumouz El Vassad. Le mal est bien plus profond. Un individu qui vous agresse et qui promet de revenir jusqu’à vous faire rendre gorge vous incite à plus de vigilance. Si vous pouvez reconnaître sa détermination et saluer son courage et sa constance, il n’en demeurera pas moins que si vous êtes un tant soi peu conséquent, vous prendrez vous dispositions pour faire barrage à ses desseins criminels. Ces hommes ne sont pas dans le regret et la repentance. Ils sont dans la célébration et la continuité et c’est inadmissible.

Tout ça pour ça ?!!

Le tableau est saisissant et improbable. Sidi est aujourd’hui un homme cerné en ce sens que les hommes qu’il vient de recycler en leur confiant des stations névralgiques (Premier ministère, Secrétariat Général de la Présidence de la Républiquene, Direction du cabinet présidentiel, ministère de l’intérieur…) ne sont pas les premiers venus. Les loups sont dans la bergerie et l’œil de Moscou surveille la Présidence. Et on sait à qui on le doit. La Restauration de la Dictature de Ould Taya étant désormais une menace réelle par ce geste de pure provocation, Sidi Ould Cheikh Abdallah crée un dangereux précédent. Quelle alternative laisse-t-on désormais à ceux qui ont combattu Mouawiyya si ce n’est de reprendre le combat ? Et le tableau est surréaliste : d’un côté des députés de la majorité présidentielle qui prennent le maquis contre les symboles de la gabegie, de l’autre l’UFP et les islamistes modérés persécutés sous ould Taya exprimant leur solidarité et leur fidélité envers un gouvernement dirigé par un représentant pur sucre de la Dictature avec une forte présence des poids lourds du régime déchu. Des représentants attardés d’un système qu’on croyait à l’agonie, tenant d’une main un pan du nouveau régime et de l’autre le pan qui leur est resté du régime déchu. Une race vigoureuse et prolixe de politiciens qui nagent entre le flou et le pas clair et qui changent de convictions au gré des circonstances. C’est à vous dégoûter de la politique et vous faire passer l’envie de croire toute personne prétendant œuvrer pour l’intérêt du peuple (C’est devenu très suspect) ! Le monstre a été atteint et blessé mais non achevé. Le voilà qui nous revient autrement plus vigoureux, déterminé et menaçant. Et si d’aventure les militaires (qu’on aurait bien aimé raccompagner définitivement dans leurs casernes avec le respect et la reconnaissance qui leur sont désormais dus) devaient avaler la couleuvre que constituera l’éventuel et probable retour effectif de Ould Taya on pourra remercier Sidi Ould Cheikh Abdallahi d’avoir fait peser sur eux et sur le peuple cette épée de Damoclès. En attendant, c’est le peuple qui trinque et boit le calice. Jusqu’à la lie.

Salut.

Abdoulaye DIAGANA

abdouldiagana@yahoo.fr

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Bien dit.

Le MND a enfin atteint son objectif: gouter aux délices du pouvoir y compris en marchant avec Boidiel et Chekh el Avia! Quelle honte. Je vois d'ici Bedredine, Ould Maouloud, Ba Bocar Moussa... defendre urbi et orbi que Boidiel est un homme honnete, qui aime son pays, un fonctionnaire compétant qui doit absolument rester à son poste. Tout comme Jemil ould Mansour d'ailleurs! Mon Dieu!

Anonyme a dit…

J'ai été attaqué par un anonyme par ces mots:
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Anonyme a dit...
Diagana,

J'ai lu avec une tres grande attention votre ecrit. Vous me permettrez de vous dire que vous etes aveugle' par vos emotions.

Plusieurs elements tombent dans la categorie de l'inadmissible mais avec des memoires selectives comme celles qui existent chez vos amis opposants professionnels et vous, il vous est impossible de faire face a' la verite'.

A mes connaissances Mr. Boidiel Ould Houmeid, Yahya Ould Waghef, le Directeur du Cabinet presidentiel et le ministre de l'interieur n'ont jamais ete' reconnus coupables des crimes dont vous parlez. Nous ne pouvons pas vous permettre d'avoir une justice parallele a' la justice legitime qui trouve sa legitimite' et sa force dans de la constitution et des lois de la republique. YOU CAN'T TAKE THE LAWS OF THE LAND INTO YOUR OWN HANDS! Any person is innocent until proven guilty by a court! Boidiel, Yahya et les autres jouissent de tous les droits que la constitution Mauritanienne offre aux citoyennes et aux citoyens de notre pays.
Tenter de diaboliser et terroriser tous ceux qui ne partagent pas vos opinions politiques, est completement irresponsable!.

L'inadmissible consiste egalement a' tenter d'imposer sur le president de la republique votre opinion des choses et lui dire qu'il est oblige' de vous suivre sinon il a trahi. Son Excellence Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi n'a trahi personne! Les depute's, les senateurs, les maires, les membres des conseils municipaux sont elus au niveau local ou a' la proportionnelle. Le president de la republique est elu au niveau de tout le territoire national. Toutes les Mauritaniennes et tous les Mauritaniens en age de voter, ont eu l'opportunite' de choisir entre differents candidats. Le vieux est sorti victorieux de la competition. Il a obtenu la majorite' parce que ses compatriotes ont choisi la sagesse, le savoir faire et la stabilite' au detriment de l'inconnu.

Les alliances et les promesses electorales sont certes importantes mais l'interet superieur de la Mauritanie est la priorite' qui domine toutes les autres priorite's. La Mauritanie d'abord! Les autres elements viendront apres!

L'autre inadmissible est le fait de comparer la Mauritanie a' l'Allemagne d'Hitler et les dirigeants Mauritaniens aux collaborateurs Nazis. Mr. Diagana, cette comparaison est une insulte aux memoires de quelques 50 million de personnes tue'es durant la deuxieme Guerre Mondiale. Elle est egalement une insulte a' l'endroit du grand peuple Mauritanien. La Mauritanie n'est pas l'Allemagne d'Hitler, elle n'a ni camp de concentration ni chambre a' gaz ou' 6 million de juifs ont ete' froidement assassine's. Moawiya et le vieux ne sont pas Hitler et les dirigeants Mauritaniens n'ont absolument aucun lien avec les collaborateurs Nazis.

L'inadmissible reside aussi dans le fait de refuser de reconnaitre les resultats qui sont sortis des urnes. Votre attitude paternaliste ne vous permet pas de reconnaitre la saggesse qui vient de l'Homme ordinaire. Vous croyez tout connaitre. Vous vous voyez comme etant les seuls detenteurs du monopole de la verite'. Tout ce qui est contraire a' votre vision du monde doit etre..."inadmissible".
Le CMJD vous a donne' plusieurs mois pour presenter vos projets de societe' respectifs au peuple Mauritanien. Vos programmes ont echoue' aux urnes. Malgre' cette defaite, vous voulez imposer au peuple ce qu'il a rejete'. Votre attitude est dictatoriale et inadmissible.

La marmite familiale est toujours vide! La cherete' de la vie n'est un secret pour personne. Les Mauritaniennes et les Mauritaniens n'ont pas besoin de debat sterile.
Travaillons ensemble pour aider notre peuple a' sortir de la crise.

Vive la Mauritanie!
Vive le peuple Mauritanien!
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je réponds

ANO DE 23H56

J’ai vraiment apprécié le début de votre réaction et c’est pourquoi, contrairement à mes habitudes, je réagis à un commentaire fait sur mes écrits. Contrairement à certains (nombreux) qui s’empressent de réagir sans prendre connaissance des idées, vous avez vraiment lu le texte et c’est à votre honneur. Seulement, si je respecte et partage une partie de vos arguments, je ne puis que constatez que vous vous égarez (par vos émotions ?) en mettant mon raisonnement sur le compte de l’amertume d’un opposant ou encore quand vous prétendez que j’ai accusé Boidiel et les autres d’avoir volé l’argent de l’Etat. Si vous croyez au principe de l’innocence des individus jusqu’à la preuve du contraire croyez bien que moi aussi et je l’ai assez longtemps et assez radicalement défendu sous la Dictature pour ne pas tombez dans l’extrême inverse. You preach to the convicted. Je n’ai jamais accusé qui que ce soit d’avoir volé quoi que ce soit et je vous met au défi de prouver le contraire. Citez moi un seul traître passage de mon texte qui le dit !!! Ce que je dénonce c’est le fait qu’on s’engage à ne pas travailler avec des individus et de passer outre sa promesse en travaillant quand même avec eux. Sidi s’y était-il engagé oui ou non ? Et quand on prend un engagement qu’on ne respecte pas ça s’appelle comment?
Ensuite, vous ne savez pas à quel point vous vous trompez quand vous me rangez dans l’opposition. De grâce, avant de vous avancez sur certains terrains prenez le soin de vous renseigner. J’ai appelé à voter Sidi malgré mes 18 ans passés dans l’opposition à Ould Taya. Donc m’accuser de refuser de reconnaître les résultats des élections !!! Pfff. De plus, quand Sidi a commencé à tenir ses promesses j’ai écrit un article publié dans La Tribune, Nouakchott Info et CRIDEM (Tandem à la tête de l’Etat : quand le train arrive à l’heure) où je félicitais le Président, car on était tellement peu habitué à voir un politique respecter sa parole ces vingt dernières années qu’il fallait aussi parler des trains qui étaient à l’heure. Non je ne crois pas tout connaître et je n’ai pas d’attitude paternaliste. Seulement il est possible dans un système habitué au règne de la médiocrité qu’un raisonnement cohérent soit perçu comme de la suffisance. Je sais très modestement un certain nombre de choses et ce n’est pas de ma faute. Si ça vous pose problème je m’en excuse. Je n’y suis pour rien. J’essaierai de rejoindre le troupeau mais je ne garantis rien.
Je ne remet pas en cause la légitimité de Sidi : il a été élu et bien élu et doit de ce fait présider aux destinées de la Mauritanie pendant cinq ans (How to preach to the convicted again) ; y compris en étendant son autorité sur l’armée (généraux et caporaux). En respectant les engagements sur lesquels il a été élu. Encore une, de quelle légitimité peuvent se prévaloir Boidiel, Al Avia, El Waghv ? Ceux parmi eux qui ont brigué le suffrage des mauritaniens ont été largement battus. Alors que pèsent-ils ? Qui représentent-ils ?
Dire qu’une fois élu le Président, au nom de « l’intérêt supérieur de la Nation » (quel intérêt ? Quelle Nation ? Nation=groupuscule décrié ?) peut se détourner des promesses sur lesquelles il a été élu est proprement scandaleux. Ce n’est pas ma conception de l’action politique. L’intérêt supérieur de la Nation et la Raison d’Etat ne sont pas des instruments prétextes à tout dé jugement.
Je n’ai pas comparé la Mauritanie à l’Allemagne et à l’Autriche (vous êtes quand même incroyable ! Contentez-vous s’il vous plaît d’endosser ce que vous avez envie de défendre sans vous transformer en mon porte-parole en me faisant dire ce que je n’ai pas dit. Je ne sais sûrement pas tout, but, should you be convicted, je sais defender mon opinion comme un grand). J’ai fait allusion à ces deux pays juste pour dire qu’on ne peut pas mettre au banc des accusés toute une génération de cadres tout simplement parce qu’ils ont servi un régime qu’on combat. C’est pourtant dans le sens de ce que vous défendez vous en êtes-vous seulement rendu compte ?
Quant à dire qu’il n’y a pas eu de camps de concentration en Mauritanie c’est votre opinion. Je vous recommande les rapports d’amnesty, de human right watch ou l’édifiant « Enfer d’Inal, Mauritanie l’horreur des camps » de Sy Mahamadou, paris, l’Harmattant. S’il ne y a pas eu de crimes à l’échelle industrielle en Mauritanie pourquoi Sidi fait-il tant de cinéma autour du retour des déportés ? Pourquoi demander de les rétablir dans leurs droits ? Que cela n’ait concerné « que » des dizaines de milliers et non six millions (on serait allé chercher des maliens et des sénégalais pour avoir le chiffre exact alors) ne change rien à la gravité du fait : un plan concerté et généralisé de chercher à anéantir un groupe humain. Si vous voulez faire du négationnisme c’est entre votre conscience et vous.
Une dernière chose : je défends mes idées à visage découvert parce que je les assume. Pourquoi mettez vous un masque ? Pour attaquer courageusement dans l’ombre ? Pour montrer que vous n’avez pas honte de vos idées ? Pour que ceux qui vous lisent et vous connaissent ne pointent pas les éventuelles incohérences entre ce que vous dites et ce que vous faites ? Votre passé et votre présent ?

Anonyme a dit…

isez:
je ne puis que constater et non "constatez"
Pour ne pas tomber et non "tombez"
avant de vous avancer et non "avancez"
Encore une fois au lieu de "encore une"
"je sais défendre" et non "je sais defender"
"Un plan concerté et généralisé cherchant" et non "de chercher".

Désolé si ces fautes ont pu altérer le sens de mes propos.